
Le jour même du lancement de la campagne nationale sur la sobriété énergétique, le CEB a émis une alerte rouge à cause d’un risque de coupure. Grâce à la réaction rapide du public, la situation est revenue à la normale en quelques heures.
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Le 15 octobre, la coïncidence a surpris tout le monde. Alors que le pays lançait sa campagne nationale sur la sobriété énergétique, le Central Electricity Board (CEB) a dû activer une alerte rouge. Objectif : prévenir un risque imminent de coupure d’électricité. Une mesure exceptionnelle qui a finalement porté ses fruits, puisque, quelques heures plus tard, la situation s’est stabilisée et l’alerte verte a été déclenchée.
Selon Thierry Ramasawmy, responsable de communication du CEB, cette amélioration rapide a été possible grâce à la mobilisation du public. « Les Mauriciens ont compris l’importance de réduire leur consommation. Environ 12 à 15 MW ont pu être économisés, évitant ainsi une interruption de la fourniture d’électricité », explique-t-il.
Réserves fragiles
Le CEB rappelle que la situation énergétique nationale demeure fragile. Si les risques de délestage existent, ils peuvent être évités grâce à des gestes simples permettant de rétablir l’équilibre entre la production et la consommation.
Actuellement, environ 60 % de l’électricité du pays provient des producteurs indépendants d’électricité (IPP), tandis que le CEB assure les 40 % restants grâce à ses centrales de Saint-Louis, Fort George, Fort Victoria, Nicolay et d’autres sites.
Cette production repose majoritairement sur des sources fossiles, mais inclut aussi des apports renouvelables de la ferme photovoltaïque d’Henrietta, du parc éolien et des stations hydroélectriques.
Le 15 octobre, le CEB s’est trouvé dans une situation critique, similaire à celle du 3 octobre. Ce jour-là, deux moteurs appartenant à des IPP étaient tombés en panne. Cette fois encore, deux moteurs d’un même producteur indépendant ont cessé de fonctionner, entraînant une perte de 56 MW de capacité. À cette panne s’est ajoutée celle d’un moteur de la centrale de Fort George, réduisant la production de 30 MW supplémentaires.
Face à ce déficit, la production nationale plafonnait à 445 MW, tout juste suffisante pour répondre à la demande. Le CEB a donc activé son protocole d’alerte rouge prévisionnelle à 10 heures, sans passer par l’étape de l’alerte jaune. « La situation était vraiment critique et grave », confie Thierry Ramasawmy.
Dès l’annonce de l’alerte, le CEB a multiplié les messages sur les médias et les réseaux sociaux pour inviter les Mauriciens à réduire leur consommation. La réponse a été rapide. « Les Mauriciens ont réagi positivement », souligne le porte-parole du CEB, tout en notant que certains avaient mal interprété le message, craignant un blackout et procédant à des achats de panique.
Pas de blackout
Mais la mobilisation collective a été déterminante. Dès la soirée de mercredi, la demande d’électricité a commencé à baisser. Parallèlement, les équipes techniques sont parvenues à remettre en service le moteur de Fort George à 19 h 50, permettant de lever l’alerte rouge vers 20 heures.
Thierry Ramasawmy tient à rassurer la population : un blackout généralisé n’est pas à prévoir. En cas de tension sur le réseau, le CEB pourrait plutôt recourir à des délestages temporaires et localisés, d’une durée d’environ une heure. Ce qui prend à contre-pied les affirmations du Premier ministre par intérim Paul Bérenger qui, en plusieurs occasions, a affirmé qu’il y a un risque de blackout en plusieurs occasions.
« Le CEB est encore en mesure de produire de l’électricité. Ce que nous demandons à la population, c’est de réduire la consommation quand le réseau est sous pression », explique Thierry Ramasawmy.
L’expérience de l’alerte rouge a prouvé l’efficacité de la solidarité énergétique. En une seule soirée, 12 MW ont été récupérés, renforçant les réserves. Mais pour le CEB, cet effort doit s’inscrire dans la durée. La campagne de sobriété énergétique, lancée pour six mois - du 15 octobre 2025 au 15 avril 2026 - vise à encourager un changement de comportement durable.
Thierry Ramasawmy rappelle que les habitudes ont évolué depuis la pandémie de covid-19 : plus de télétravail, davantage d’appareils électroménagers, comme les friteuses à air et les climatiseurs. « Ces équipements, tout comme ceux laissés en veille, augmentent la consommation sans qu’on s’en rende compte », indique-t-il.
Pour Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la protection des consommateurs et de l’environnement (Apec), la crise énergétique actuelle trouve aussi ses racines dans le manque d’investissement des producteurs indépendants.
Selon lui, ces derniers n’ont pas renouvelé leurs équipements depuis plusieurs années, tout en achetant la bagasse aux planteurs à un prix dérisoire. « C’est en partie pour cela que le pays se trouve dans une situation difficile », déclare-t-il.
Le président de l’Apec déplore également le manque de vision au niveau du ministère de l’Énergie. Il estime que l’actuel ministre, Patrick Assirvaden, n’a pas encore présenté de plan solide sur la fourniture d’électricité, hormis l’accord signé avec l’Inde pour bénéficier de son expertise, entre autres.
« Depuis onze mois, aucun plan concret ni feuille de route n’a été publié. Le ministère aurait pu montrer ses initiatives au lieu de se contenter de critiquer les prédécesseurs et de parler de projets sans échéances claires », explique-t-il.. Suttyhudeo Tengur regrette que les efforts en matière de sobriété énergétique reposent principalement sur les petits consommateurs. Selon lui, les grands consommateurs, notamment les centres commerciaux et les bâtiments privés, continuent de gaspiller l’électricité en laissant leurs lumières allumées.
Il estime aussi que le CEB doit renforcer sa communication. « L’organisme devrait sensibiliser plus régulièrement la population, au lieu de se limiter à des déclarations ponctuelles. » L’Apec, affirme-t-il, mène déjà ses propres actions pour encourager la sobriété énergétique. « Nous faisons ce qu’il faut pour le pays », dit-il, tout en appelant les Mauriciens à célébrer Divali de manière responsable, avec des lumières traditionnelles.
Une source du ministère de l’Énergie salue la réaction citoyenne. Selon elle, l’appel lancé lors de l’alerte rouge a été bien compris et suivi, permettant d’éviter une surconsommation estimée à environ 15 MW. La même source indique que le CEB a pris les mesures nécessaires pour assurer la fourniture électrique pendant les célébrations de Divali.
« Si une nouvelle alerte devait survenir, la population saura réagir comme il faut. Un petit sacrifice aujourd’hui permettra d’éviter des problèmes plus graves demain », fait ressortir notre interlocuteur.
Shamshir Mukoon, nouveau directeur général du CEB : « Nous ferons le maximum pour pallier la situation »
Le CEB compte depuis le jeudi 16 octobre un nouveau directeur général. Shamshir Mukoon, jusque-là Head of Production au sein de l’organisme, accède à ce poste stratégique à un moment où Maurice traverse une période délicate sur le plan énergétique.
La crise de production d’électricité figure parmi les priorités du nouveau patron du CEB. « C’est le premier chantier, car la situation est un peu difficile en termes de capacité de production. Il faut nous préparer à traverser l’été avec le moins de casse possible. Nous ferons le maximum pour pallier cette situation », a déclaré Shamshir Mukoon lors de sa prise de fonction.
Le nouveau directeur général compte accélérer les projets solaires et de stockage par batteries, des initiatives qui, selon lui, devraient permettre de soulager la pression sur la production et d’améliorer la stabilité du réseau d’ici l’année prochaine. Ces projets s’inscrivent dans la stratégie nationale de transition énergétique visant à accroître la part des énergies renouvelables dans le mix électrique.
Pas de blackout pour Divali
Les lumières brilleront le jour de Divali, affirme Thierry Ramasawmy. Le CEB a mobilisé toutes ses équipes afin de s’assurer qu’il n’y ait pas de coupures de courant ce jour-là. La sérénité est de mise, d’autant plus que le week-end précédera la fête prévue le 20 octobre prochain, jour férié. Durant ces quelques jours, la demande en électricité devrait donc baisser, les industries n’étant pas en activité.
« Nous allons traverser ce Divali dans de très bonnes conditions, car la demande ne sera pas élevée. Nous ne recommandons toutefois pas aux habitants d’exagérer en installant des lumières supplémentaires qu’ils n’avaient pas prévues. En même temps, il nous est impossible d’empêcher les gens d’illuminer leurs maisons, puisque c’est une fête nationale que chacun souhaite célébrer pleinement », déclare-t-il.
Thierry Ramasawmy appelle néanmoins à la sobriété énergétique. Des dispositions ont été prises pour que des équipes techniques soient prêtes à intervenir en cas de problème.
Appel aux centres commerciaux
Compte tenu de la situation énergétique du pays, une correspondance a été envoyée aux centres commerciaux et aux grands opérateurs afin de leur demander de minimiser l’utilisation des enseignes lumineuses, soutient Thierry Ramasawmy.
Pour lui, il est illogique que le CEB appelle à la sobriété énergétique et invite les consommateurs à restreindre leur confort personnel, alors que certains centres commerciaux restent fortement éclairés la nuit, notamment les parkings inoccupés. Pour le responsable de communication du CEB, cette situation est « irrationnelle ». C’est pourquoi le ministre de l’Énergie, Patrick Assirvaden, suit la situation de près afin d’éviter tout gaspillage d’énergie. Un appel similaire a également été lancé aux responsables de bâtiments publics pour encourager une utilisation plus judicieuse de l’électricité.
Bras de fer Lesjongard/ Assirvaden
Le torchon brûle entre le leader de l’opposition, Joe Lesjongard, et le ministre de l’Énergie, Patrick Assirvaden, autour de la gestion de la crise énergétique. Pour Joe Lesjongard, la situation actuelle est le résultat direct de la mauvaise gestion du ministère.
Patrick Assirvaden a riposté sans détour. Selon lui, Joe Lesjongard est mal placé pour critiquer, compte tenu de son propre bilan lorsqu’il occupait le même portefeuille. « En 10 ans, il a mis zéro mégawatt sur la ligne des énergies renouvelables », a lancé le ministre, accusant son prédécesseur d’avoir contribué au risque de délestage et de black-out.
Le ministre a aussi souligné qu’il faut environ deux ans et demi pour installer une machine de 40 mégawatts, tout en adressant une pique à propos du projet Corex Solar : « Les projets qu’il défendait tant n’ont abouti à rien ». Patrick Assirvaden réaffirme sa volonté d’aller vers plus d’efficience énergétique en responsabilisant la population quant à l’utilisation de l’électricité. Il dit par ailleurs attendre une Private Notice Question du leader de l’opposition sur ce dossier brûlant.
Dans un communiqué, le Mouvement socialiste mauricien (MSM) a dénoncé ce qu’il considère comme une habitude du gouvernement : blâmer l’opposition pour masquer ses échecs. « Pénurie d’électricité ? C’est la faute du MSM », peut-on lire dans le communiqué. Selon la direction du MSM, « Gouverner, ce n’est pas chercher des excuses, c’est prévoir, décider et agir. »

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