L’appel a été lancé en fin de semaine dernière. Inquiets devant plusieurs clauses du Financial Crimes Commission (FCC) Bill, introduit en première lecture mardi dernier et possiblement adopté lors d’une séance parlementaire ce vendredi-ci, la Mauritius Bar Association veut rencontrer l’Attorney General ce lundi 11 décembre.
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Or, l’Attorney General, Maneesh Gobin, est absent du pays depuis la semaine dernière. Après une tournée en Corée du Sud, il se trouve maintenant, selon son service de presse, à Genève, en Suisse. Il est attendu à Maurice « vers la fin de la semaine ». Entre-temps, c’est le Premier ministre, Pravind Jugnauth, qui assure l’intérim au poste d’Attorney General. Le chef du gouvernement est aussi celui qui présente le FCC Bill au Parlement.
Les clauses qui inquiètent portent notamment sur les pouvoirs conséquents réservés à la Financial Crimes Commission (FCC) et son directeur général. Cette nouvelle entité remplace l’Icac, l’Asset Recovery Investigation Division de la Financial Intelligence Unit et l’Integrity Reporting Services Agency. Elle jouira aussi du pouvoir d’arrestation. Jusqu’ici, l’Icac devait passer par la police pour pouvoir procéder à une arrestation, mais la FCC n’aura pas cette obligation.
Le directeur général de la FCC aura également le pouvoir de poursuivre en Cour. Le pouvoir de « prosecution » reposait jusqu’ici sur les épaules du Directeur des Poursuites Publiques (DPP). Ce dernier sera donc contourné. Ce n’est qu’à une étape ultime que ce dernier entrera en jeu et pourra mettre fin à des poursuites entamées par la FCC. Le DPP devra cependant venir justifier sa décision. De plus, celle-ci pourra être contestée par la FCC, la police, voire même l’accusé. Il nous revient cependant que le gouvernement envisagerait la possibilité de faire marche arrière sur le pouvoir d’arrestation de la FCC et pourrait laisser cela entre les mains de la police. Cela n’est cependant pas un point essentiel.
Une autre inquiétude de la Mauritius Bar Association, mais aussi de l’opposition, est le mode de nomination du directeur général et des quatre commissaires qui composent la commission. Selon le texte de loi en circulation depuis le 1er décembre, le directeur général de la FCC sera nommé par le Président de la République, sur avis du Premier ministre après que ce dernier aura consulté le leader de l’opposition. Dans les faits, ce sera donc le Premier ministre qui choisira la personne qui sera le No 1 de la commission.
Le directeur général pourra être suspendu par le comité parlementaire de la FCC qui sera composé de cinq députés de la majorité et quatre de l’opposition parlementaire. Si la majorité de ce comité estime qu’il a fauté, il sera suspendu. Une fois suspendu, ce sera à l’Attorney General, qui est aussi un nominé politique, de conseiller le comité parlementaire sur la voie à suivre, c’est-à-dire s’il faut lever la suspension ou continuer avec des procédures disciplinaires. Ensuite, l’Attorney General devra nommer une seule personne pour examiner le cas et conseiller le comité parlementaire de limoger ou pas le directeur général. Pour ce qui est des quatre « Commissioners », nommés selon le même mode que le directeur général, ils pourront être révoqués par le Président qui agira suivant un avis émis par le Premier ministre si ce dernier estime qu’il y a eu « acte répréhensible, défaut ou violation de confiance dans l'exercice des fonctions ».
Une des questions qui se posent est s’il faut attendre que le texte de loi soit voté pour pouvoir loger une contestation en Cour. Dans ce cas, il faudra des années avant d’avoir un jugement qui pourrait alors aussi faire l’objet d’une contestation devant le Privy Council.
Kris Valaydon, juriste et ancien haut fonctionnaire dans des instances internationales, est d’avis qu’une injonction peut être logée avant même l’adoption du texte. « Dans le cas présent, le projet de loi touche aux prérogatives du DPP en matière de poursuites publiques. Il vise à conférer à une autre autorité une partie de la mission du DPP, sans même modifier la Constitution, qui pourtant, consacre de manière sans équivoque cette mission. La démarche de présenter un projet de loi est irrégulière, surtout que ses promoteurs savent qu'il contient des dispositions constitutionnelles », explique Kris Valaydon.
Pour ce dernier, le FCC Bill touche à la Constitution et doit donc avoir l’approbation d’une majorité de 2/3 ou ¾ pour pouvoir être adopté. « Ceux des opposants qui se sentent visés par l'utilisation qui sera faite d'une loi en vue des élections générales gagneront à réfléchir sur la légalité du projet de loi. Au civil, une injonction contre la présentation du projet de loi comme une loi simple à l'Assemblée nationale est le premier test à faire au lieu de celui de la constitutionnalité qui intervient toujours après que la loi a été adoptée », précise Kris Valaydon.
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