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Enfants des Rues : une simple rencontre peut changer une vie…

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Les trottoirs sont leurs lits. Pour se nourrir, ils fouillent dans les poubelles. Les gens passent à toute allure dans leur voiture, sans les voir. Eux, ce sont les enfants des rues. 

Dans la rue, jour et nuit, ces enfants non scolarisés, marchent les pieds nus. Ils récupèrent les objets délaissés par les personnes de leur quartier touché par la drogue et d’autres fléaux. D’un rien ils font tout. Pour preuve, ils fabriquent un ballon avec une simple boule de tissus ! 

Repérés au hasard par les éducateurs de rue qui sillonnent les quartiers de Baie-du-Tombeau, La Valette, Bambous, Tranquebar, Camp-Le-Vieux et Vallée-Pitot, entre autres, ces enfants en situation de rue sont souvent victimes des pires abjections.

Défavorisés et vulnérables, ils sont affectés par la violence domestique, l’exploitation, la sous-alimentation, la consommation de substances illicites ou encore par la prostitution. Livrés à eux-mêmes, ces enfants grandissent dans les rues et font leur propre loi pour survivre. Si certains n’ont aucune perspective d’avenir, d’autres font preuve d’une volonté à toute épreuve pour s’en sortir, comme Vumarlen et Angelle. Ces deux jeunes se sont frayé un chemin vers la sortie. Comme quoi, une simple rencontre peut changer une vie…

Si certains n’ont aucune perspective d’avenir, d’autres font preuve d’une volonté à toute épreuve.
Si certains n’ont aucune perspective d’avenir, d’autres font preuve d’une volonté à toute épreuve.

Vumarlen : « La rue était mon refuge »

Il a fait partie de ces gamins qui erraient dans les rues. Repéré à l’âge de 9 ans, Vumarlen a intégré un programme d’accompagnement mis en place par une ONG. Aujourd’hui, âgé de 25 ans, ce jeune habitant de Camp-Le-Vieux, se libère graduellement de son passé pour avancer vers demain. Jadis, la rue était devenue son refuge. Pieds nus, cheveux ébouriffés, avec des vêtements sales, il n’allait plus à l’école, car ses parents vivaient dans la précarité. Son père était boulanger et sa mère, une femme au foyer, était malade.

Ces enfants font leur propre loi pour survivre

Vumarlen fréquentait une bande de huit gamins, tous pauvres. Dans le quartier prolifère le trafic de drogue et autres fléaux. Dans la rue, il taquine les gens et puis s’ensuivent les déboires. Un jour, Vumarlen est approché par des éducateurs de rue pour un brin de causette. Petit à petit, au fil des jours, les rencontres se multiplient et des liens se tissent entre les gamins et les éducateurs de rue. C’est ainsi que les gamins décident d’intégrer le programme d’accompagnement d’une organisation non gouvernementale où ils sont pris en charge et sont initiés au sport. 

Dans son atelier, Vumarlen fabrique et répare des meubles.
Dans son atelier, Vumarlen fabrique et répare des meubles.

Vumarlen prend goût au foot. Il s’amuse et s’intègre rapidement dans son nouvel environnement. Voyant qu’il est très réceptif au programme d’accompagnement, les éducateurs de rue l’encouragent à reprendre confiance en lui. À force de patience et de persévérance, il s’inscrit à un stage en menuiserie où il apprend les ficelles du métier.

Puis, il décide d’en faire son métier. Aujourd’hui, Vumarlen vole de ses propres ailes et travaille pour son propre compte. Dans son atelier, il fabrique et répare des meubles au quotidien. Si ses débuts dans le métier ont été difficiles, tel n’est plus le cas aujourd’hui, à tel point qu’il ambitionne d’acheter à l’avenir un lopin de terre pour construire sa maison. Il compte aussi fonder une famille. Entre-temps, il ne baisse pas les bras et redouble d’efforts pour améliorer ses conditions de vie.

Des idées plein la tête, ce jeune homme compte bien toutes les réaliser. « J’étais sans perspective d’avenir. J’étais insouciant. Je traînais les rues, mais ma rencontre avec des gens formidables m’a permis de m’en sortir. J’aurai pu mal finir.  J’ai eu la chance de redonner un sens à ma vie et sortir de la rue ». 


sheldon

Sans repères… 

Sheldon, qui habite à Cité Mère Thérésa, Triolet, a 26 ans. Lorsqu’il rencontre Edley Maurer pour la première fois, il était âgé de 11 ans. Sheldon n'allait plus à l’école et n’a pas pu compléter ses études primaires. Adolescent complètement déstructuré, sans repères et sans aucune perspective d’avenir, Sheldon errait les rues. Puis, Safire a mis en place un encadrement et un accompagnement personnalisé pour Sheldon qui a duré cinq ans.

À 16 ans, il intègre le Projet d’Employabilité Jeunes (PEJ) du groupe Beachcomber afin qu’il puisse s’initier à l’hôtellerie. Après une année de formation avec le PEJ, il décroche un stage en cuisine. Aujourd’hui, il est cuisinier dans un hôtel au nord de l’île. Entre-temps, il a construit sa maison et il est l’heureux père de deux enfants.


Ferme pédagogique : une alternative à la rue 

Safire Nou laferm cultive l’espérance pour les enfants des rues. Cette ferme, une alternative à la rue, propose aux enfants, un programme pédagogique en lien avec l’agriculture bio, l’élevage des animaux, des cours d’alphabétisation et d’autres activités d’arts et de créativité.  Les enfants y viennent, en groupe de 20 au maximum, du lundi au vendredi. Ils participent à un calendrier d’activités établi par les éducateurs de rue. Cependant, les axes prioritaires de Safire demeurent l’alphabétisation, les cours de Life Skills et certains métiers. 

À venir, un projet intitulé Breakaway Home qui permettrait aux enfants des rues de changer d’air pour quelques jours et se retrouver en groupe pour des activités ludiques. 

De plus, Safire ambitionne de créer une boutique solidaire où seront vendus une panoplie de produits à des prix symboliques pour les personnes démunies. « Ce sont les dons récoltés, notamment des vivres ou encore des vêtements, qui seront mis en vente pour une poignée de roupies. Cela permettra aux personnes dans le besoin de se vêtir et de manger à leur faim pour quelques sous. »

ferme pedagogique

angella

Angelle sort de la rue grâce à son talent pour le vélo

À Bambous, toute sale, un poisson à la main, une fillette âgée entre 7 et 8 ans, crie d’une petite voix dans la 
rue : « Misié, misié ou kapav aste pwason. » Ce poisson, elle l’a pêché quelques minutes plus tôt à La Ferme. La pêche était devenue son passe-temps, faute de ne pas pouvoir aller à l’école où elle avait des difficultés à apprendre. Après la séparation de ses parents, Angelle, qui a deux sœurs, vivait avec son père. Victime de la précarité, elle était livrée à elle-même. 

Ce monsieur, à qui elle a tenté de vendre un poisson, est devenu son sauveur. Ce dernier, en effet, est un éducateur de rue. Il découvre son histoire et  petit à petit, il la prend en charge. Angelle intègre un programme d’accompagnement adapté à ses besoins. Elle suit des cours de Life Skills et participe au calendrier d’activités d’une ferme dirigée par une ONG. La petite fille est initiée au sport et pratique le cyclisme. 

Aujourd’hui, âgée de 16 ans, Angelle est vice-championne nationale du cyclisme dans la catégorie des filles âgées de moins de 18 ans. Stable et appliquée dans tout ce qu’elle entreprend, elle se prépare à intégrer une formation professionnelle. Angelle compte se lancer dans la restauration, vu que les perspectives d’emplois sont plus favorables, en attendant que son rêve de faire carrière dans le sport se réalise.


 

Une lueur d’espoir au carrefour d’une vie

Incursion dans un monde que tente d’embellir Safire. Créé en 2006 par un groupe d’éducateurs de rue, après la décision de l’État de mettre fin à un projet ministériel destiné aux enfants qui vivent dans les rues, Safire est une organisation non gouvernementale. Cette ONG s’adapte au rythme de ces enfants dans le but de les intégrer dans un programme d’accompagnement, selon leurs besoins.  Edley Maurer (56 ans) est le directeur de Safire. Ce travailleur social brosse un tableau sombre de la situation des enfants des rues. « D’après un recensement effectué en 2012, il y avait 6 700 enfants des rues à Maurice. Les causes profondes de ce mal sont la non-scolarisation des enfants, la précarité des parents, l’environnement du quartier, les fléaux de la drogue et la prostitution, entre autres. » 

Sur le terrain, se faire respecter en tant que travailleur social n’est pas évident dans ces quartiers touchés par le phénomène des enfants des rues, soutient le philanthrope. Si l’empathie est inévitable, toutefois faire preuve de technicité est important pour les éducateurs de rue qui ont des formations continues.  Tout est une question d’écoute et de pouvoir aller au rythme de l’enfant en situation de rue, indique Edley Maurer. Ces enfants ont souvent des comportements antisociaux. Pour le personnel du Safire, savoir approcher et tisser des liens avec ces enfants pour les faire sortir de la rue est une rude tâche. Ensuite, il s’agit de les encadrer à travers des activités pédagogiques, entre autres. La capacité d’accueil de Safire est de 300 enfants, soit 20 enfants pris en charge par environ 12 éducateurs de rue. L’ONG ouvre ses portes aux adolescents âgés de moins de 16 ans. Edley Maurer explique qu’il arrive souvent que les enfants des rues fassent preuve de réticence pour sortir de leur environnement : « Dans ce cas, si nous voyons que l’enfant est en danger, nous faisons appel aux autorités ». Mais au cas contraire, Safire accueille à bras ouverts les enfants qui démontrent une volonté de s’en sortir. 

Edley Maurer, directeur  de Safire.
Edley Maurer, directeur 
de Safire.

prise en charge 

L’enfant recueilli est nourri lors de sa prise en charge. Ensuite, son cas est évalué par les éducateurs de rue pour décider de la marche à suivre : est-ce que l’enfant nécessite un soutien académique ou peut-il intégrer un métier.  ? De là, l’enfant commence son apprentissage ou sa formation. Au fil des jours, Safire accompagne l’enfant à travers des cours de Life Skills qui lui permettront de devenir un citoyen responsable et changer son comportement envers autrui. « Le but est de l’aider à remonter la pente pour qu’il retrouve sa place dans son quartier sur le long terme. » Par ailleurs, Safire agit également en tant que facilitateur et connecte les enfants ainsi que leurs familles aux services communautaires. Si certains enfants persévèrent, d’autres chutent, mais les éducateurs de Safire ne baissent pas les bras et se surpassent pour aider les enfants des rues. Edley Maurer explique que, malheureusement, dans certains cas, rien ne peut être fait. Il cite pour exemple l’histoire d’un jeune de 16 ans qu’il accompagnait autrefois. « Nous l’avons recueilli, sachant qu’il avait un penchant pour les substances illicites. Il est parti du bon pied pour s’en sortir. Il a pu trouver un métier, fonder une famille et a été très actif au sein de l’ONG, mais la tentation de retoucher à la drogue était omniprésente. Il a fait une rechute et il est décédé à l’âge de 35 ans ». 

S’engager pour le bien des enfants 

« Il faut changer cette mentalité individualiste et passer au bien-être commun », martèle Edley Maurer. Ce dernier souligne que l’État devrait redoubler d'efforts pour combattre ce phénomène social. « Si les organisations non gouvernementales se mobilisent pour faire une différence dans la vie de ces enfants, l’État doit aussi venir avec une action sociale qui permettra de réduire le nombre d’enfants des rues. Une collaboration à ce niveau est essentielle », dit-il.

Edley Maurer soulève aussi l’importance d’une éducation adaptée pour les enfants des rues. « Tous les enfants ne sont pas dans le main stream. Avec la nouvelle réforme de l’éducation, il faut que l’État vienne avec un programme éducatif axé sur le civisme destiné aux enfants qui nécessitent un apprentissage différent. Il est important de trouver une alternative à ce problème »

 

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