Interview

Honita Prayag-Poonith - Vice-présidente de la Commission for Conciliation and Mediation : «Dans la pratique, les lois se heurtent encore à l’ego des hommes»

Honita Prayag-Poonith est la première femme à occuper les fonctions de médiatrice à Maurice. Vice-présidente de la Commission for Conciliation and Mediation (CCM), elle est à l’écoute des litiges auxquels elle se doit de trouver des solutions à la satisfaction de toutes les parties. Rencontre.

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Est-ce que la journée internationale de la Femme, célébrée chaque le 8 mars, a encore un sens ?
Je ne crois pas que de grands développements sont visibles en faveur de l’égalité des femmes. Je crois que chaque culture définit le rôle et les responsabilités attribués aux hommes et aux femmes. Il y a eu de grands combats universels comme le droit de vote pour les femmes, l’égalité des salaires pour tous, la promulgation des lois pour criminaliser la violence à l’égard des femmes, entre autres.

Mais, dans la pratique, ces lois se heurtent encore au machisme et à l’ego des hommes. Il y a encore cette résistance de certains d’entre eux qui se disent : « Ce n’est pas une femme qui va me donner des ordres ». Puis, il existe encore des sociétés au sein desquels le rôle de la femme reste confiné aux tâches ménagères, à la garde des enfants, à celle de femme soumise à toutes les volontés de son époux. Comme seuls les hommes peuvent modifier les lois, rien ne risque d’arriver qui pourrait libérer les femmes de ce type de servitude.

Pourquoi une telle situation n'existe pas à Maurice ?
D’abord par son passé colonial, puis par le système éducatif sans exclusion et la volonté des parents d’éduquer leurs enfants et, enfin par nos lois. Aucun gouvernement n’a jamais tenté de promouvoir des lois discriminatoires à l’égard des femmes. À cela s’ajoute le fait que de nombreux Mauriciens, dont les dirigeants de nos principales institutions, ont effectué leurs études tertiaires en Europe.

«Je ne viens jamais avec un couteau entre les dents et je ne repars jamais sans avoir résolu un litige.»

Ils ont donc été sensibilisés à une culture qui condamne le sexisme. Je pense qu’ils ont assimilé certaines valeurs occidentales qu’ils ont ensuite transmises à leurs enfants.

Est-ce que cela signifie que l’Occident a une politique plus libérale à l’égard des femmes, par comparaison à l’Asie et l’Afrique ?
En général, oui, si on prend par exemple les pays scandinaves. Mais, encore faut-il nuancer cette réponse. L’Inde et le Pakistan ont déjà été dirigés par des femmes, et en Chine, la veuve de Mao avait joué un rôle politique majeur. Mais aucune d’entre elles n’a promulgué de lois favorisant des droits et des libertés pour les femmes. Les lois seules ne peuvent pas changer les choses, il faut agir au niveau des mentalités.

Mais, celles-ci appartiennent au domaine des idées, qui sont par définition abstraites, et on se heurte à l’ego que j’ai évoqué. Et pourtant, le même homme qui refuse de recevoir des ordres d’une femme sera forcé d’accepter de se faire soigner par une femme médecin s’il se trouve en danger de mort.

Comment vous faites-vous respecter dans ce monde d’hommes ?
La Commission est la seule instance pour le règlement des litiges dans le monde du travail. Puis, moi-même, j’ai les compétences requises pour la médiation, qui repose aussi sur la capacité d’être à l’écoute de manière impartiale, c’est ce qui me vaut une réelle confiance, depuis six années à la tête de la commission. Je ne viens jamais avec un couteau entre les dents et je ne repars jamais sans avoir résolu un litige. Si le litige persiste, j’en fais presqu’une obsession, partout ou je suis, en famille, ou durant les sorties. Ma hantise, c’est le 'deadlock' et la perspective d’une grève.

Est-ce que tous les litiges se règlent dans vos bureaux ?
Il m’est arrivé de croiser des ministres en dehors de mes fonctions. C’était le cas pour un ancien ministre des Sports, qui se trouvait dans le même restaurant où je dînais. J’ai donné ma carte de visite à son garde-corps, et on a pu parler. J’avais cru qu’il l’avait fait par complaisance, mais le lundi suivant, il m’a fait appeler pour parler officiellement du problème avec ses hauts cadres. On a pu trouver une solution.

«Si le litige persiste, j’en fais presqu’une obsession, partout ou je suis, en famille, ou durant les sorties. Ma hantise, c’est le ‘deadlock’ et la perspective d’une grève.»

Quand faites-vous appel aux ministres ?
Lorsque leurs cadres ne réagissent pas ou se montrent incompétents. Dans le privé, cela se passe lorsque les HR (responsables des Ressources humaines) ne font aucune concession et se montrent anti-travailleurs. À ce moment-là, je frappe à la porte des CEO.

 

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