
Si nos hôtels se tournent vers la main-d’œuvre étrangère, c’est qu’ils ne trouvent pas assez de Mauriciens. Avec le nombre d’arrivées de touristes en hausse, la demande en main-d’œuvre est sans cesse grandissante. C’est la lecture de Jocelyn Kwok, directeur de l’association des hôteliers et des restaurateurs de l’Ile Maurice (Ahrim).
Les hôtels souffrent d’un manque de main-d’œuvre. Qu’est-ce qui explique cette situation ?
Tous les opérateurs économiques ainsi que le service public souffrent du manque de main-d’œuvre, à tous les niveaux de compétences. La contraction démographique et de meilleures opportunités ailleurs qu’à Maurice ont un impact direct sur le marché du travail. J’ajouterais une proportion grandissante du secteur informel favorisant l’emploi précaire et auquel personne, aucune autorité en tout cas, ne semble vouloir s’intéresser. Aujourd’hui, toute l’économie mauricienne souffre de ce manque accru de main-d’œuvre et les hôtels en particulier sont davantage touchés, car le tourisme et l’hôtellerie connaissent un boom partout dans le monde, notamment sur les bateaux de croisière. Je cite ce dernier parce que les croisières sont un phénomène bien spécifique ; y travailler n’est pas de l’émigration. L’émigration temporaire ou permanente est une bien plus grande décision que de signer un contrat à durée déterminée (CDD) d’un an ou de deux sans passer par des services consulaires d’immigration, sans recherche de logement. D’autres personnes évoqueront le faible niveau des salaires pratiqués dans nos hôtels, mais je dirais que ces salaires ont toujours été, et restent, très compétitifs ; ils continuent de s’améliorer, mais de là à pouvoir concurrencer directement un bateau de croisière relève d’une mission impossible. Travailler dans un hôtel repose avant tout sur un contrat de travail à durée indéterminée. Ce qui implique beaucoup de charges et des congés. Si les bateaux de croisière n’existaient pas, le débat public aurait été bien différent !
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Les restaurants, que ce soit en cuisine ou en salle, sont desservis par des Bangladais ou des Sri Lankais. Serait-ce un nivellement par le bas ?
D’abord, je pense qu’il y a beaucoup plus de nationalités présentes dans nos restaurants. Ensuite, la question du nivellement par le bas n’est pas appropriée ; il n’y a pas de lien direct entre le niveau du service et les nationalités effectuant ce service. N’oublions pas que les Mauriciens mangent son pain quotidien fabriqué par des étrangers depuis plus de vingt ans.
L’École hôtelière forme bien des dizaines de jeunes dans le secteur de l’hôtellerie. Où vont-ils, après ? Sur les croisières ?
Ceux sortant de l’École hôtelière vont partout. Il y a les hôtels, les restaurants, les petits hébergements (il y en a plus de 1 100 en dehors des hôtels), les fast-foods, les snacks et les traiteurs. Il y a les hôpitaux et les cliniques, les maisons de retraite, les clubs de sports et privés, tous les autres secteurs recherchant des ressources fortes pour leur service client. Il y a le business familial et les bateaux de croisière une fois un peu d’expérience professionnelle acquise. De nos jours, même les bateaux de croisière n’arrivent plus à recruter à Maurice. Nous avons atteint nos limites.
Ne pensez-vous pas qu’il faudrait revoir la stratégie en termes de salaires attractifs pour retenir ces jeunes formés ?
Je l’ai évoqué un peu plus tôt ; il n’y a aucune chance que nous puissions égaler les salaires d’un CDD sur un bateau de croisière. Pour tout ce qui existe en sus du salaire, c’est-à-dire, l’assurance et la protection sociale, le plan de retraite, les congés, les avantages et autres bonis, nous sommes très compétitifs. La meilleure façon de faire grimper les salaires reste le libre jeu de la concurrence entre employeurs. D’ailleurs, tous les salaires pratiqués sont déjà au-dessus du Remuneration Order (RO).
En tant que directeur de l’Ahrim, ne craignez-vous pas que le sourire et la chaleur humaine de nos jeunes Mauriciens professionnels manquent aux visiteurs ? Y a-t-il une solution ?
La préférence pour employer des Mauriciens est évidente ; il n’y a pas de discussion à ce sujet. Employer de la main-d’œuvre étrangère est une solution de dernier recours. Le manque de main-d’œuvre et l’attrait des bateaux de croisière étaient déjà évoqués il y a presque vingt ans. À cette époque, Maurice accueillait 760 000 touristes ; aujourd’hui, nous sommes autour des 1,3 million et avec une même école hôtelière qui sort moins d’étudiants formés. Tous nos efforts pour gérer ces écarts de manière progressive ont été vains, que ce soit au niveau de l’École hôtelière ou des autorités du tourisme. Les besoins de l’industrie sont énormes en termes absolus, car il nous manque 5 000 personnes à l’horizon 2030. Mais si nous regardons les 50 000 personnes déjà employées, y compris environ 1 000 étrangers déjà sur place, nos besoins restent limités et très raisonnables – c’est 10 %. N’oublions pas que dans d’autres secteurs que l’hôtellerie, nous sommes à quasiment 100 % de main-d’œuvre étrangère. Nous redoublons d’efforts pour recruter localement en ce moment. Nous avons écumé toutes les listes, les bureaux d’emploi, les listes dites sociales ; les écoles et les collèges ; et finalement, il n’y a pas de chiffres spectaculaires.
Je dirais, pour conclure, que le choix d’un opérateur d’opter pour de la main-d’œuvre étrangère reste le sien. Il prend le risque, il paye plus cher, il investit dans la formation requise, il organise son établissement afin de ne pas heurter ses clients, d’ailleurs il gère aussi son portefeuille de clients ; bref, il entreprend et il connaitra du succès ou un échec, libre à lui.

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