Au crépuscule d’une décennie et à l’arrivée de 2020, nous nous sommes intéressés à la vision de nos doyens pour le pays. Éducateur, agriculteur, hôtelier, écrivain, entre autres, comment voient-ils Maurice évoluer dans leurs domaines respectifs durant les dix ans à venir ?
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Rajendra Coomar Reedha : «Une accessibilité plus juste à l’éducation pour tous les enfants à Maurice»
Rajendra Coomar Reedha, ex-responsable du Early Childhood Care and Education Authority (ECCEA) et président de la Fondation pour l’Enfance Terre de Paix, conçoit que Maurice a des défis économiques, culturels, politiques, sociaux, écologiques et technologiques à relever dans l’immédiat, à moyen et à long-terme. Toutefois, il partage sa vision de Maurice en mettant l’emphase sur l’éducation préscolaire qu’il juge primordiale pour l’avenir du pays. Il souligne l’importance de la préscolarité.
« Aujourd’hui, il est reconnu mondialement que l’éducation préscolaire joue un rôle important dans le développement de l’enfant, car elle va déterminer les caractéristiques de la personne en devenir. Des recherches ont démontré que les compétences de base et les aptitudes à l’autonomie dépendent de la façon dont le cerveau se développe. L’architecture du cerveau se détermine pendant la petite enfance et les expériences que l’enfant fait pendant cette phase contribuent à son développement en construisant ses capacités élémentaires », fait-il ressortir.
Et d’ajouter qu’après la mise en place du Nine Years Education, il est impératif que soit revue notre politique de la petite enfance à Maurice et que soit assurée une accessibilité plus juste à tous les enfants mauriciens. « Les normes et standards des écoles publiques et privées, ainsi que la hausse du PER CAPITA Grant de Rs 200, somme qui date de 1996, doivent être reconsidérés. Par ailleurs, nous devons également revoir notre politique pour les enfants de 0 à 3 ans et favoriser la mise en place de Holistic ECD Centres pour tous les enfants ».
Khemraz Huzooree : «Des projets concrets au lieu des effets d’annonce assureront l’avenir du secteur agricole»
Khemraz Huzooree, 69 ans, opère dans le domaine de l’agriculture depuis l’âge de 15 ans. Il considère qu’actuellement, avec le changement climatique, le manque de main-d’œuvre et d’investisseurs, l’agriculture peine à être préservée. Toutefois, il partage que cette situation peut s’améliorer avec des mesures concrètes et ciblées de la part du gouvernement, notamment en commençant par le changement climatique. « Il est impératif de prendre des mesures nationales et régionales pour lutter contre le changement climatique et ses répercussions sur la sécurité alimentaire, la santé et l’écosystème du pays », fait-il ressortir.
Par ailleurs, il préconise des mesures pour faire de l’agriculture un marché séduisant pour les jeunes et aider les planteurs. « À vrai dire, la situation agricole est identique à dix ans auparavant. Il est vrai que le gouvernement mise sur l’agriculture, mais il reste encore beaucoup à faire. On doit mener campagne pour la sécurité alimentaire, afin d’encourager les jeunes à s’engager dans l’agriculture ; pour ce faire, on devrait faire du secteur agricole un marché sûr. De plus, afin d’attirer les investisseurs étrangers, on doit exploiter des terrains abandonnés, réduire la taxe sur les produits directement liés à la plantation, ainsi que fournir des formations permanentes pour les jeunes planteurs ».
Il conclut que « si le gouvernement amène des projets concrets au lieu de ceux qui ne sont que des effets d’annonce, l’avenir du secteur agricole sera assuré ».
Bissoon Mungroo : «Le secteur de l’hôtellerie sera sans doute celui qui connaîtra un progrès continuel dans les dix années à venir»
Constatant la croissance actuelle du tourisme de 3-4 %, Bissoon Mungroo, propriétaire de l’hôtel Manisa est persuadé que le domaine de l’hôtellerie est le seul qui connaîtra un avenir assuré dans dix ans. « Nous réussissons déjà à faire un travail extraordinaire avec nos ressources existantes. On se plaint du manque de progrès, mais le fait est que nous avons progressé, nous ne reculons pas. On doit être réaliste, on ne peut qu’accueillir le nombre de touristes, selon le nombre de chambres que nous avons. Ce qui est déjà très bien, nous ne sommes pas satisfaits à 100 %, mais nous progressons lentement, mais sûrement », fait-il ressortir.
Il souligne qu’il faudra faire un effort au niveau des infrastructures de divertissement, telles que des parcs d’attractions, casinos, entre autres afin d’attirer plus de touristes. « On ne peut pas s’attendre à ce que les touristes se contentent du strict minimum, il faut rendre disponible une panoplie d’activités, afin de fournir une expérience enrichissante, car comparativement à quelques années auparavant, nous comptons plus de jeunes parmi les grands voyageurs ».
Bissoon Mungroo partage qu’il a une vision d’une île Maurice triomphante dans le domaine de l’hôtellerie. « Le secteur de l’hôtellerie sera sans doute celui qui connaîtra un progrès continuel dans les dix années à venir pour la simple raison que les touristes travaillent tout au long de l’année pour pouvoir justement s’offrir un voyage. C’est une tendance qui ne s’éteindra jamais pour le monde voyagiste », conclut-il.
Tristan Bréville : «Dans dix ans, il peut se passer beaucoup de choses, tant heureuses que malheureuses ! Mais il faut croire aux bonnes fortunes»
Tristan Bréville, photographe et écrivain, est un optimiste, il croit profondément à la bonne fortune et c’est avec un esprit positif qu’il perçoit Maurice dans dix ans. « Dans dix ans, mon pays, l'île Maurice indépendante, aura 62 ans. En dix ans, il peut se passer beaucoup de choses, tant heureuses que malheureuses ! Mais il faut croire aux bonnes fortunes. La fortune, comme on le sait, sourit aux audacieux », dit-il.
Toutefois, le photographe s’interroge sur deux points, ciblant deux thématiques qui lui tiennent à cœur : l’environnement et le patrimoine mauricien, des secteurs menacés, selon lui. Tristan Bréville se dit consterné par les trop nombreux pollueurs à Maurice, tant Mauriciens qu’expatriés. « Y aura-t-il toujours le plastique ? Les producteurs de boissons gazeuses sont les plus grands pollueurs. Le nouveau ministre de l'Environnement, pourra-t-il empêcher les habitants de laisser leurs poubelles dans la rue ? Et avec les chiens errants, ici un record mondial, que fera-t-il ? La mer est polluée. La faune marine est squelettique. Déjà rare, il n'y aura plus de poissons dans nos lagons, si cela persiste et les touristes n'aiment pas cela ! », questionne-t-il.
L’écrivain se penche également sur la préservation du patrimoine mauricien qu’il écrit avec un P majuscule. « Qu’est-ce qu'il restera de nos archives nationales quand on pense qu'aucun ministre n'a pu les sauver ? On croit les avoir sauvées, mais, parole d'un patriote, c'est faux ! Les journaux de 1773 jusqu'à nos jours sont en danger d'extinction ».
Le fondateur du musée de la Photographie tire la sonnette d’alarme, afin d’attirer l’attention sur l’importance des archives. « En 2030, même avant 2022, toutes les rédactions (journaux et magazines) auront compris l'importance d'envoyer leurs fichiers numériques aux Archives nationales. Les belles maisons coloniales auront disparu. Je souhaite que le ministre des Arts et du Patrimoine, le prenne en compte », conclut-il.
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