L’agression sauvage d’Amrita Barman, le 11 octobre dernier, met en lumière le cas de ces femmes balafrées, souvent par vengeance. Selon la psychologue Véronique Wan Hok Chee, l’agresseur « ne cherche pas à tuer mais plutôt à anéantir la vie de la victime en détruisant son image ».
Les coups de cutter portés au visage d’Amrita Barman par sa tante, mardi 11 octobre, à Bambous, sont loin d’être une première. Régulièrement, des femmes sont balafrées dans des affaires où le mobile est la vengeance ou la jalousie. Pour ces victimes défigurées, la souffrance psychologique est intense et elles portent des séquelles du traumatisme parfois à vie, explique la psychologue clinicienne Véronique Wan Hok Chee.
La chirurgie plastique, aujourd’hui, permet de reconstruire le visage d’une femme qui a été défigurée à l’arme blanche, souligne la psychologue. « Toutefois, une agression reste une agression et la victime ressent une souffrance non seulement physique mais aussi et surtout psychologique. »
Ce serait d’ailleurs, selon elle, l’effet recherché par l’agresseur. « Ce type d’acte barbare est souvent commis dans le but de se venger de la personne ou de la punir. L’agresseur peut être un époux jaloux, une rivale, un proche qui a un compte à régler. Il ne cherche pas à tuer mais plutôt à anéantir la vie de la victime en détruisant son image. Le plus fréquemment, c’est le visage qui est visé. Mais dans mes consultations, j’ai aussi eu des cas de femmes auxquelles on avait coupé les cheveux. Certes, c’est moins définitif, mais le but est le même : marquer la victime pour qu’elle vive dans l’humiliation et lui faire perdre sa confiance en soi pour avancer dans la vie. »
Cependant, l’acte n’est pas toujours consciemment prémédité, précise-t-elle. « Il peut être le résultat d’une réaction impulsive dans laquelle la colère de l’agresseur se transforme en rage folle. Aveuglé par le besoin de vengeance, il ne réfléchit plus, et dans certains cas, cela aboutit à un homicide involontaire. Les statistiques montrent que dans les affaires de vengeance, les agressions sont deux fois plus violentes. »
Comme la victime d’un viol, la personne défigurée a vécu un événement traumatisant, poursuit la psychologue. « Elle peut développer un trouble du stress post-traumatique. Ce trouble de santé mentale provoque des cauchemars, des insomnies, de l’anxiété et des crises d’angoisse. Il n’est pas rare que la victime sombre dans la dépression et perde le goût de vivre. Elle aura tendance à être démotivée, à s’isoler, à se renfermer sur elle, voire à envisager le suicide. Pour sortir, elle portera un foulard, un masque, des lunettes, afin de cacher sa cicatrice mais aussi son état dépressif. Tout cela amène à la désocialisation », fait ressortir Véronique Wan Hok Chee.
De plus, les victimes d’agression vivent généralement avec un sentiment d’insécurité permanent. « Surtout si l’agresseur est remis en liberté dans l’attente de son procès ou après avoir purgé sa peine. La peur d’un acte de récidive est alors justifiée. »
Ces femmes agressées au cutter
11 octobre 2022. Ce dernier cas en date a choqué la population. Mardi à Bambous, Amrita Barman, 31 ans, a été agressée par sa tante, Saroja Geerdharry, 34 ans, qui habite à la même adresse qu’elle. L’événement s’est produit en pleine rue en fin de matinée. Des badauds ont assisté à la scène sans porter secours à la jeune femme qui appelait à l’aide. La victime a eu le visage entaillé par des coups de cutter. Arrêtée par la suite, Saroja Geerdharry fait l’objet d’une accusation provisoire d’agression avec circonstances aggravantes. Un différend avec sa nièce aurait motivé son geste.
Amrita Barman, elle, a été admise à l’hôpital Dr A.G. Jeetoo à Port-Louis dans un état grave et a subi une première intervention chirurgicale. Mariée à un ressortissant indien et mère d’une fille de 9 ans, elle attend maintenant avec angoisse le verdict des médecins. Ce n’est que dans quelques jours qu’il sera possible de dire si la chirurgie reconstructive est envisageable.
31 août 2022. Camila, une habitante de Roche-Bois âgée de 18 ans, a échappé de peu à la mort. Victime d’une tentative d’égorgement, cette jeune maman s’en est tirée avec dix-sept points de suture au cou après avoir été transportée à l’hôpital juste à temps par son oncle. Ce jour-là, elle rentrait du travail quand elle a croisé la route d’une autre habitante du quartier, Christina Kovina M., 25 ans. Cette dernière l’a questionnée sur sa vie privée avant de lui porter un coup de cutter à la gorge. Arrêtée peu après, la suspecte a été inculpée d’agression avec préméditation.
Mai 2019. Drame conjugal à La Clémence, dans l’est de l’île. Vini, 28 ans, a été défigurée à coups de cutter par son époux, avec qui elle venait de rompre. Le mari aurait ensuite tenté de mettre fin à ses jours avec la même arme.
Avril 2017. Josiane (prénom d’emprunt), 38 ans, a mis un terme à sa vie conjugale depuis quatre jours. Elle revient à la maison pour récupérer quelques affaires. Son époux l’accuse d’avoir un amant et la situation dégénère. Il la roue de coups puis lui taillade le visage et d’autres parties du corps.
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