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Intempéries dans le Nord : après la pluie, les larmes

De grosses larmes ruissèlent sur ses joues, quand nous la rencontrons. Vandana (25 ans) revient sur l’inondation du dimanche 17 février qui a ravagé sa maison. Enceinte de six mois, cette habitante de rue Kestrel, Terre-Rouge, éprouve des crises d’angoisse, tandis que son mari Leckraj (36 ans), nettoie la maison et évalue les dégâts.

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Désemparée et stressée, Vandana est assise devant l’entrée de sa maison dévastée. Rien à faire, tout est parti en vrille. L’eau a même emporté l’argent, les frais médicaux de la jeune femme. Son époux lance un appel à un médecin qui pourrait lui venir en aide. Retour sur cet après-midi noir.
14 heures, Vandana est dans la cuisine. Elle prépare le repas familial. Son fils de 4 ans tire sur les vêtements de sa mère et désigne de ses petites mains, l’eau qui s’infiltre à la vitesse de l’éclair. Vandana a pour premier réflexe de le placer sur le canapé, puis elle n’aura d’autre choix que de prendre un tabouret pour sortir par la fenêtre. Pas facile avec un enfant dans le ventre et un autre dans les bras. 

Prise au dépourvu par les eaux qui jaillissent de la rivière, du terrain de foot tout proche et de l’autoroute, elle se retrouve dans une impasse d’eau boueuse…Des voisins accourent pour les sauver. Sur l’autoroute, elle appelle son mari pris dans les embouteillages. Vandana se dirige au poste de police de la localité pour réclamer de l’aide. Lorsque Leckraj rentre à la maison, tout est à l’eau. 

Il mettra femme et enfant en sécurité chez sa belle-mère à Baie-du-Tombeau. Lorsque nous l’avons rencontré le lendemain, vers les 15 heures, il multiplie les lavages pour ôter la boue épaisse qui recouvre leurs effets personnels. Désemparé, il ne sait plus à quel saint se vouer. 

À côté, trois morceaux de bloc sont posés dans une flaque d’eau. Ce passage improvisé conduit à la demeure de Lalchand Toory. Ce receveur d’autobus de 59 ans, aidé par son neveu Yuvraj (27 ans), nettoie au Karcher leur maison inondée d’eau boueuse. Le rez-de-chaussée a été le plus touché. Le niveau de l’eau est monté à hauteur du téléviseur fixé au mur. Yuvraj relate qu’en voyant l’eau monter, il est parti secourir sa mère et sa grand-mère Premjyotee. Cette dernière, âgée de 79 ans, raconte que l’eau lui est venue jusqu’aux épaules et que c’est son petit-fils qui lui a sauvé la vie. Il l’a aidée à atteindre les escaliers pour qu’elle puisse s’y agripper. « Mo vie. Mo pa kapav marse. Kan mon trouv dilo, mon gagn per. Enn sans Yuvraj vinn tir mwa. Sinon mo ti pou fini ale », dit-elle, les larmes aux yeux. 

Un peu plus loin, Parvez Dooky discute avec des voisins. Ce jeune technicien dans une compagnie est en rogne. Sa voiture, une K13 Nissan couleur pourpre, a été entraînée par les flots soudains. « Mo ti pe ed ban vwazin kan monn trouv mo loto dan dilo. Presion dilo inn eclat mo portail. Zordi monn al fer demarse lasirans. Aster lot problem, zot pas le ranbours totalite som asire. » 

Après avoir économisé des années durant, le jeune homme a fini par s’acheter une voiture, il y a deux ans, pour qu’il puisse véhiculer sa mère de 60 ans. En voyant le véhicule flottant dans l’eau, il confie : « Monn zis gete. Pann kapav fer nanien. Ti tro tar. » 

Après Terre-Rouge, Résidence La Cure

Rue Marjolin, Résidence La Cure, une centaine de familles défavorisées vivent la même galère. Face à cette accumulation d’eau, Jessica est remontée. Cette mère habite dans un sentier près du pont Marjolin. Elle vit les pieds dans l’eau, depuis dimanche. Avec peine, elle avance vers sa bicoque en tôle qu’elle vient de nettoyer. Lorsque les averses s’abattaient, l’eau est montée jusqu’au lit à étage de son fils, qui hurlait de peur. Elle a juste pu le sortir pour se réfugier dans la rue. Cela après avoir bravé plus d’un kilomètre de boue. Idem pour sa voisine Venessi (35 ans) qui a quitté sa maison. Elle lavait son linge dans la rivière lorsque nous l’avons rencontrée. Le visage crispé, elle a du mal à cacher ses émotions. Jessica vient la rejoindre. Dans cette eau vive, ternie par l’eau boueuse venant des montagnes de Vallée-des-Prêtres, elle nettoie ses ustensiles de cuisine, tout recouverts de boue. Cela avant de regagner sa maison pour préparer le repas du soir, avec des aliments qu’elle a pu sauver et les plaçant dans un sac en plastique. Elle attend de recevoir une lettre pour bénéficier enfin d’un logement social. Elle avoue prendre son mal en patience. 

À quelques pâtés de maisons, même scénario. Amélie, Samantha, Winsley, Joseph, Adeline, Natacha, Antonio, Élodie, Eline, Adriano, parmi tant d’autres, sont victimes des intempéries. Ces mères et pères de famille nettoient, le cœur lourd, leurs maisons détruites par les averses. Les dégâts sont conséquents. Ils ont pratiquement tout perdu : provisions, meubles, appareils électroménagers, vêtements, matelas. Leurs enfants n’ont ni cahier ni matériel scolaire. Leurs uniformes sont inutilisables. 

Petits et grands mettent la main à la pâte pour déblayer les débris et récupérer les choses encore utiles. Les femmes sont dévastées et en pleurs, tandis que les hommes cachent leurs émotions tout en nettoyant les lieux. Le repas du midi pour la plus part d’entre eux consiste en un maigre « mine appollo.» Car il n’y a plus rien dans la marmite ni dans les frigos emportés par le courant.

Si certains sont chanceux d’avoir trouvé refuge chez des proches et amis, d’autres ont dû dormir à même le sol ou sur les matelas trempés. Ces familles en détresse attendent sans eau ni électricité, une lueur d’espoir des autorités pour sortir de ce calvaire. Elles déplorent la fermeture des centres à Résidence La Cure alors qu’il y avait inondation. « Noun bizin rest lor la ri,» pestent les habitants. Appel à la solidarité mauricienne : Les sinistrés ont besoin dans l’immédiat de vêtements, de matelas, de vivres, de matériel scolaire, de couvertures et de nourriture bien sûr.
 

 

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