L’économiste Ganesen Chinnapen tranche dans le vif : le ministre des Finances marche sur la corde raide et n’aura d’autre choix que d’offrir un Budget d’équilibriste ce lundi 10 juin. Il n’aura pas les mains libres de faire « labous dou » comme il l’aurait souhaité.
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« La stratégie touristique chinoise n’a pas fonctionné, car nous n’avons pas adapté Maurice à leurs préférences »
La dette publique a explosé. Est-ce raisonnable si le prochain Budget fait « labous dou » ou alors faut-il un Budget de continuité ?
Nous allons vers un piège d’endettement qui pourrait s’aggraver, avec Rs 321 milliards de dettes, représentant environ 64,7 % du PIB. Il est impératif d’adopter une approche rigoureuse en matière fiscale et de faire preuve de prudence financière. Même s’il existe une motivation politique pour présenter des mesures budgétaires populistes, il est recommandé de disposer d’un budget d’équilibriste, qui devrait davantage viser à stimuler la croissance dans le pays.
Pourra-t-on avoir le même train de dépenses sur les infrastructures qu’en 2018 ?
Nous ne pouvons continuer sur la même voie de développement des infrastructures que si nous sommes en mesure de promouvoir différents projets par le biais de divers mécanismes de financement, tels que l’instauration d’un partenariat public-privé, local et international. Nous pouvons également initier un partenariat de gouvernement à gouvernement, comme c’est le cas dans de nombreux pays scandinaves et en Chine avec de nombreux pays africains. Il est également primordial que l’économie mauricienne génère une croissance économique régulière et soutenue, de manière à rendre ces investissements infrastructurels durables.
Le ministre Bodha a annoncé un désenclavement du Sud pour développer cette partie du pays. A-t-on les fonds nécessaires pour cela ?
Il est important d’assurer une connectivité et une accessibilité adéquates de toutes les régions du pays. Pour ce faire, il est essentiel de disposer d’une planification appropriée des villes et des régions en termes de ressources et de financement, afin d’éviter les retards de projets et le dépassement du budget alloué aux projets. À ce jour, nous n’avons ni les fonds alloués à ces projets ambitieux du Sud, ni leurs sources de financement. Il est recommandé d’élaborer une stratégie pour définir les priorités en termes de projets d’investissements publics afin d’assurer la durabilité de leur financement.
Le bureau de l’Audit n’arrête pas de taper du poing sur la table concernant les gaspillages. Une solution ?
Cela a été le cas pendant des années après plusieurs mises en garde. La solution réside dans la volonté politique de minimiser et réduire toutes ces dépenses.
Le tourisme et le secteur du textile vont mal. Qu’est-ce qui cloche ?
Le secteur du textile fait face à des désaccords depuis des années, en raison de la compétitivité émergente de pays tels que le Vietnam, le Bangladesh et Madagascar, qui ont éclipsé le potentiel de fabrication de Maurice. Cela est hors de notre contrôle et nous devons réorganiser cette industrie et fabriquer du textile haut de gamme. Quant au secteur du tourisme, après quatre années de performances louables, il s’est effondré. C’est le moment de redéfinir ses stratégies en fonction de nouveaux marchés tels que la Russie, le Brésil et l’Espagne. La stratégie touristique chinoise n’a pas fonctionné, car nous n’avons pas adapté Maurice à leurs préférences. Nous avons présenté Maurice comme une destination de vacances uniforme sur tous les marchés et c’est ce qui nous a fait perdre notre compétitivité internationale.
Tout le monde s’attend que le ministre des Finances aligne la pension de vieillesse sur le salaire minimal. Faudrait-il alors éliminer le transport gratuit pour nos adultes ?
Cela va nuire aux principes souverains de la finance publique et nous risquons également une crise de la dette souveraine. Le régime universel de retraite ne sera pas viable financièrement dans les années à venir, avec une population vieillissante. Dans un scénario idéal, la pension ne peut être alignée sur le salaire minimum que si elle s’accompagne d’un ensemble de réformes de la structure de la pension, telles que le ciblage.
Les PME se plaignent d’être les parents pauvres. Que faut-il faire pour elles ?
Il existe plusieurs systèmes en termes de financement et d'innovation que ces Petites et moyennes entreprises devraient utiliser. Nous avons un portail PME. Je recommanderais au gouvernement de décentraliser ces services d’assistance aux entreprises et de rendre plus facilement accessibles les services dédiés aux petites et moyennes entreprises, en particulier dans les zones rurales.
Le panier de la ménagère s’alourdit, avec l’augmentation des prix…
Le panier est devenu plus complexe en raison de la quantité d’éléments ajoutés, qui ne sont pas essentiels à la vie, mais essentiels au confort de la vie, tels qu’Internet, la télévision par satellite et l’utilisation d’un smartphone. Mais sur le plan économique, avec une inflation faible, il y a une stabilité de prix dans le pays.
Le transport public pèse lourd et le service laisse à désirer sur certaines lignes…
Il s’agit d’une mesure politique et personne n’osera la réviser et la réajuster, car elle serait antipopuliste. Sur le plan économique, il est grand temps de revoir ce mécanisme de financement, car nous devons être plus disciplinés en matière de finances publiques.
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