Interview

Entretien avec Daddis Sagna : «L’Afrique ne saurait échapper à son destin : être le continent du renouveau de l’humanité»

Daddis Sagna

Daddis Sagna est un Sénégalais qui habite à Dakar. Expert senior spécialiste du droit maritime, Daddis est aussi un passionné des droits humains. Ancien président de la section sénégalaise d’Amnesty international, il a aussi œuvré au sein du Sénat sénégalais. En mission au Sénégal, Lindley Couronne l’a rencontré.

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Pouvez-vous, s’il vous plaît, vous présenter pour les lecteurs mauriciens ?
Je voudrais tout d’abord remercier DIS-MOI de l’intérêt porté à ma modeste personne à travers cette interview et féliciter les fondateurs de l’ONG  DIS-MOI pour cette heureuse trouvaille.

Cela dit, je suis un citoyen sénégalais, panafricaniste de cœur et de conviction, expert judiciaire, mandataire Judiciaire et expert maritime, membre de l’Ordre National des Experts du Sénégal, de profession. Passionné des droits humains, je suis devenu un fervent défenseur  de cette cause depuis mes années estudiantines, avec un parcours qui m’a fait militer activement pendant presque deux décennies à Amnesty International, avant d’envisager de faire l’expérience d’autres formes d’engagement dans d’autres types d’organisations. 

Votre riche CV vous place d’emblée au sein de ces êtres qui semblent bénéficier de plus de 24 heures par jour. Qu’est-ce qui fait courir Daddis Sagna ?
Comme certainement beaucoup d’entre vous, l’accomplissement de soi qui, pour moi, passe par la recherche permanente de la conciliation de deux impératifs : le développement individuel qui recoupe entre autres réussites professionnelle ou sociale, et la satisfaction de mes devoirs vis à vis de mes semblables, de ma société. Essayer quotidiennement de remplir ses devoirs envers soi et envers sa société donne, en effet, de quoi s’occuper à toute heure. Et pour moi, c’est tout le sens de notre présence ici-bas, et toute la quintessence d’une vie remplie

Nul ne saurait se faire une opinion d’un pays en une semaine. Le Sénégal, cependant, me paraît un pays qui bouge, qui a évolué pour le meilleur depuis ces deux dernières décennies. Ai-je tort ?
Assurément non. Comme tout jeune Etat encore en construction (indépendant seulement depuis 1960), le Sénégal, après avoir vécu une difficile période d’ajustements structurels imposée par la Banque Mondiale et le FMI, a connu ces dernières décennies de remarquables progrès dans le domaine économique, tout comme dans la consolidation de sa démocratie. Comme illustration de ce dynamisme, il y a en effet et par exemple, cette impression d’immense chantier à ciel ouvert que donne Dakar avec toutes ces infrastructures qui ont vu le jour ainsi que celles non encore achevées. Toutefois, et comme du reste dans la plupart des pays africains, cette relative croissance ne se traduit pas en un considérable recul de la pauvreté des masses. Mais comme dit souvent un de mes amis  « consolons-nous de pouvoir vivre dans un environnement où tout reste à faire »

Le président Macky Sall a été l’instrument du développement sénégalais, mais il paraît qu’il veut changer la Constitution pour entreprendre un troisième mandat ! Qu’ont donc nos dirigeants africains à prendre une Constitution pour un morceau de papier ?
Jeune et premier président sénégalais né après l’indépendance, Macky Sall a été porteur de beaucoup d’espoirs, surtout chez les jeunes, d’une vie meilleure faite surtout de rupture d’avec les pratiques d’une certaine époque, et d’un ancrage résolu vers le progrès, vers le modernisme. Même si, et il faut le lui concéder, il a réalisé beaucoup de choses depuis son avènement, il reste qu’il a été pris en défaut sur les engagements majeurs qui l’ont fait élire. Il est notamment revenu sur sa promesse de ramener son mandat  de 7 ans à 5 ans, s’il était élu. Et la suspicion de le voir chercher à faire un troisième mandat est partie de ce revirement. Cela s’ajoute bien entendu à un contexte plus général où les présidents africains cherchent à forcer leur destin au risque de faire voler en éclat les fragiles progrès ou équilibres obtenus ces dernières années dans le cheminement démocratique. 

Quel regard portez-vous sur la situation des droits humains en Afrique? Afropessimiste ou optimiste ?
Je dirai optimiste, ne serait-ce que parce que je suis optimiste de nature. La situation des droits humains a considérablement évolué, et positivement à mon avis. Il y a encore quelques années, on se battait pour le respect des droits civils et politiques. On vous arrêtait pour un rien, vous torturait pour peu de choses, ou vous ôtait votre vie impunément. Même si ces exactions  existent  toujours, il est de moins en moins question de cela. Aujourd’hui on parle de quatrième, voire de cinquième  génération de droits. C’est dire que si rien n’est définitivement acquis, beaucoup de terrain a été conquis. Et il ne saurait en être autrement. Après avoir été berceau de l’humanité, l’Afrique, à mon sens, ne saurait échapper à son destin, celui d’être le continent du renouveau de l’humanité. 

Vous suivez de loin l’évolution des droits humains dans le sud-ouest de l’océan Indien grâce à DIS-MOI ? Quelles en sont vos impressions ?
DIS-MOI, de par ses publications, me permet d’être mieux informé d’une situation par rapport à laquelle, je l’avoue, je ne  savais pas grand-chose en raison sans doute de l’éloignement qui procède de cette stupide forme de cloisonnement qui existe entre certaines parties du continent. J’ai ainsi eu un énorme plaisir à vous lire et je vous réitère mes compliments. Connaissant la détermination et le niveau d’engagement d’hommes et de femmes au service de DIS-MOI, je ne doute point de son succès et de son avenir prometteur 

Vous venez vous-même de fonder Awana, une ONG enregistrée à Dakar pour l’Afrique de l’Ouest. Quelle en est la mission?
La mission d‘Awana est d’apporter aux associations de base et aux organisations non gouvernementales des pays d’Afrique de l’Ouest un appui et des conseils en organisation. Awana fournit des compétences et des connaissances nécessaires à la consolidation  de structures institutionnelles. Elle contribue aussi  au renforcement de leurs capacités opérationnelles et elle agit comme une interface entre les bailleurs de fonds et la société civile. Aussi entreprend-elle de faire de la recherche, de l’édition, et de la diffusion dans divers domaines.

 Le projet Awana est l’œuvre d’un groupe d’experts, d’origine ouest-africaine, animés par la volonté de partager, bénévolement, leurs connaissances avec la nouvelle génération d’Africains qui veulent contribuer au développement de leurs communautés respectives et de leur propre personnalité. Awana organise des ateliers de formation, produit et dissémine des modules, des manuels et des supports andragogiques audiovisuels. 

On peut finalement  trouver aisément  des convergences entre la vocation d’ Awana et celle de DIS-MOI.

J’ai été impressionné par l’accueil sénégalais, l’esprit de la terranga. Les Mauriciens admirent en général votre équipe nationale (les lions de la terranga). Expliquez-nous ce terme et en quoi il est loin d’être un slogan facile pour touristes en mal d’exotisme.
La terranga est un concept qui résume l’esprit d’ouverture des Sénégalais. C’est un condensé culturel de dispositions d’accueil et de bienveillance vis à vis des étrangers qui, chez nous, sont rois. Si vous êtes un étranger, les ou le Sénégalais avec qui vous serez en contact, se fera un devoir  de vous accueillir et de rendre votre séjour agréable. Loin d’être un slogan, c’est devenu une partie intégrante de notre identité.

Le mot de la fin 
C’est de renouveler mes compliments à tous ces défenseurs des droits humains réunis dans DIS-MOI, pour leur implication quotidienne dans le triomphe de notre cause dans cette partie du continent. A vous tous, et à  toi, Lindley, à qui je voue une profonde estime, je dis bon vent.

 

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