La culture mauricienne est un élément unificateur au sein de notre société. Elle a aidé au processus de construction identitaire de l’île. Toutefois, beaucoup pensent qu’elle est en train de se perdre au fil des générations ou alors qu’on ne lui accorde pas l’importance qu’elle mérite.
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À88 ans, Louis Gabriel Joseph, Fanfan pour le public mauricien, nous parle de culture. Cette culture qu’il a aidé à bâtir toute sa vie durant, à travers le séga. Alors que l’on célèbre les 50 ans de l’indépendance du pays, Fanfan se dit triste. Triste pour ce que la nouvelle génération fait de cet héritage culturel.
Car pour Fanfan, le séga n’est plus ce qu’il était autrefois. Aujourd’hui, selon lui, certains ségas véhiculent un langage un peu vulgaire et ne racontent aucune histoire. « Écrire une chanson, c’est comme écrire une histoire, une belle histoire, une belle aventure. Mes compositions à moi ne racontent pas de bêtises. Je passais beaucoup de temps à les écrire et à bien réfléchir à ce que j’allais raconter comme histoire dans mon séga. Il faut se dire qu’il y a des familles, des étrangers et des enfants qui vont l’écouter. C’est pour cela qu’il est important de bien les écrire. »
Aucune société ne peut exister dans la durée si la transmission de sa culture n’est pas assurée. Un autre grand nom de la musique locale est bien placé pour en parler. Serge Lebrasse, enseignant de formation, s’est fait une promesse. Celle de transmettre le séga mauricien qui fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO aux jeunes générations. « Rault, ministre de la Culture à l’époque, m’avait appelé dans son bureau pour me dire qu’il voudrait que j’enseigne la musiques aux jeunes. J’ai tout de suite accepté mais je lui ai dit que j’avais besoin d’instruments. Le ministre en a parlé à son Permanent Secretary et le ministère a commandé des instruments de l’étranger. C’est ainsi que j’ai pu apprendre le séga aux jeunes générations. »
Pas d’amalgame entre religion et culture
L’origine, l’identité, les influences et la rencontre avec d’autres cultures font de Maurice ce qu’elle est aujourd’hui. Vaco Baissac, artiste peintre, fait état de cet élément unificateur qu’est la culture mauricienne. « L’indépendance nous a donné la chance, grâce à la langue créole, d’unir cinq communautés différentes. Nous avons cette chance inouïe et il faut la respecter. C’est mon message à tous les politiciens, à tous les gouvernements et à tous les Mauriciens. Notre culture nous unifie et il ne faut en aucun cas entacher cette harmonie. »
Un pays arc-en-ciel qui se traduit par le vivre-ensemble de toutes les communautés. L’artiste plasticienne, Nirveda Alleck, dira toutefois qu’il ne faut pas faire d’amalgame entre religion et culture. « La culture à Maurice évolue et s’adapte aux influences. Ce qui est bien. Toutefois, il ne faut pas faire l’amalgame entre religion et culture. La religion est une chose et la culture en est une autre. Il s’agit de deux concepts bien distincts. Ce qui est dommage, c’est qu’au niveau des institutions, la religion joue déjà trop. »
L’Inde nous a laissé un riche héritage, dont la musique. Kamal Seetamanee, chanteur de bhojpuri, revient sur l’apport de l’Inde à la culture mauricienne. « Quand nos grands-parents sont arrivés à Maurice, lorsqu’ils se sentaient seuls, ils chantaient. Ils pensaient à leurs familles restées en Inde et ils chantaient des airs bien mélancoliques. Le bhojpuri est né de cette façon. Petit à petit, il a évolué. Par exemple, les gens chantent le bhojpuri mélangé avec l’hindi, qui a donné naissance au ‘bhajan’. »
Pour Percy Yip Tong, directeur artistique, il faut arrêter de penser en termes de multiculturalité et aller vers l’interculturel. Il est d’avis que l’État n’a pas de vision politique en ce qui concerne la culture. Toutefois, il faut oublier le passé, dit-il. « Pour les cinquante années à venir, on passe du multiculturel à l’interculturel. J’ai joué ‘La Rivière Tanier’ avec un violon chinois, une ‘veena’ tamoule, un violon classique européen, une ravane, en chant carnatique... C’est unique et c’est mauricien. Le problème à Maurice, c’est que nous n’avons pas de centre culturel mauricien. Et cela veut dire que les politiques pensent qu’il n’y a pas de culture mauricienne. Et finalement, un pays sans culture, c’est un pays sans racine. »
Selon le directeur artistique, la mise sur pied d’un centre culturel propre à Maurice hissera la culture mauricienne au sommet. C’est ce qui assurera sa pérennité et incitera les jeunes à s’y intéresser. « Pour assurer la pérennité, nous avons besoin des jeunes. Il faut comprendre que le sport les empêche de tomber dans des fléaux sociaux tels que la drogue. C’est pareil pour la culture. C’est l’élément unificateur. Quand il y a les Jeux des îles, tous les Mauriciens s’unissent. Il faut en faire de même avec la culture. »
Conserver notre héritage culturel est important pour les générations à venir. Le pape Jean-Paul II a déclaré : « Veillez par tous les moyens sur cette souveraineté fondamentale que possède chaque nation en vertu de sa propre culture. Protégez-là comme la prunelle de vos yeux pour l’avenir de la grande famille humaine »
Une loi pour les artistes attendue
À Maurice, les artistes, ont souvent dénoncé le fait qu’ils n’avaient pas de statut aux yeux de la société. Ainsi, l’artiste plasticienne Nirveda Alleck parle de l’importance d’une loi-cadre pour les artistes. « Cela va renforcer le statut de l’artiste, le rendre légal. Pour le moment, on a l’impression que c’est le flou. On n’est pas reconnu quand on se déclare en tant qu’artiste uniquement. Quand on remplit un formulaire, quand on fait une demande de prêt bancaire, le statut d’artiste ne fait pas le poids. L’idée, c’est d’avoir des droits pour protéger les artistes et qu’on les reconnaisse comme des travailleurs qui apportent chacun à leur façon leur contribution à l’économie du pays. »
Les artistes locaux ont longtemps souhaité une révision de la Labour Act pour qu’ils soient reconnus comme des employés éligibles aux droits des travailleurs. Et ils veulent également une autre loi pour ceux d’entre eux qui travaillent dans les hôtels afin de sécuriser leur emploi.
Car ce n’est un secret pour personne. Les conditions dans lesquelles évoluent les artistes, qu’ils soient chanteurs ou danseurs, sont de plus en plus déplorables. Toutefois, les artistes sont les premiers à dire que la compétition est féroce dans ce domaine. C’est ce qui a, selon eux, entraîné une perte de respect pour les artistes. L’amateurisme est un autre facteur qui a contribué à cette perte de reconnaissance.
Chercher un statut d’artiste afin de pouvoir rendre son art rentable, c’est s’investir dans un combat difficile. Toutefois, l’enjeu demeure important. Il est aussi du devoir des artistes de se diversifier et de sortir du lot afin de susciter l’intérêt du public.
L’absence de structures pour les artistes mauriciens est également décrié. Selon les artistes, il est très difficile de vivre de son art à Maurice. Tout d’abord, parce qu’il n’y a pas de marché ici. Ensuite, il n’y a pas les infrastructures nécessaires telles que les galeries d’art ou les musées qui auraient collaboré avec des artistes et peintres afin que ces derniers puissent vendre leurs œuvres à Maurice et à l’étranger.
Budget 2017
Enveloppe de Rs 15 millions pour aider les artistes
Dans le dernier budget, le ministère des Finances a annoncé la mise sur pied d’un National Arts Fund pour aider les artistes à réaliser leurs œuvres, soit une enveloppe de Rs 15 millions. Il a aussi déclaré qu’une cérémonie serait organisée chaque année pour récompenser les artistes.
• Mise sur pied d’un National Arts Fund avec une enveloppe de Rs 15 millions pour aider les artistes.
• Création d’une médiathèque pour préserver les répertoires des chansons folkloriques locales.
• Tenue d’une National Award Ceremony pour récompenser les artistes qui se sont illustrés au courant de l’année.
• Rémunération désormais octroyée aux artistes pour leur performance à la MBC Television.
• Rénovation de la mairie de Curepipe au coût de Rs 110 millions.
• Mise sur pied d’un Village des artistes à Batterie de l’Harmonie à Les Salines, Rivière-Noire.
• Création d’une Art Zone, par le secteur privé, au Grenier, à Port-Louis. Le but : permettre aux artistes d’assurer la promotion de leurs œuvres.
• Construction d’un Palais des Arts et de la Culture à Côte d’Or City, à Highlands.
• Accessibilité du Film Rebate Scheme étendu à la production locale des films, au tournage de séries et au doublage de films.
• Possibilité de bénéficier d’une formation dans l’industrie cinématographique et d’autres performing arts sous le National Skills Development Programme.
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