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Incivilités et drague à la gare

Partout, c’est la même rengaine : « Sa bann zanfan lekol la pa fasil sa… ». Conducteurs et receveurs d’autobus, chefs de gare, usagers des transports en commun, tous se plaignent de la cohue aux gares routières à la sortie des classes. Un petit détour s’impose.

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Il est 14 h 30. Les deux gares Jan Palach de Curepipe sont prises d’assaut par des milliers de collégiens. Ils arrivent en groupes, se bousculent et chahutent pour accéder aux bus. Pas moyen d’y mettre de l’ordre, encore moins d’imposer une file d’attente. Un chef de gare, excédé, affirme que « tous les jours, c’est la même pagaille. » « C’est comme ça tous les après-midi. Nous avons fait appel à la police à plusieurs reprises, mais en vain. Aucune mesure n’a été prise. »

Un groupe d’élèves, un peu à l’écart, assiste confus à la scène. « Nous attendons que la masse diminue pour faire la queue », explique l’un d’eux. Ne serait-il pas plus simple de prendre le bus de l’école pour éviter cette cohue ? La réponse fuse : « Il n’y a pas de place, le bus scolaire est trop rempli ! » Pas étonnant, si l’on considère que 600 autobus scolaires sont déployés pour assurer au quotidien le transport de 115 000 élèves.

Cela n’excuse pas pour autant l’indiscipline et l’incivilité de certains, alors qu’il en va de leur sécurité. En effet, à la sortie des classes, les collégiens ne prennent pas la peine de traverser la chaussée aux feux sur les passages cloutés. « Ils risquent à tout moment de se faire écraser par un bus, car ils se regroupent carrément sur la zone de stationnement des bus », s’insurgent conducteurs et receveurs : « Lerla nou ki pou an tor ! »

Pendant qu’on joue des coudes pour être le premier à entrer dans le bus, se joue non loin, un autre film. Des couples d’amoureux, fiévreusement enlacés, se tiennent ici et là, nullement pressés de rentrer, encore moins gênés par les passants. On parle là de collégiens en uniforme. « Zot pa gagn onte zot. Ou gagn onte dan zot plas », s’indigne une marchande ambulante. « Ils n’ont aucun respect », ajoute une autre.

Même scénario à Port-Louis. Des jeunes âgés de 12 à 18 ans, qui ne font pas grand cas des bonnes manières. Bousculade, tapage, langage ordurier, flirt, partage de cigarettes… « Sa pou ale koum sa ziska 4 er », confie un vieil homme qui attend le bus. « Sa ler la, pa kapav vwayaze. Fode oblize mem pou sorti sa ler la », ajoute-t-il. Les quelques adultes présents s’accordent à dire que le comportement des collégiens est de plus en plus impoli, agressif ou dévoyé.

À qui la faute ?

Dans toute cette cacophonie, pas de policier en vue ! À croire que même les autorités ne peuvent faire face à cette jeunesse à la dérive. Aux Casernes centrales, on nous informe que le déploiement de policiers dans le centre-ville aux heures de pointe, relève de la responsabilité des Divisional Commanders. « C’est à eux de s’assurer que le déploiement se fasse comme il se doit », déclare l’inspecteur Shiva Coothen, de la cellule de communication de la police.

Ce problème aurait même été soulevé en haut lieu aux Line Barracks. En attendant des mesures correctives, les opérateurs d’autobus prennent leur mal en patience. « Il est très difficile de contrôler ces élèves indisciplinés, surtout quand ils sont en groupe », affirme Vijay Nundlall, de la Bus Owners Association (BOA). Ainsi, receveurs et conducteurs assistent impuissants aux actes malveillants des jeunes. « Ils endommagent les sièges, déchirent les coussins, écrivent des grossièretés sur les dossiers… Nous ne pouvons rien faire d’autre que de rapporter les cas aux collèges concernés. »

Conscients de la gravité de la situation, les responsables des collèges s’interrogent sur le rôle des autorités et des parents. « La brigade des mineurs devrait intervenir auprès des mineurs en uniforme, qui fument à tous les coins de rue. Ou contre l’indécence de ces jeunes amoureux », déclare Soondress Sawminaden, de l’Association des Recteurs. Ce dernier, tout en concédant que la brigade à elle seule ne peut tout gérer, déplore l’inaction totale de certains policiers. « Cette semaine, j’ai surpris deux jeunes qui se donnaient en spectacle à la gare de Rose-Hill. Il y avait, à quelques pas d’eux, un policier qui n’a pas bronché. Je ne comprends pas une telle attitude, d’autant que cela se passait durant les heures de classe. »

« Les parents ont leur part de responsabilité », poursuit Soondress Sawminaden, recteur du collège Maurice Curé. « Ils n’ont plus de temps à consacrer à leurs enfants. Ceux-ci sont livrés à eux-mêmes et en profitent pour faire n’importe quoi. Souvent, les clés de la maison restent avec les enfants. Ils sortent et rentrent à l’heure qu’ils veulent. Je pense qu’il y a toute une éducation à faire au niveau des parents. Souvent, ils démissionnent de leurs responsabilités, à croire que l’éducation de leurs enfants ne concerne que l’école ». Et le recteur de conclure que l’indiscipline des jeunes est en grande partie due au manque de vigilance des parents et des autorités.

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