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Émeutes, violences et pillages : la situation plonge les Mauriciens en Afrique du Sud dans l’incertitude

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Abdul Ahad Khodadux

L’incarcération de l’ancien président Jacob Zuma, le chômage endémique et de nouvelles restrictions anti-Covid-19 ont mis le feu aux poudres en Afrique du Sud. Depuis le 8 juillet, le pays fait face à une vague violente d’émeutes urbaines et de pillages. Plusieurs régions, notamment à Durban et ailleurs dans le KwaZulu-Natal, sont assiégées par des émeutiers. Le pays  vit sa crise la plus grave depuis la fin de l’apartheid. Le dernier bilan officiel fait état de 72 morts et 1 234 arrestations. Les Mauriciens résidant en Afrique du Sud sont inquiets. Ils se sont confiés à Le Dimanche/L’Hebdo.

Durant ces huit jours de violences, de nombreux citoyens ont pris les choses en main, en protégeant les commerces, et ont commencé, le jeudi 15 juillet, à nettoyer et réparer, alors qu’un calme relatif semble être revenu. Parmi, on retrouve Abdul Ahad Khodadux. Cela fait 21 ans que ce Mauricien de 45 ans s’est installé en Afrique du Sud. Il vit à Pietermaritzburg, la capitale de la province du KwaZulu-Natal. « Nous sommes en plein milieu de ce chaos, comparable à une zone de guerre. Je n’ai jamais vu de telles violences. Quand je descends dans les rues pour défendre mes voisins, ma famille et les communautés en danger avec d’autres civils, je ne sais pas si je retournerai à la maison ou si on retrouvera mon corps inanimé quelque part. Toute la nuit, on entend des tirs et des explosions et on tente de s’endormir, mais c’est difficile. Les mots me manquent pour décrire ces atrocités. Les groupes d’émeutiers, composés de la troupe de Zuma, sont armés de mitrailleuses et de fusils. Ils sont sans pitié et brûlent tout sur leur passage. Nous vivons actuellement dans un état d’anarchie. Des centaines de magasins ont été pillés. Il n’y a plus de nourriture et la monnaie n’a plus de valeur », relate-t-il.

La crainte des pénuries

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Soumayyah Furreedan

Un sentiment de terreur partagé par Soumayyah Furreedan, 26 ans. C’est la première fois que cette Mauricienne, qui réside aussi à KwaZulu-Natal, fait face à une telle violence. Elle est partagée entre un sentiment de colère et d’impuissance. Elle raconte : « Ils auraient pu protester de façon responsable, mais ils ont choisi la violence. Selon moi, puisque l’Afrique du Sud est réputée pour son taux élevé de criminalité, les émeutiers se servent de cette excuse pour commettre des atrocités. Déjà avec la pandémie de Covid-19, la situation est difficile, maintenant elle a empiré. Il faudra beaucoup de temps pour retrouver la paix. »

Notre compatriote ajoute : « Avec les émeutes, il y a une pénurie de nourriture et de carburant. D’ailleurs, le pillage a frappé les chaînes d’approvisionnement et les liaisons de transport, en particulier dans la province du sud-est du KwaZulu-Natal. C’est une onde de choc pour les biens et les services dans certaines parties du pays. J’aimerais tant raisonner les émeutiers qui se révoltent suite à la condamnation pour outrage à la justice de l’ancien président Jacob Zuma. Pourtant, ce dernier était corrompu et il ne s’est jamais soucié de la population. Mais nous sommes impuissants. Tout ce que nous pouvons faire est d’essayer de protéger nos familles et nous adapter à la situation présente. »

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Shalia Perumal

Shalia Perumal est une autre Mauricienne qui habite en Afrique du Sud. Cette ingénieure chimiste de 26 ans et toute sa famille subissent de plein fouet les effets des émeutes. « En effet, nous avons attendu des heures dans la région du KwaZulu-Natal pour acheter des produits de première nécessité, notamment du pain ou encore du lait. Certaines files d’attente sont longues de 3 km ! Le moral est au plus bas. Cette situation me pousse à m’interroger sur mon avenir en tant que chimiste dans ce pays.  Quid des perspectives et des opportunités, alors que l’Afrique du Sud est le plus grand producteur au monde de divers métaux, comme le chrome et le manganèse. Ce qui se passe, c’est chagrinant, car je croyais en la vision de Nelson Mandela pour son pays. À mon avis, s’il n’y a pas de changement dans la façon dont ce pays est gouverné, il connaitra le même sort que le Zimbabwe », indique la jeune femme, qui ne cache pas sa déception. 


 

Le sort des étudiants mauriciens

Yoshika Sanmukhiya et Shandy Sivram
Yoshika Sanmukhiya et Shandy Sivram

Pour sa part, Yoshika Sanmukhiya, qui étudie à l’université de Cape Town depuis deux ans, est dans une petite bulle. « Nous sommes assez déconnectés de ce qui se passe dans les autres régions du pays. En cas de problème, l’université prendra normalement des mesures préventives. Toutefois, on s’informe, car c’est important. Pour le moment, les étudiants mauriciens résidant à Cape Town sont en sécurité, mais les habitants du KwaZulu-Natal traversent une période difficile », dit-elle. 

La situation dans laquelle se retrouve l’Afrique du Sud n’est pas une surprise pour Shandy Sivram, qui est arrivé dans ce pays à l’âge de 2 ans. Ce fervent observateur de la politique locale n’est guère étonné, car selon lui, tôt ou tard, la situation devait exploser. « Depuis quelques jours, plusieurs pilleurs sont considérés comme des criminels. Or, en regardant de plus près, parmi les émeutiers, on retrouve des pères et mères de famille, des grands-parents et même des enfants. Certes, ils attaquent les supermarchés, entre autres, mais c’est pour voler de la nourriture et des vêtements, car ils sont frustrés de vivre dans les mêmes conditions depuis des années, alors que les politiciens les ont promis une vie meilleure », fait-il ressortir. 

Les étrangers qui travaillent dans le pays sont souvent victimes d’attaques, car les locaux pensent qu’ils volent leurs emplois. Je crains que la situation s’empire»

Shandy Sivram craint les conséquences des émeutes, dont la montée de xénophobie. « Étant donné mon expérience en Afrique du Sud, je pense que la xénophobie est un problème. Les étrangers qui travaillent dans le pays sont souvent victimes d’attaques, car les locaux pensent qu’ils volent leurs emplois. Je crains que la situation s’empire,  à moins que l’économie et la création d’emplois augmentent très rapidement. J’ai aussi peur qu’avec les émeutes, les investisseurs fuient le pays, ce qui aura des répercussions négatives sur l’économie et sur la population », conclut-il.

 

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