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Évaluation de Moody’s : Maurice à un pas de perdre son ‘Investment grade’

L’agence de notation suivra de près ce que fera Maurice pour renverser la tendance.

La dernière évaluation de Moody’s sur la note souveraine de Maurice émise le 30 janvier à New York laisse un arrière-goût. Côté pile, le pays maintient sa note de Baa3. Côté face, la perspective passe de stable à négative. Du coup, le pays est à un cran de perdre son « Investment grade ». Pour redresser la barre, il faudra amener des réformes urgentes afin d’abaisser le niveau de la dette publique et d’assainir les finances publiques.

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Amit Bakhirta, Fondateur et CEO d’Anneau : « Maurice a désormais un pied presque dans la falaise du ‘junk’ »  

Si Maurice perd son Investment Grade, c’est un tsunami financier qui frappera nos côtes, prévient Amit Bakhirta. Pour le Fondateur et CEO d’Anneau, le pays a besoin d’une restructuration économique.

Moody’s a maintenu la note Baa3 de Maurice, mais a modifié notre perspective qui passe de stable à négative. Concrètement, qu’est-ce que cela implique ?
La perspective négative implique que nous avons désormais un pied presque dans la falaise du ‘junk’ et l’autre, toujours sur la falaise. Il s’agit d’un signe d’avertissement clair : si un plan de consolidation budgétaire n’est pas mis en œuvre immédiatement et est retardé, si on fait face à une augmentation des coûts d’emprunt et on ne procède pas à la restructuration de la dette des entreprises publiques ; simplement, si les indicateurs de notre dette ne s’améliorent pas au cours des 12 à 18 prochains mois, une dégradation à ‘junk’ serait justifiée. Moody’s continue de permettre au nouveau gouvernement en place de mettre de l’ordre dans les affaires, sans quoi, clairement, le ‘junk’ arrivera. Nous avons été prévenus. 

Dans quelle mesure le rapport State of the Economy y est pour quelque chose ? 
Eh bien ! Ce document attribut des faiblesses budgétaires sous-jacentes à des déficits budgétaires plus élevés, à un fardeau de la dette plus élevé ainsi qu’à des lacunes systémiques plus larges dans la gouvernance des corps publiques du pays. À plus de 77 % du PIB, les niveaux d’endettement de notre pays sont nettement plus élevés que ceux d’autres pays comparables, et donc la situation actuelle. Alors qu’on peut crier à la transparence ; nous devons être sages et plutôt nous concentrer sur la résolution des problèmes sous-jacents. Chez Anneau, nous avons plaidé depuis des années en faveur de politiques budgétaires prudentes et d’un plan de consolidation budgétaire. Maintenant, Moody’s vient de le faire haut et fort. 

Dans l’éventualité où l’on perd notre Investment Grade, quel impact cela aura-t-il sur notre secteur financier et notre capacité à attirer les investissements ? 
Un tsunami financier frapperait nos côtes. Les sorties de dépôts de la Global Business Companies, l’affaiblissement des bilans du secteur bancaire et la dégradation des notations de toutes les banques commerciales, l’aggravation des déficits des comptes courants, l’affaiblissement de la balance des paiements, les réserves internationales nettement plus faibles et donc une roupie encore plus faible entraînant une forte inflation importée, forçant la spirale catastrophique de notre monnaie encore plus profondément. Il est important de noter que les déclarations de politique d’investissement (« IPS ») de plusieurs fonds du G20 interdisent les dépôts en espèces et les investissements dans les juridictions financières souveraines notées « junk ». Et ainsi, ce serait un cauchemar pour notre International Financial Center (IFC). Et il sera plus difficile de renverser la situation qui prendra encore plus de temps à se défaire. Ainsi, la sagesse est le mot roi.

Le gouvernement envisage de venir de l’avant un « programme de consolidation fiscale conséquent et des réformes économiques substantielles pour redresser l’économie » afin de contrer une éventuelle dégradation de notre note souveraine. Est-ce la voie à suivre ?
Oui, car nous n’avons plus le choix. Mais rappelez-vous que la Banque centrale doit également être recapitalisée, ainsi qu’un certain nombre d’entreprises publiques. Un plan de consolidation budgétaire risque d’être politiquement impopulaire et s’il est mis en œuvre de manière désordonnée, il peut également freiner la croissance économique. D’où la nécessité d’être intelligent, discipliné et prudent en ces temps. Nous avons besoin de poudre à canon et nous en avons besoin en grande quantité. Maurice a besoin d’une restructuration économique.

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Réactions

Mauritius Bankers Association : « Nous apporterons notre soutien pour des réformes » 

La Mauritius Bankers Association Limited (MBA) dit accueillir « favorablement le maintien de la note ‘Baa3’ et le statut d’Investment grade, qui est important pour notre centre financier ». Le rapport note des défis importants sur le plan fiscal et la nécessité de rapidement mettre en œuvre des réformes, indique la MBA. « Cependant, le rapport souligne aussi la force du secteur financier, qui a une notation de A2, soit de quatre crans au-dessus de la note nationale, et la force économique, notée à baa2, soit d’un cran au-dessus de la note nationale », explique la MBA. Et d’ajouter : « Le secteur bancaire demeure stable, bien capitalisé, avec de solides perspectives de croissance. La MBA maintient le dialogue avec les autorités publiques sur ces sujets importants, et va continuer d’apporter son soutien pour la mise en œuvre de ces réformes ».

Faraz Rojid, CEO de Mauritius Finance : « Le ‘negative outlook’ demande du volontarisme de tous les partenaires économiques » 

« Nous accueillons favorablement la décision de Moody’s de maintenir le statut ‘investment grade’ de Maurice. Cette notation permet au Mauritius International Financial Centre (MIFC) de conserver sa position unique pour faciliter les investissements et les flux de capitaux vers le continent africain et ailleurs dans le monde », commente Faraz Rojid. Pour le CEO de Mauritius Finance, le « negative outlook » attribué à la notation de Maurice demande « du volontarisme de tous les partenaires de l’économie mauricienne ». « Le programme de consolidation fiscale et les réformes économiques substantielles annoncées par le gouvernement seront sans aucun doute des leviers essentiels pour relever ce défi. Les opérateurs du secteur des services financiers ainsi que Mauritius Finance soutiendront les efforts nationaux pour améliorer la notation de Maurice et ainsi consolider l’image et la réputation du MIFC », a-t-il ajouté. 

Kevin Ramkaloan, CEO de Business Mauritius : « Renforcer la résilience du pays face aux défis économiques »

« Nous accueillons tout d’abord le maintien du ‘investment grade’ pour le pays, un signal important pour les investisseurs, et cela malgré un environnement économique mondial complexe. Le maintien de cette notation représente, dans les circonstances actuelles, le meilleur résultat possible », estime Kevin Ramkaloan, CEO de Business Mauritius. Il dit noter également que la perspective pour le pays est, quant à elle, passée de « stable » à « negative ». « Il faut comprendre que Moody’s évalue, pour cette perspective, les tendances économiques observées. Il sera impératif à présent de veiller à ce que les ajustements engagés sur les fondamentaux macroéconomiques, notamment en matière de gestion de la dette publique, soient pleinement réalisés », recommande Kevin Ramkaloan. 

Pour le CEO de Business Mauritius, la croissance des secteurs économiques constitue un pilier fondamental de cette dynamique. « À noter que l’ensemble des autres indicateurs économiques et financiers de Moody’s pour Maurice restent solides, reflétant une base économique stable et dynamique. Il est donc crucial de renforcer les secteurs porteurs, tout en favorisant l’émergence de nouvelles filières, dans un cadre propice aux affaires, avec une vigilance accrue sur les coûts liés à l’activité économique », soutient Kevin Ramkaloan. Business Mauritius se dit engagé « aux côtés des acteurs économiques et des autorités pour soutenir une trajectoire de croissance durable et renforcer la résilience du pays face aux défis économiques ».

Dr Chandan Jankee, économiste : «Cette perspective négative devrait inciter le GM à réduire davantage les dépenses»

« De nombreux observateurs économiques s’attendaient à un abaissement de notre cote de crédit suite aux récents articles parus dans les médias sur l’état sombre de l’économie. Il est bon de voir que Moody’s a maintenu notre note souveraine », commente le Dr Chandan Jankee, économique. Cependant, poursuit-il, la perspective négative est un avertissement que des réformes approfondies et des politiques économiques efficaces doivent être mises en place en urgence. « Je crains que cette perspective négative n’incite le gouvernement à réduire davantage les dépenses et n’ait un impact négatif sur notre État-providence », appréhende-t-il.
 

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