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Dr Dawood Oaris : «Les cliniques privées sont complémentaires au service public»

Depuis le 16 janvier, il est possible de prendre un emprunt sans intérêt pour des traitements médicaux dans les cliniques privées. Ce partenariat entre le ministère de la Santé, les cliniques privées, est une ‘win-win situation’ pour tous, estime le Dr Dawood Oaris. Le plan a été jusqu'ici lancé  par la State Bank of Mauritius et par la Maubank. 

Le Zero Interest Medical Scheme (ZIMS), signé le 16 décembre 2022, est en vigueur depuis le 16 janvier. De quoi s’agit-il et qui sont ceux qui sont éligibles ?
Ce plan figurait dans le budget du ministère des Finances depuis plus d’un an. Des discussions avec le ministère de la Santé, les banques et les cliniques privées ont eu lieu pour élaborer son mode de fonctionnement.

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À la base, il s’agit d’un plan pour permettre à un patient qui nécessite un traitement médical de bénéficier d'un emprunt bancaire sans intérêt. Pour cela, il doit avoir un certificat médical de son médecin traitant avec les spécificités des traitements. La clinique doit, elle, soumettre une cotation. Le patient devra alors se présenter à l’une des succursales des deux banques qui participent à ce plan pour le moment, notamment la State Bank of Mauritius (SBM) et la MauBank. Le dossier sera examiné et la capacité de remboursement du patient évaluée. Le ZIMS peut être obtenu pour des soins dans 20 cliniques privées. D’autres vont se joindre à la liste dans les mois à venir. 

Vous avez parlé de deux banques vers lesquelles les patients pourront se tourner pour un emprunt. Cela ne concerne-t-il que leurs clients ?
Non. Tout patient doit simplement produire une attestation de ses revenus afin que sa capacité de remboursement puisse être évaluée. Mais il est évidement que si le patient est déjà client de l’une des deux banques, les formalités seront plus simples. Les non-clients devront, eux, fournir des documents additionnels. 

Comment avoir accès à ce ZIMS ?
Ce plan est ouvert à tout Mauricien résidant depuis au moins six mois au pays avant son traitement et qui a besoin d’une aide financière pour des traitements médicaux dans une clinique privée. Cela exclut les soins esthétiques. Ses revenus mensuels ne doivent cependant pas dépasser Rs 200 000. Le prêt bancaire peut être demandé par le patient lui-même ou n’importe quel emprunteur qui va alors se charger du remboursement au nom du patient. Il pourra bénéficier Rs 1 million au maximum, remboursables sur une période de 84 mois (7 ans) au maximum. Ceux qui seront dans l’incapacité de payer immédiatement pourront bénéficier d’un moratoire d’un an. 

L’emprunt est sans intérêt pour le patient, comme l’indique le plan. C’est le ministère de la Santé qui va rembourser les intérêts qui seront de 5 % jusqu’au 30 juin 2023. Cependant, partir du 1er juillet 2023, ce sera le Key Repo Rate ajouté à 3 % par année. Le montant va ainsi fluctuer en fonction du Repo Rate. 

Il est à noter que le patient ne va pas recevoir le montant de son emprunt en main. C’est la banque qui va payer la clinique à la réception de la facture finale que le malade ou l’emprunter va devoir rembourser dans le délai prescrit lors des formalités.

Comment ce ZIMS a-t-il été accueilli par les patients ? Les cliniques concernées ont-elles déjà reçu des demandes de cotation ?
Depuis que l’accord a été signé en décembre 2022, nous avons commencé à avoir des demandes de cotation, mais ce n’est que depuis le 16 janvier que les patients peuvent se présenter à une banque pour remplir les formalités. 

Ce plan semble être une manne pour les cliniques privées qui vont sans doute accueillir davantage de patients avec les facilités de paiement qui leur sont proposées… 
Ce n’est pas le premier Memorandum of Understanding (MoU) que nous avons signé avec le ministère de la Santé. Depuis la pandémie de la COVID-19, il y a un partenariat plus étroit entre les deux parties, car nous avons réalisé que nous pouvons faire beaucoup plus ensemble dans l’intérêt de la population. Nous avons aidé pour la campagne de vaccination qui a permis de diminuer la pression dans les Vaccination Centres du service public.

Cela ressemble un désaveu par rapport au service public…
Depuis ces 10 dernières années, j’essaie d’expliquer aux autorités qu’il y a un meilleur développement du système de santé dans tous les pays où le secteur - public et privé – travaille à l’unisson. Il suffit de voir ce qui se passe aux États-Unis avec le ‘Obama Care’. L’Inde, la Turquie et bien d’autres ont connu le même essor. Il n’y a pas de compétition entre le public et le privé, nous sommes complémentaires. 
Après l’aide que nous avons apportée durant la pandémie de la COVID-19 avec, notamment l’admission des patients, nous avons proposé les interventions chirurgicales des malades qui ne peuvent être opérés dans le service public. Nous avons demandé pour les traiter au lieu que le ministère de la Santé les envoie à l’étranger. Mais cela s’adresse aux cliniques qui ont le personnel et les moyens techniques de le faire à Maurice. 

Nous avons déjà signé un MoU et ce système fonctionne. C’est à l’avantage des patients qui n’ont pas besoin de voyager et être loin de leurs proches quand ils doivent subir une intervention chirurgicale ou tout autre traitement. Pour que les cliniques privées puissent faire cela, elles doivent se moderniser et améliorer leur niveau de service, de traitement et leurs équipements. Le personnel va acquérir plus de connaissances et d’expérience et les cliniques pourront faire venir des médecins étrangers. C’est une formule gagnante, car l’argent que le ministère doit débourser reste à Maurice. Là, c’est la clinique qui va proposer la meilleure cotation qui va assurer la prise en charge du patient.

Donc, c’est une situation gagnant-gagnant pour toutes les parties concernées… 
Oui ! Ce n’est pas un désaveu du service de santé publique mauricien qui est un des meilleurs dans la région. À travers les services et le partenariat que nous proposons au ministère de la Santé, les patients pourront choisir leurs médecins. Ce qui n’est pas le cas dans le service public. Nous pouvons aussi programmer des interventions chirurgicales plus rapidement, alors que dans le service public, les patients peuvent être confrontés à une longue liste d’attente. Et comme je le disais antérieurement, les deux secteurs sont complémentaires. 

À travers le ZIMS, les patients pourront bénéficier des facilités dans le secteur privé plus facilement, alors qu’avec le plan pour les traitements des patients à Maurice au lieu de les envoyer à l’étranger, les malades n’auront pas à voyager si les soins sont disponibles à Maurice dans une des cliniques privées.

Ces avantages ne sont pas que pour les cliniques, mais avant tout, pour les patients, leurs proches et la population dans son ensemble.

Comment tout cela est-il à l’avantage du ministère de la Santé ?
Cela peut contribuer à atténuer la pression sur le service public. Prenons le cas des opérations de la cataracte, par exemple. Si les cliniques peuvent le faire, cela va diminuer la liste d’attente des patients qui doivent souvent attendre plusieurs mois avant de pouvoir se faire opérer. Ainsi, c’est le patient du service public qui va sortir gagnant et, par extension, le ministère est bénéficiaire, car même si les soins sont gratuits dans le service public, le ministère a des frais à payer pour chaque soin. Et qui dit que ce que le service privé peut proposer n’est pas moins cher ?

Le service public fait de son mieux pour satisfaire les patients, mais a quand même des limites par rapport au nombre de patients qui fréquentent les hôpitaux. 

Nous notons que le secteur médical privé est en plein essor avec divers projets de construction de cliniques en cours. Qu’est-ce qui explique cet engouement des investisseurs pour proposer des soins et services ?
S’il y avait autant d’argent à gagner dans les cliniques privées, il y aurait la construction d’un établissement chaque année. Le Santé se développe très vite de par le monde, que ce soit dans le secteur public ou privé. 

Prenons l’exemple du traitement du cancer. Il n’y avait qu’un seul centre et les patients n’avaient pas le choix. Ils devaient aller dans ce centre ou se rendre à l’étranger. Les patients se retrouvent sur une liste d’attente. Bientôt, il y aura un deuxième centre ce qui va démocratiser le traitement du cancer. Ainsi, ceux qui le peuvent pourront aller dans le privé ou prendre un emprunt à travers le ZIMS pour cela. 

Il y a cet engouement du fait que le gouvernement a pris conscience que le ministère de la Santé n’est pas responsable que du secteur public mais aussi du privé. La vision d’un ministère de la Santé est de s’occuper de la santé de toute la population. 

Le service médical privé a longtemps été négligé par le ministère de la Santé, mais les choses sont en train de changer actuellement car le secteur apporte de nouvelles techniques et équipements. Cela va profiter aux patients et par extension au ministère qui n’aura pas à payer gros pour envoyer des malades à l’étranger pour des soins disponibles à Maurice.

Il n’y a plus de tabou en ce qu’il s’agit des cliniques privées. Les patients ont plusieurs instances vers lesquelles ils peuvent se tourner pour leurs plaintes. 

Pour moi, il n’y a pas de développement que dans le privé mais aussi dans le public avec la construction de nouveaux hôpitaux et la disponibilité de nouveaux services.

Pour un petit pays comme Maurice, le marché n’est-il pas trop restreint ?
Le marché est restreint en effet, mais avec l’Economic Development Board (EDB) et le ministère des Affaires étrangères, nous travaillons sur le Medical Tourism. Nous étudions les facilités que les patients étrangers peuvent bénéficier s’ils viennent faire leurs traitements à Maurice. Cela existe déjà en Inde, en Thaïlande ou en Turquie par exemple. Cela peut devenir un pilier de l’économie. 

Les promoteurs doivent donc développer ce secteur qui peut rapporter gros au pays. Mais tout le monde doit travailler en concertation pour que le Medical Tourism puisse émerger. Nous pourrons ainsi attirer davantage de touristes de divers pays du monde qui peuvent aussi suivre leurs traitements et faire leur convalescence à Maurice.

Vous avez parlé de démocratisation du secteur de la santé. La construction d’une clinique est un lourd investissement. Les prix pratiqués seront-ils à la portée des Mauriciens ?
Sans citer, des cliniques ont dû fermer leurs portes ou ont été rachetées. Ce n’est pas aussi rentable qu’on le pense. Tout dépend de la gestion et les facilités offertes. C’est une économie ouverte. Les patients vont revenir s’ils ont eu un bon service. 

Les cliniques ou les médecins qui y travaillent ne sont pas comme des loups affamés. Il peut exister des brebis galeuses comme dans toutes les professions. Il appartient au patient de choisir dans quel établissement il peut se faire soigner en fonction de ses moyens. Les traitements de base sont les mêmes dans toutes les cliniques, mais certaines offrent des services qui n’existent pas ailleurs. 

Avec tous les développements dans le secteur, est-ce que nous avons suffisamment de ressources humaines pour y travailler ? Devrons-faire appel à davantage de main-d’œuvre étrangère ?
(En colère). Depuis ces derniers 25 ans, je parle de « capacity building » dans le secteur de la santé. Des études ont été effectuées avec le Mauritius Institute of Health (MIH), la School of Nursing et autres. C’est désespérant. Tout le monde reste dans son coin et chacun croit qu’il fait du bon travail. Chacun tente de satisfaire son égo et ses propres intérêts. 

Malgré tous les secteurs qui pratiquent le renforcement des capacités, il est difficile d’avoir des infirmiers sur le marché. Tous les responsables de ces différents secteurs doivent prendre leurs responsabilités. La School of Nursing forme des infirmiers qui sont tous recrutés dans le secteur public au détriment du secteur privé. Nous avons dû envoyer des membres du personnel à Polytechnics Mauritius pour qu’ils puissent travailler chez nous. Mais avec la pandémie de la COVID-19, le ministère de la Santé a employé tous les infirmiers disponibles sur le marché. 

Comment allons-nous pouvoir fonctionner avec le manque de main-d’œuvre ? Et là, nous ne parlons pas des autres départements du secteur de la santé où il manque aussi du personnel. Quand nous faisons une demande pour avoir des étrangers pour travailler comme infirmiers, les formalités durent six à huit mois. Il n’y a pas de « fast track » pour cela. Ce qui est un gros problème. Même si nous pouvons avoir de bons médecins, quel service allons-nous pouvoir offrir si nous n’avons pas suffisamment d’infirmiers ?
À force de dire, nous notons que le ministère a commencé à prendre note de nos difficultés et grâce à la signature d’un MoU entre le ministère de la Santé, Polytechnics Mauritius et les cliniques privées pour la formation, nous allons pouvoir assurer la formation de nouveaux infirmiers. Mais cela va prendre trois ans et cela va prendre du temps pour les intégrer au service.

(En haussant la voix). Mais qu’a-t-on fait ces 20 dernières années ? Nous avons fait comprendre que Maurice étant bilingue (français et anglais), il est possible de former des infirmiers pour les pays d’Afrique ou d’Europe. Cela peut aider pour le Medical Tourism également. 

Tous ceux qui s’occupent du renforcement des capacités dans le secteur de la santé ont failli à leur devoir. Il y a un gros manque d’infirmiers dans le pays. Et ceux qui veulent faire venir de l’étranger ont du mal à les recruter également. Depuis 20 ans, j’ai tiré la sonnette d’alarme. 

Combien d’infirmiers manque-t-il ?
500 à 1 000 peuvent facilement être absorbés. C’est une grosse lacune pour les département médical et paramédical. Et il manque aussi des pharmaciens, des laborantins et des « dispensers », entre autres.

Comment faites-vous pour pallier ce manque ?
Nous proposons un Diploma en Health Care Assistance. La formation est d’une année avec le soutien du Human Resource Development Council (HRDC) et nous pouvons par la suite les recruter. Nous avons aussi approché des institutions privées de formation des infirmiers. 

Est-ce que les jeunes sont intéressés à ce métier ?
Certains sont peuvent trouver contraignant de travailler la nuit, mais il y a aussi ceux qui sont intéressés par le métier. 

Pour revenir aux cliniques en construction. Pensez-vous que la société mauricienne est malade ?
Oui. Même si le nombre de personnes souffrant de diabète a légèrement diminué, tout comme le nombre de fumeurs avec les maladies non transmissibles, il y a quand même autour 5 millions de patients qui ont été traités dans les hôpitaux chaque année pour une population de près de 1,3 million d’habitants. Nous avons une population malade pour diverses raisons. 

 

 

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