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Harshita Boyjoonauth, trait d’union entre le dessin et les études d’architecture

Harshita Boyjoonauth suit des études en architecture à la branche mauricienne de l’École nationale supérieure d’architecture de Nantes.

En 2019, classée 10e en Higher School Certificate, Harshita Boyjoonauth, ex-élève du collège Dr Maurice Curé, poursuit deux passions : architecture et dessin. Le premier pour en faire son métier et le second pour gagner un peu d’argent de poche et aider ses parents sur ses frais d’études. Inscrite à la branche mauricienne de l’École nationale supérieure d’architecture de Nantes, la jeune fille de 20 ans tente de conjuguer ses passions dans la simplicité et l’humilité.

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À Belle-Rose, où elle habite, sa famille forme une petite tribu, avec ses hauts et ses bas. « C’est normal, dit Harshita. C’est aussi ça les grandes familles et lorsqu’il y a des problèmes, tout le monde accourt. C’était le cas lorsque mon père a eu des problèmes de santé. Là, je me suis rendu compte de la solidarité familiale. » Sa famille, ses ami(e)s du cycle primaire et sa maison représentent le triangle qui lui sert d’encadrement. « Je suis plutôt zanfan lakaz. Mo prefer manz manze lakaz, sorti an restoran likout ser », avoue-t-elle. 

C’est aussi sa maison ‘kreol’ qui lui a donné l’envie de faire des études d’architecture. Cette maison où elle et sa sœur sont nées et où les deux ont travaillé dur pour réussir dans leurs études. « Je me suis dit que quand j’aurai terminé mes études, je construirai une autre maison pour mes parents tout en m’inspirant de l’architecture créole », fait-elle ressortir. 

En deuxième année de Licence, Harshita se dit consciente des frais à l’École nationale supérieure d’architecture (ENSA) de Nantes, soit un peu moins d’un million de roupies par année. « C’est la raison pour laquelle je vends les portraits que je dessine, soit au crayon soit à la peinture, dont des aquarelles. À travers mon compte Instagram, on me passe des commandes. Le client m’envoie différents portraits de lui, puis j’en fais une seule dans laquelle je fais ressortir sa vraie personnalité », explique-t-elle.

Transmission de la passion du dessin

La passion du dessin lui a été transmise par son père alors qu’elle n’était qu’une gamine. « Il faisait des dessins de Shirdi Baba. J’étais fascinée, je voulais en faire de même. J’ai alors commencé à faire des portraits des membres de la famille. Plus tard, j’ai compris qu’il fallait procéder par proportions et j’ai appris grâce à mon prof de peinture en secondaire et en regardant sur YouTube. Le dessin est inné en moi, tout comme la guitare que je joue pour décompresser et élargir mes pensées », relate Harshita. 

Mais le portrait, explique la jeune fille, c’est aussi une formidable immersion dans la psychologie profonde des individus. « C’est souvent révélateur de leur personnalité, parfois plus qu’il n’en révèle à leurs proches. Comme on dit, le visage est le reflet de l’âme. Il y a aussi un peu de la psychanalyse », précise-t-elle.

Expressions : elle s’y investit essentiellement

Pour cerner de plus près les expressions et parfois les rides ou plis, il lui faut parfois quatre heures, voire trois jours, selon les commandes. « J’y mets de la patience, de la rigueur et de la détermination. Car je n’aime pas m’avouer vaincue. Il faut trouver le détail qui donne le trait à la personne. Pour un tel travail, je devrais peut-être demander plus au client, mais je n’ai pas l’audace pour le faire », sourit Harshita. Sa petite notoriété, elle est en train de l’acquérir sans tambours ni trompettes, mais grâce au bouche-à-oreille. C’est durant ses heures libres qu’elle répond aux commandes et en accepte certaines. Pour l’heure, elle se prépare à passer les 2e et 3e année d’études avant de terminer le mastère en France.  

Très sensible à l’architecture coloniale de Maurice, qu’elle souhaite d’ailleurs voir préserver, elle en appelle à un ‘mixte’ entre le bois, le fer, la vitre et le ciment. « Il vous faut des structures qui soient en phase avec notre environnement naturel et qui permet de capter le soleil, les eaux pluviales. Nous ne pouvons construire comme en auparavant, soit en bétonnant partout. Une maison est faite pour y vivre, ce n’est pas un dortoir. Les enfants y vivent, grandissent, étudient et s’épanouissent », fait-elle valoir. 

Faut penser à construire en respectant l’environnement

Toutefois, Harshita reconnaît que sous l’avancée de l’urbanisation, la croissance démographique et les cyclones, il a fallu abattre des arbres, démolir des maisons en tôle, mais, dit-elle, sans jamais penser à construire dans le respect de l’environnement. « Il est encore temps d’aménager les espaces, en tenant compte des inondations causées par les dérèglements climatiques. Nous sommes une petite île vulnérable, si nous ne réagissons pas hic et nunc, nous mettrons en danger le pays et les générations futures. On ne cesse de le dire », prévient-elle.

Dans un an, elle fera face à l’obligation de se rendre en France pour terminer ses études. Évoquant cette perspective, elle s’interroge déjà comment elle vivra seule en France. « J’y pense sans cesse surtout qu’ici ma mère nous sert nos repas. Il faudra sans doute que je m’y fasse. Mais l’idée de partir en France m’apporte toutes ces idées noires. Pourtant, j’ai toujours rêvé de la France, plus que le Canada ou l’Angleterre. Quand les membres de ma famille établis en France venaient passer les vacances à Maurice, je les voyais heureux », se souvient-elle encore. 

Or, la pandémie et la guerre ont sans doute bouleversé ce vieux rêve de la jeune Mauricienne. « C’est vrai qu’il n’y a plus trop de certitudes de nos jours », lâche Harshita avec le réalisme digne d’une fille mature.

Entre ses livres et la musique, Harshita trouve son équilibre 

La lecture et la musique lui servent d’équilibre. Lorsqu’elle est devant son chevalet, ce sont les rythmes d’une musique sacrée dédiée à Durga Maa qui accompagnent ses pinceaux. Mais Harshita peut tout aussi passer au ‘Beat It’ de Michael Jackson ou au ‘Girl from Ipanema’ de Stan Getz. Tout se joue selon son humeur. « Je suis éclectique, je ne suis pas une fille renfermée, j’aime bien parler, discuter et dire tout haut mes opinions. Je ne suis pas complaisante. C’est peut-être un défaut. Sans doute, je vais mettre de l’eau dans mon vin avec l’âge », sourit-elle.  

À l’université, Harshita ne ressent pas la supériorité en nombre des garçons aux filles. « On pense peut-être que l’architecture est un métier de garçons, mais il faut une véritable sensibilité féminine pour comprendre et apprécier les courbes, les arabesques et autres colonnes grecques », dit-elle. 
Depuis son adolescence, la lecture participe à son épanouissement, surtout une certaine lecture consacrée à l’individu, à sa réalisation et ses responsabilités. Une lecture qui passe par Khalil Gibran, Dan Brown et des auteurs spécialisés en leadership. « Pas pour devenir un leader et me mettre en compétition, mais plus pour apprendre, partager et transmettre », nuance-t-elle.

Guerre, Dieu et féminisme

« Je suis féministe lorsqu’il faut réclamer des salaires égaux pour les femmes et la chance pour tous. Toutefois, je suis contre un discours féministe extrême qui consiste à affirmer que les femmes n’ont pas besoin des hommes. Dans ma famille, il y a des femmes fortes qui s’affirment et prennent des décisions. Sans besoin de grands discours », fait ressortir la jeune Mauricienne.

Lorsqu’il en vient à la brûlante actualité de la guerre provoquée par la Russie en Ukraine, Harshita ne peut se poser la question suivante : « Et Dieu dans tout ça, pourquoi n’arrête-t-il pas les conflits armés ? Pourquoi les hommes se battent-ils encore en ces temps où on s’est supposément mieux compris ? Je me demande ce que fait Dieu. Je suis sans doute un peu naïve », sourit-elle.

 

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