Société

Flexitime: choisir ses heures de travail

Travailler selon des horaires flexibles. Un vœu bientôt réalisable. C’est en tout cas ce que recommande le Pay Research Bureau. Le rapport rendu public le 1er avril encourage la mise en œuvre du flexitime dans la fonction publique. Mais l’accueil est mitigé. Le flexitime permettra aux employés du secteur public de travailler à des plages d’horaires différentes selon leur convenance. Au ministère de la Fonction publique, par exemple, ce système avait été introduit sur une base pilote. Ils étaient 250 salariés à y avoir participé. Trois tranches d’horaires de travail leur avaient été proposées : 7 h 15 à 15 h 45, 8 à 16 h 30 et 9 à 17 h 30.
Interrogés à ce sujet, deux fonctionnaires affirment l’avoir bien accueilli. « J’ai opté pour le flexitime. Auparavant, je commençais à travailler à 8 h 45 et, aujourd’hui, j’arrive à 8 heures. Donc, je finis à 15 h 15. Cela me permet d’éviter les embouteillages le matin et dans l’après-midi. J’habite Piton et généralement pour venir à Port-Louis, le trajet dure 20 minutes. À cause des embouteillages, cela peut prendre une heure. » Si pour ce fonctionnaire, rentrer plus tôt au travail est avantageux, pour notre deuxième interlocuteur, c’est tout le contraire. « Rentrer plus tard me convient le mieux. J’ai un enfant et comme je dois m’occuper de lui le matin, je préfère arriver plus tard au travail. Le flexitime me convient parfaitement. »

Que dit le PRB ?

Toutefois, le Pay Research Bureau (PRB) est clair sur la question. Cette formule d’horaire flexible sera bel et bien introduite. Dans le rapport, il est dit que « conformément à la vision du gouvernement, nous prenons des dispositions pour la mise en place d’un bon système de flexitime. Ce qui rallongera les heures d’ouverture des bureaux. Avec le flexitime, les fonctionnaires peuvent choisir de travailler de 8 à 15 h 15, de 8 h 45 à 16 heures, de 9 h 15 à 16 h 30 ou de 9 h 45 à 17 h ».

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Toutefois, cette formule ne fait pas l’unanimité. Pour la simple raison que les heures de travail traditionnelles restent le meilleur choix. « Arriver à 8 h 45 me convient parfaitement. J’ai toujours travaillé dans cette plage d’horaire. Je n’ai donc pas besoin de d’arriver plus tôt ou plus tard », nous dis un troisième fonctionnaire. Ceux qui ne connaissent pas encore cette nouvelle formule restent dubitatifs. Ils veulent néanmoins l’essayer avant de tirer une conclusion. C’est devant le Government House que nous les avons rencontrés.

Entre scepticisme et engouement

« On ne sait pas encore quelles en sont les implications, mais, en principe, le flexitime est une bonne chose. » « Le flexitime augmentera la productivité, selon moi. » « C’est un concept qui me convient. Il offre une certaine souplesse dans les horaires du travail. L’introduction du flexitime m’offrira un peu de temps libre dans l’après-midi. » « Cela aidera à régler le problème d’embouteillage. Beaucoup de mes collègues m’ont fait comprendre qu’ils opteraient pour le flexitime. » « Comme toute formule, le flexitime a des avantages et des contraintes. Travailler à des horaires flexibles pose problème pour certaines personnes. Elles ont l’habitude de travailler d’une certaine façon et ne voudront pas changer. Tout le monde n’aime pas le changement. » Ce sont là les propos de certains fonctionnaires interrogés sur l’introduction du flexitime.  
   

Sarvesh Dosooye, psychologue du travail: « Ne rien imposer »

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Pour Sarvesh Dosooye, psychologue du travail, imposer le flexitime serait « très mauvais ». « L’employeur ne doit pas l’imposer, mais les employés ne doivent pas non plus obliger leur employeur à accepter ce qu’ils demandent en termes de flexitime. Ce ne sera pas bon pour la productivité de l’entreprise. La relation employé-employeur devrait être donnant-donnant. Si l’un ou l’autre impose, l’autre sera frustré et le résultat ne sera pas positif. Il faut faire participer tout le monde dans cette prise de décision. Tout le monde doit se sentir impliqué dans ce genre de situation », soutient Sarvesh Dosooye. Le flexitime peut avoir des effets positifs sur le moral de l’employé, selon le psychologue du travail. « Cela peut régler un problème, celui du retard de l’employé tous les matins. Le retard d’un employé tous les matins est démotivant, tant pour l’employé lui-même que pour son employeur. Cela affecte la performance, la productivité, mais aussi ses collègues. » Pour Sarvesh Dosooye, un peu de changement dans la fonction publique ne peut qu’être positif. « Le secteur public à Maurice a toujours été perçu comme rigide. Les fonctionnaires seront certainement plus motivés dans la mesure où ils peuvent choisir l’heure à laquelle ils veulent venir travailler, l’heure où ils sont les plus concentrés et qui leur convient le plus. Pour ceux qui opteront pour le flexitime, cela leur permettra aussi de s’occuper de la famille et avoir plus de temps qui peut être salvateur. » Pour que cette formule fonctionne, une bonne planification est toutefois recommandée, nous dit le psychologue. « Pour que le flexitime marche à souhait, une bonne organisation est indispensable. Certainement, un employé ne peut pas venir tôt un jour et plus tard un autre jour. Toutes les études dans tous les pays du monde ont prouvé que le flexitime augmente la satisfaction au travail et qui dit satisfaction, dit performance. »  
   

Radhakrishna Sadien (GSEA): « Discussions au préalable »

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"15750","attributes":{"class":"media-image alignleft size-full wp-image-26521","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"250","height":"300","alt":"Radhakrishna Sadien"}}]]Le concept paraît séduisant, mais selon les syndicalistes, sa mise en œuvre devrait être faite après discussions. Pour Radhakrishna Sadien, président de la Government Services Employees Association (GSEA), le flexitime n’est pas une solution facile qui peut être appliqué du jour au lendemain. Le flexitime peut aider au décongestionnement routier, mais peut aussi présenter des contraintes, selon lui. « Il faut qu’il y ait des discussions avec les employés avant de prendre une décision d’introduire le flexitime. Il faut créer les meilleures conditions pour les fonctionnaires et non le contraire », fait valoir Radhakrishna Sadien. « Le flexitime doit être introduit avec un certain degré de flexibilité. Il ne faut pas que les employés le subissent. Dans un département, par exemple, si les employés choisissent une plage d’horaire, mais qui ne convient pas à un seul des membres de l’équipe, est-ce que cet employé sera forcé d’accepter la tranche d’horaire choisie par ses collègues ? S’il doit le faire contre son gré, il deviendra un employé frustré et ce n’est bon ni pour lui, ni pour le travail. » Radhakrishna Sadien va encore plus loin. Il affirme que dans un premier temps, au lieu d’aller vers le flexitime, la décentralisation des services publics aurait pu être envisagée. « En décentralisant les services, les gens peuvent avoir accès aux services publics près de chez eux. Par ailleurs, les employés seront eux aussi près de leurs lieux de résidence. Ils contribuent à réduire le trafic routier et la décentralisation serait une bonne option. » Le président de la GSEA insiste sur le fait que le flexitime ne devrait pas être un système rigide car, souligne-t-il, il fera plus de mal que de bien.  
   

Marc Marivel consultant en ressources humaines: « Positive également dans le secteur privé »

Si la fonction publique compte l’appliquer, qu’en est-il du secteur privé ? Le flexitime est un système privilégié dans quelques entreprises du privé. Toutefois, sa mise en œuvre n’est pas encore très répandue dans les entreprises, selon Marc Marivel, consultant en ressources humaines. « Ce concept n’est pas réellement à la mode à Maurice, vu que nous avons encore des arrangements d’horaire de travail plutôt traditionnels. Toutefois, pour répondre à des exigences et des convenances, certains employés dans quelques compagnies le font déjà. L’introduction de l’horaire flexible dans le secteur privé ne peut qu’être positive, dans la mesure où elle permet plus de flexibilité à l’entreprise. Ce qui lui permet de moduler son temps de travail selon ses exigences et celles de sa clientèle. Du côté des employés, la mise en œuvre du flexitime leur permettra de se libérer à certaines heures, que ce soit pour s’occuper de leur famille ou de leurs études », soutient le consultant en ressources humaines. Toutefois, tout système, aussi calculé soit-il, peut présenter des inconvénients, selon Marc Marivel. « Le principal désavantage serait que le flexitime peut modifier un peu les habitudes. Certaines personnes ne sont pas très à l’aise quand on apporte des changements à leurs habitudes de vie et de travail. Autre désavantage, la mise en œuvre de l’horaire flexible peut amener les gens à travailler un peu plus tard dans la soirée ou plus tôt le matin ou avoir des heures qui fluctuent en fonction des exigences. »  
   

Rashid Imrith (FSSP): « Pour une réunion consultative »

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Rashid Imrith, président de la Fédération des syndicats des secteurs publics. Il avance qu’une réunion consultative regroupant les différents syndicats serait la bienvenue pour définir les modalités de l’introduction du flexitime. « Le flexitime fait partie des réformes qu’apporte le gouvernement. Et toute réforme nécessite discussions. Le flexitime est une réforme majeure, mais avant sa mise en œuvre, le gouvernement doit en discuter avec les syndicats. Nous devons connaître les implications de ce système. S’il s’avère être un bon concept, nous l’accepterons car donner un meilleur service à la population est notre priorité. »
 

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