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Discrimination : une menace grandissante pour notre société multiculturelle

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L’étudiante Esha Luchoomun, inscrite à l'Université des Technologies (UTM), a récemment été victime de propos racistes de la part d'un de ses chargés de cours, ce qui a déclenché une controverse. Les commentaires discriminatoires concernaient sa coiffure. Cette affaire met en évidence les préoccupations croissantes liées à la propagation des remarques racistes.

Malgré elle, Esha Luchoomun a braqué involontairement les projecteurs sur elle. Un chargé de cours de l’UTM a fait des commentaires sur ses cheveux, qu’elle juge dénigrants. Cette habitante de Solitude a relate qu’elle assistait à un cours, samedi dernier, quand le professeur lui a dit : « Ou bizin koup ou seve », « Zot pa lour sa ? » ou encore « Ou kapav fer dimounn galoupe si trouv ou aswar »… 

Esha Luchoomun.
Esha Luchoomun.

La réaction rapide et ferme de la direction de l'université, qui a révoqué immédiatement l'enseignant incriminé, envoie un message fort selon lequel de tels agissements ne sont pas acceptés. « Dans le respect de l'intégrité de l'institution, l'université a pris la décision de mettre fin immédiatement au contrat du lecturer suite à cet incident survenu récemment. Ce qui s’est passé est inacceptable », déclare le Dr Dinesh Hurreeram, directeur général de l’UTM. 

Joanna Bérenger.
Joanna Bérenger. 

Toutefois, cet incident vient met en lumière un phénomène grandissant et inquiétant : les remarques à caractère raciste se propagent. Or, dans un pays multiculturel comme Maurice, de tels comportements ne devraient en aucun cas être tolérés. Telle est l’opinion de Joanna Bérenger.  « De tels agissements sont inacceptables et il est bien de constater que la direction a réagi immédiatement. Les propos tenus par ce chargé de cours sont blessants et démontrent un racisme malheureusement encore bien présent dans notre société », déplore la députée du MMM.

En tant que mannequin, Esha Luchoomun bénéficie déjà d'une certaine notoriété, ce qui met en avant les expériences que vivent au quotidien d'autres personnes qui ont des coiffures dites « afros ». « Depuis cette triste histoire, j’ai lu divers témoignages sur Facebook décrivant des agressions vécues au travail, lors de réunions familiales ou encore dans la rue. Il y a quelques semaines, une mère habitant le sud du pays, a également partagé son témoignage, expliquant que son fils était victime de discrimination et ne pouvait plus fréquenter l'école en raison de ses dreadlocks. J’ai été profondément touchée et je regrette que ce cas n’ait pas suscité la même attention médiatique, alors qu'il s'agit d'une situation tout aussi inacceptable », ajoute Joanna Bérenger.

La députée exprime son indignation face à une réalité dans laquelle les commentaires sur l'apparence physique sont souvent dissimulés derrière des taquineries, des critiques soi-disant « constructives » ou même des humiliations flagrantes. Elle souligne que ce sentiment est particulièrement douloureux lorsque cela concerne le physique d'une personne. « Je lance un appel à plus de tolérance et de bienveillance. Selon moi, il faut aussi remettre en question le racisme ordinaire et quotidien sur lequel nous fermons trop souvent les yeux », conclut-elle.

Délit de Faciès

Shirin Aumeeruddy-Cziffra, avocate.
Shirin Aumeeruddy-Cziffra, avocate.

Shirin Aumeeruddy-Cziffra, avocate, défenseure des droits humains et ancienne ministre de la Justice et des droits de la femme, est catégorique. « Ce genre d'attitude ne peut en aucun cas être encouragé dans un pays pluriel comme le nôtre, où des efforts ont été déployés pendant des décennies pour favoriser une coexistence pacifique », fait-elle ressortir.

Elle rappelle que Maurice est signataire de plusieurs conventions internationales, en particulier la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD) de 1965. Elle souligne que l'article 16 de la Constitution définit clairement la notion de discrimination, y compris celle basée sur la race. Ces références juridiques soulignent l'obligation de combattre de tels comportements discriminatoires.

Dans ce cas, Shirin Aumeeruddy-Cziffra explique qu’il s'agit de ce que l’on appelle communément le « délit de faciès » en France. Cela consiste à juger une personne en fonction de son apparence physique, de son style vestimentaire, de sa couleur de peau, de sa manière de parler, de son orientation sexuelle, et ainsi de suite. En France, le Code pénal prévoit des sanctions allant jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende pour ce délit. Les peines peuvent être encore plus sévères si les auteurs sont des agents de l'État agissant dans l'exercice de leurs fonctions.

« À Maurice, il existe un délit de stirring up racial hatred (provocation à la haine raciale) qui est applicable dans des situations très précises. Cependant, étant donné la sensibilité de cette question, il serait nécessaire de mieux définir les infractions qui relèvent du racisme », souligne-t-elle.

Par ailleurs, à l'heure actuelle, fait-elle comprendre, une victime a la possibilité de saisir l’Equal Opportunities Commission afin de déterminer si des propos sont associés à des conditions injustifiables et ont causé un désavantage direct ou indirect. De plus, elle peut déposer une plainte à la police, même pour des délits mineurs tels que des insultes. Dans le cadre professionnel, il est également possible de s'adresser au ministère compétent pour demander une enquête en vertu du Workers' Rights Act.

L'avocate souligne également que ces remarques à caractère raciste sont malheureusement courantes. «  Je défends deux victimes dans des contextes différents. Selon moi, souvent, les victimes n'osent pas se battre pour faire valoir leurs droits », indique notre interlocutrice.

  • defimoteur

     

 

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