
Mal installés ou mal ventilés, les chauffe-eau à gaz continuent de mettre des vies en danger. Malgré les alertes, la législation reste lacunaire et les pratiques à risque persistent.
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Les chiffres donnent le vertige. Depuis le début de l’hiver, 33 personnes ont été intoxiquées au monoxyde de carbone, soit une hausse significative par rapport à l’année dernière. En toile de fond : des installations de chauffe-eau à gaz souvent improvisées, des règles de sécurité ignorées, et un cadre légal qui semble dater d’un autre temps.
Parmi ces cas recensés par le ministère de la Santé, un a été fatal. C’était le 7 juillet dernier, à Triolet. Un adolescent de 16 ans s’effondre alors qu’il prenait sa douche. Il ne s’en relèvera pas. Le même jour, deux autres enfants, âgés de 6 et 15 ans, sont hospitalisés à New-Grove après avoir été victimes d’une intoxication similaire.
« Chaque semaine, nous enregistrons en moyenne deux à trois cas », alerte le Dr Fazil Khodabocus, directeur des services de santé publique.
Le monoxyde de carbone est un tueur silencieux, explique-t-il. Invisible, inodore, incolore… et pourtant terriblement toxique. « Il suffit d’en inhaler une faible dose pour perdre connaissance. Une exposition prolongée peut être fatale. » Ce gaz mortel est libéré lorsque le chauffe-eau à gaz fonctionne dans un espace mal ventilé.
Or, en hiver, les familles cherchent avant tout de la chaleur. Résultat : les appareils tournent à plein régime, souvent installés à l’intérieur de la salle de bains, sans respect des règles de sécurité élémentaires. Et c’est là que le bât blesse. Car malgré les alertes répétées, les campagnes de sensibilisation et les recommandations officielles, les mêmes erreurs se répètent.
En cas d’intoxication, le traitement repose sur l’administration d’oxygène à haute concentration, parfois en milieu hospitalier spécialisé comme à l’hôpital Victoria. Mais encore faut-il identifier les symptômes à temps. Maux de tête, nausées, fatigue intense, vertiges… Trop souvent, ces signes sont banalisés ou attribués à d’autres causes : « Le monoxyde de carbone remplace l’oxygène dans le sang, formant ce que l'on appelle la carboxyhémoglobine. Cela peut entraîner des troubles graves, voire irréversibles si la prise en charge est tardive. »
Les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes ou encore ceux souffrant de pathologies cardiaques sont particulièrement sensibles aux effets du gaz. Pour le Dr Fazil Khodabocus, « il est urgent de revoir nos pratiques, mais aussi notre réglementation en matière de sécurité domestique ».
Législation lacunaire
La manipulation et l’usage de produits gazeux sont encadrés par le Dangerous Chemicals Control Act de 2004 et certaines dispositions du Public Health Act. En théorie, ces textes imposent des normes strictes concernant l’installation et l’entretien des équipements à gaz. Mais dans la pratique, les contrôles sont rares. Et dans les faits, aucune loi n’oblige aujourd’hui les foyers mauriciens à installer leur chauffe-eau à l’extérieur ou à se doter de détecteurs de gaz. Aucun permis ou certification technique n’est requis pour poser ce type d’équipement, contrairement à ce qui se fait dans de nombreux pays européens. Résultat : des installations artisanales, des bricoleurs du dimanche, et des familles entières qui vivent avec un danger mortel au-dessus de la tête.
Pour Ashraf Buxoo, vice-président de la General Services Employees Association (GSEA) Firefighters Cadre, l’encadrement légal est dépassé.
« Le Dangerous Chemicals Control Act date de 2004. Il ne reflète plus la réalité des usages domestiques actuels », martèle-t-il. L’installation de chauffe-eau à gaz devrait être strictement réservée à des professionnels agréés, dit-il. « Souvent, ce sont les consommateurs eux-mêmes qui les installent. C’est précisément là où le danger commence. On pense faire des économies, mais sans le savoir, la personne se met en danger, mais aussi toute sa famille. »
Ashraf Buxoo évoque également la facilité d’accès à ces appareils sur le marché, souvent vendus sans aucune information sur les risques ni exigence d’installation certifiée. Face à cette situation, le syndicaliste appelle les autorités à agir. Il plaide pour une révision complète de la législation : certification obligatoire des équipements, normes d’installation, contrôle technique après installation… Il en fait une priorité de santé publique. « Vous avez une garantie sur l’appareil, mais qu’en est-il de votre vie ? »
En attendant, la vigilance citoyenne reste la meilleure arme. Ashraf Buxoo énumère les gestes simples qui peuvent faire toute la différence : placer la bonbonne à l’extérieur, dans un endroit ventilé, vérifier régulièrement le régulateur et le tuyau, ne jamais utiliser un chauffe-eau à gaz sans surveillance, et surtout, aérer la pièce systématiquement, surtout en hiver.

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