Enquête à Maputo : le sort de Navind Kistnah inquiète

Le Premier ministre entretient le doute sur l’arrestation du suspect n° 1 dans la saisie des Rs 2,3 milliards d’héroïne. Ce que déplore Rama Valayden, l’avocat du principal concerné. Il s’interroge sur la mission spéciale du patron du NSS à Maputo.

Où se trouve Navind Kistnah ? Tandis que le ministère des Affaires étrangères et le Passport and Immigration Office (PIO) « confirment » que le suspect n° 1 dans l’importation record des 155 kilos d’héroïne a été interpellé, le jeudi 30 mars, à Maputo, au Mozambique, pour séjour illégal, le PMO maintient le flou. Pravind Jugnauth entretient le doute, ne voulant ni confirmer, ni infirmer la nouvelle.

Le chef du gouvernement a justifié cette posture jeudi soir par le fait qu’il ne souhaitait pas causer préjudice à l’enquête en cours. Or, les investigations sur la double saisie de drogue valant plus de Rs 2,3 milliards en rade de Port-Louis, les jeudi 9 et vendredi 24 mars, sont censées être conduites par l’Adsu. Tout laisse croire que le PMO s’est emparé de l’affaire en déléguant le Deputy Commissionner of Police Lockdev Hoolash, le directeur du National Security Service  et le surintendant Lilram Deeal, responsable de l’Antiterrorism Unit, auprès de Navind Kistnah.

« Le gouvernement est libre de dépêcher un membre de la police secrète à Maputo. Mais pourquoi pas un représentant de l’Adsu ? Même si je suis en convalescence, j’ai envoyé une lettre au ministère des Affaires étrangères ainsi qu’à Interpol pour savoir où est mon client. Vishnu Lutchmeenaraidoo m’a contacté pour me dire que le PMO s’occupe désormais de ce dossier », explique Me Rama Valayden, l’avocat de Navind Kistnah. « Le flou n’est pas compatible avec l’esprit de la loi. Quand on arrête quelqu’un, même dans les affaires les plus difficiles, par exemple le terrorisme, la famille doit être mise au courant dans un délai ne dépassant pas 24 heures. »

« Dans ce cas, s’il s’avère que les autorités mozambicaines ont arrêté Navind Kistnah après une demande de la police mauricienne à Interpol, c’est incroyable que ni la famille ni l’Adsu ne soient au courant», déplore Me Valayden. « C’est une entorse à la loi. S’il faut demander l’extradition de Navind Kistnah, les démarches doivent être entreprises par le Commissaire de Police par le biais de l’Attorney General’s Office et le ministère des Affaires étrangères. »

« Si le PMO veut suivre cette affaire, il n’y pas de souci. Mais il faut que toutes les institutions concernées en soient informées. Il faut qu’il y ait un procès-verbal sur le déplacement de toutes les personnes qui se sont rendues en Afrique du Sud dans le cadre de l’enquête policière et au Mozambique pour auditionner Navind Kistnah », explique l’ancien Attorney-General. Il compte bien avoir des explications vendredi aux côtés de Me Nilkant Dulloo.

Aux Casernes centrales, Navind Kistnah est désormais celui dont l’on craint de prononcer le nom. Il ressort que Pravind Jugnauth a exigé une enquête pour déterminer comment Le Défi Quotidien a pu avoir accès aux renseignements concernant la mission spéciale à Maputo. Cette opération étant classée confidentielle et des interprétations qui pourraient être données du fait qu’un des suspects dans cette affaire n’est autre qu’un partisan du MSM, Geeanchand Dewdanee.

Le PM reste évasif

Alors que le flou persiste quant au retour de Navind Kistnah à Maurice, le Premier ministre, Pravind Jugnauth ne veut piper mot sur le déroulement de l’enquête policière sur la saisie record de 135 kg d’héroïne effectuée dans le port le mois dernier. Interrogé, à l’issue de la fonction protocolaire à la Telecom Tower à Port-Louis, sur le déplacement du numéro un du National Security Service, Lockdev Hoolash, au Mozambique, le Premier ministre a indiqué «que cette information n’est pas correcte.»

«J’espère que vous comprenez que mon combat contre la drogue m’empêche de divulguer des informations qui peuvent porter préjudice à cette cause, mais je vous assure que cette information n’est pas correcte», a avancé le chef du gouvernement. Et quid de l’arrestation de Navind Kistnah, considéré comme le suspect n° 1 cette affaire d’importation des Rs2 milliards d’héroïne ? Pravind Jugnauth n’a pas voulu donner plus d’indications à ce sujet non plus, souhaitant que «les journalistes comprennent qu’il ne peut rien confirmer ou infirmer à ce stade.» 

L’Icac chez Tiger, autre ami d’Azaree

Après la perquisition chez le designer Luqman Karamtally à Plaine Verte mercredi, l’Independent Commission Against Corruption (Icac) s’est présentée chez un autre proche de Shahebzada Azaree, jeudi. Elle a investi la résidence de Maheswar Chucoor, alias Tiger, Senior Technician à la Mauritius Ports Authority (MPA)  rue Dr Reid, à Beau-Bassin.

Flambeur invétéré, il a expliqué avoir fait la connaissance du patron de Gloria Fast Food il y a deux ans au Champ-de-Mars. Et que c’est ce dernier qui l’a présenté à Navind Kistnah, avec qui il allait souvent au Grand Casino du Domaine Les Pailles et dans une discothèque du Nord. Il a aussi avoué avoir sponsorisé l’International Jockeys Day aux cotés du spécialiste de pains-kebab en décembre 2015, ce qui leur a permis d’offrir la Tiger Tropical and Gloria Cup. Il a aussi expliqué l’avoir présenté à l’entraîneur Jean-Michel Henry l’année précédente. Ses biens sont actuellement passés au peigne-fin.