
Kee Chong Li Kwong Wing, économiste aujourd’hui à la tête d’Afrexinsure, une société panafricaine d’assurances et membre du conseil d’administration d’Afrexim Bank, banque de financement du commerce pour l’Afrique, jette un regard critique sur le niveau préoccupant de la dette. Selon lui, sans des réformes structurelles, un plan de relance solide et une augmentation significative de la productivité, Maurice pourrait faire face à des conséquences désastreuses.
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Selon le gouvernement, la dette publique s’élève à Rs 644 milliards, soit 90 % du PIB du pays. Dans quelle mesure le niveau d’endettement du pays est inquiétant ?
90 % du PIB ? Ce chiffre a été tellement manipulé qu’on se demande encore si toutes les dépenses liées aux secrets de défense et de surveillance nationale ont été incluses, ainsi que toutes ces dettes contingentes hors bilan des entreprises parapubliques sous perfusion et autres garanties tacites de l’État, ainsi que tous ces engagements pas (encore) exécutés par le gouvernement, etc. Nous avons peut-être même dépassé le niveau de 100 %.
Pour une petite économie comme celle de Maurice, sans ressources naturelles, avec une Banque centrale en faillite, des entreprises publiques dans le gouffre financier, un train de vie au-dessus de ses moyens, sans stratégie d’avenir, sans plan cohérent et innovant de réformes structurelles, et avec une population vieillissante et une main-d’œuvre largement fainéante, c’est certainement une dette publique très élevée. Elle a déjà dépassé le seuil de tolérance du FMI pour ce type de pays insulaires, qui est de 75 %.
Ce niveau de dette est-il gérable ?
C’est certainement gérable à bien des égards si l’on prend des remèdes de cheval, mais c’est quand même très inquiétant. Si, en vérité, nous sommes plutôt vers les 100 % du PIB, nous aurons approché le point critique qui pourrait faire écrouler notre économie sous un fardeau insupportable, dès lors que l’économie mondiale tend vers une récession et, pire, une guerre impitoyable du commerce, risquant de déboucher sur un conflit qui touchera de plein fouet les rives de l’océan Indien avec ses bases militaires déjà en ébullition. Ces chocs débordent inévitablement sur le coût du pétrole, les taux d’intérêt, les taux de change, la disponibilité de l’aide externe, l’inflation globale, c’est-à-dire une tempête de secousses externes qui risque d’ébranler la soutenabilité de cette dette, la souveraineté budgétaire et la stabilité sociale. Nous sommes très vulnérables à ces chocs, et il y a en plus cette incertitude et cette volatilité globales attisées par les frasques du président MAGA Trump, ce qui fait que nous devons TOUT faire pour éviter ce scénario d’explosion de cette bombe de la dette.
Selon vous, la première étape pour gérer ce niveau de dette est d’en faire une analyse complète…
En effet ! Dans un tel contexte, il est essentiel de faire une analyse très lucide et détaillée de notre dette publique, et il ne faut surtout pas que les autorités publiques s’arrangent pour tripoter les chiffres afin de confondre ou même tromper les experts les plus aguerris du FMI ou de Moody’s. Pour bien comprendre si la dette publique est devenue insoutenable ou non, il faut la décomposer d’une manière quantitative, mais surtout qualitative.
Il faut examiner quelle est la part de la dette qui est productive ou improductive, celle qui sert à financer les dépenses courantes et populistes sans retour sur l’endettement, sauf pour remplir les poches de certains, ou celle qui est utilisée pour des projets favorisant une croissance qui générera une capacité grandissante pour rembourser la dette. Ce que les économistes tiers-mondistes qualifient de « Get debt to get rid of debt ».
Il faut aussi examiner la part de la dette extérieure, car elle est libellée en devises et souvent à taux variable, ce qui nous expose à des risques de fluctuations des devises, des taux de change et d’intérêt. Ainsi, les détails de la composition de cette dette en termes de taux, de devises, de maturité et de conditions ne peuvent être enfouis dans le ‘fine print’ en annexe pour échapper à l’attention du public. Avec le Metro Express et d’autres grands travaux de bétonnage, nous avons considérablement augmenté notre dette étrangère.

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