La victoire de Donald Trump a pris de court le monde entier, y compris les Mauriciens. Ceux présents à la résidence de la Chargée d’affaires de l’ambassade des États-Unis, mercredi matin, n’ont pu cacher leur étonnement.
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Donald Trump ne comptait pas beaucoup de partisans à la Clemens House, la résidence de la Chargée d’affaires de l’ambassade américaine située à Floréal. Melanie Zimmerman, la Chargée d’affaires, et les autres officiers n’ont pas laissé transparaître leur allégeance politique, liés par l’obligation de neutralité. Mais les autres invités présents, à quelques exceptions près, arboraient tous une mine atterrée au fur et à mesure que tombaient les résultats. Comme partout ailleurs, la performance de Donald Trump en a éberlué plus d’un.
C’est devenue une tradition à la Clemens House : le matin du décompte, la presse et quelques personnalités du pays sont invitées à prendre le petit-déjeuner tout en prenant connaissance des résultats au fil de la matinée. La terrace donnant sur le vaste jardin de la résidence accueille un petit attroupement, encadré par trois écrans qui diffusent les infos en direct. Les gens se connaissent plus ou moins bien. Ils discutent entre eux autour d’une tasse de café et des petits fours mis à leur disposition.
Candidat de la rupture
Des personnalités, dont Raouf Bundhun, ex-vice-Président, Yahia Nazroo, secrétaire du Bar council, Irfan Rahman, commissaire électoral, Rajen Bablee, de Transparency Mauritius, et Armand Maudave, président de l’Amicale île Maurice-France, Ramesh Basant Roi, gouverneur de la Banque de Maurice, ainsi que quelques jeunes ayant bénéficié des programmes américains arpentent la terrasse et le salon. Pour qui penchent-ils ?
Un petit exercice amusant en dit long sur les sympathies des personnes présentes : un faux vote est organisé dans la matinée. C’est le fils de Melanie Zimmerman qui proclame les résultats : 42 votes pour Hillary Clinton et six pour Trump. La résidence n’est pas si neutre que cela. Ce qui explique que Fazila Maudave, épouse d’Armand, est la seule à jubiler quand la victoire de Trump commence à se concrétiser. Elle est pour le candidat de la rupture.
Pour les autres, on affiche parfois une mine songeuse, on est capté par l’écran des télés qui affichent les statistiques, on griffonne sur un bout de papier pour tenter de calculer les chances fébriles que Clinton renverse la vapeur à la dernière minute… On se fait silencieux. Le choc Trump a fait des dégâts.
Séjour aux États-Unis : les électeurs américains vus par deux Mauriciennes
Peut-on expliquer et comprendre le vote des Américains après avoir été en contact avec eux ? Saffiyah Eddoo et Sandrine Julien, deux jeunes Mauriciennes, ont passé plusieurs semaines aux États-Unis après le démarrage de la campagne électorale. Elles ont pu aller à la rencontre du peuple américain. Si la colère envers l’establishment et les étrangers était perceptible, la victoire étonne beaucoup les deux jeunes femmes.
« C’est un exercice démocratique qu’on doit accepter, commente presque à contrecœur Saffiyah Eddoo. Mais je ne crois pas qu’on ait vraiment réfléchi à ce que ces résultats vont donner. Trump va… Je ne sais pas ! » Après plusieurs secondes d’hésitation, elle jette l’éponge. Impossible d’anticiper ce que sera le Président Trump.
A-t-elle eu l’impression que l’Américain moyen est en phase avec le discours de haine de Trump ? « Je pense que Donald Trump parlait beaucoup plus le langage de l’Américain moyen. La peur de l’autre est là », théorise-t-elle. Mais elle assure qu’à aucun moment elle ne s’est sentie menacée durant son séjour aux États-Unis l’année dernière, alors qu’elle porte le voile. « J’ai marché seule dans les rues. J’ai rencontré plein d’Américains. à aucun moment je ne me suis sentie en danger », confie-t-elle.
Sandrine Julien, qui y a passé deux mois en compagnie d’une dizaine d’autres Mauriciens alors que les débats battaient leur plein, a une expérience différente à partager. « Cela dépend des régions. J’ai passé deux semaines dans un ranch à Orange County. Le responsable nous avait prévenus de ne pas répondre aux éventuelles provocations des gens », raconte-t-elle. S’il n’y a finalement pas eu de provocation, l’avertissement a suffi à donner un avant-goût des tensions qui parcourent l’Amérique profonde.
« Washington, par contre, c’est un vrai melting pot. Il y a des gens de toutes les origines et de toutes les nationalités. D’ailleurs, quand on regarde la carte, on voit bien que les grandes métropoles cosmopolites ont voté pour Hillary. Par contre, les États fermiers ont voté pour Trump. » Sandrine Julien dresse le portrait d’une Amérique profondément divisée, avec deux visages qui se ressemblent à peine.
Melanie Zimmerman : «Pas de changement dans les relations Maurice-USA»
Qu’est-ce que la présidence de Trump changera au niveau des relations des États-Unis avec Maurice ? Pas grand-chose, selon Melanie Zimmerman, Chargée d’affaires à l’ambassade américaine. « Cela fait 222 ans que nous partageons des relations bilatérales. Nos relations sont longues, durables et très diversifiées dans des domaines intéressants qui ont de l’avenir. Je ne pense pas que cela change du tout », a-t-elle déclaré à la confirmation de l’élection de Trump.
La Chargée d’affaires a précisé qu’il faut à présent que le collège électoral se réunisse avant le 19 décembre pour que le résultat soit officialisé. Une fois cette étape franchie, la cérémonie d’investiture aura lieu le 20 janvier 2017. Ce qui sonnera le début de l’administration Trump.
Yann Hookoomsing, militant écologiste : «Trump va ‘tear up’ le traité de Paris»
« Les électeurs américains en ont décidé ainsi. C’est un grand recul qui montre que l’Amérique est capable du meilleur comme du pire. On passe du rêve au cauchemar. Le problème du point de vue environnemental, c’est que Trump ne croit pas au changement climatique. Il a dit qu’il va ‘tear up’ le traité de Paris. Cela annulera tous les efforts qui ne sont déjà pas assez pour sauver l’humanité de la catastrophe climatique. »
Tania Diolle, chargée de cours à l’UoM : «Il a su parler à la classe moyenne »
« Trump a su parler à la classe moyenne par bien des façons. Puis, ce sont sans doute les supporters de Bernie Sanders, qui sont radicalement anti-establishment qui n’ont pas voté. L’Amérique a ras-le-bol de l’establishment et a rejeté Hillary Clinton parce qu’elle le symbolise. Au niveau international, cela a pas mal d’implications, surtout parce que Donald Trump accepte le leadership de Putin. »
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