Industrie manufacturière en recul. Secteur touristique avec revenus et recettes en baisse. Jusqu’où tiendrait la canne sans réforme ? En amont au discours-programme prévu ce vendredi 24 janvier, les directeurs des instances incontournables de ces secteurs s’expriment sur les ambitions et solutions qui devraient être communiquées par le biais de ce document.
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Jocelyn Kwok, Chief Executive Officer de l’Ahrim : «Une vision nationale forte pour le tourisme»
Les arrivées touristiques ont chuté de 1,1 % en 2019, une première baisse en 10 ans. Les recettes touristiques, sur les 11 premiers mois de l’année écoulée suivent la même tendance. Chief Executive Officer de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’Ile Maurice, Jocelyn Kwok estime que le discours-programme devrait contenir des mesures fortes. L’inertie sera préjudiciable. L’intégralité de son analyse :
« De manière générale, d’abord, nous attendons des indications fortes du gouvernement que l’économie soit bien en train de reprendre l’avant-plan dans nos priorités nationales. Notre pays doit renforcer, dans les faits comme par ses actions, son image de dynamisme, de compétitivité et de succès économique ; un succès nous permettant, en même temps, d’être à l’avant-garde dans nos politiques sociales et environnementales. La question de compétitivité n’est pas l’affaire des seuls opérateurs économiques ; elle touche aussi le secteur public. Pour le tourisme, la compétitivité nationale demeure cruciale ; on n’est plus dans l’absolu, l’île Maurice est une destination touristique forte mais d’autres font mieux en ce moment.»
Il parle de la priorité à la connectivité aérienne. « Qu’on établisse une fois pour toutes une vision nationale forte et cohérente ainsi qu’une manière d’étudier et d’opérer nos choix pour le plus grand bien du pays. Les projets d’Air Mauritius, d’Emirates, de Turkish Airlines, ou des autres déjà présentes, mais aussi l’intérêt porté par de nouvelles lignes aériennes, doivent retenir une meilleure attention ».
Puis, de la priorité au produit physique . « Le changement climatique accélérant la dégradation de nos zones côtières et une politique défaillante de maintien de notre statut d’île verte et propre sont comme des évidences. L’inaction face à cet état des choses nous mènerait droit au trou. Priorité à l’expérience actuelle du touriste sur place et leur partage accéléré sur les réseaux sociaux ».
Le CEO de l’Ahrim ajoute : « Les questions de sécurité, de mauvaises pratiques par certains opérateurs, le manque d’informations sur nos infrastructures routières et piétonnières, les tarifs de taxi complètement libéralisés, notre discours incomplet sur le traitement des animaux, un secteur informel qui prend des proportions démesurées, et d’autres encore ne reflètent pas la qualité et les valeurs promises au visiteur dans nos brochures et nos sites Web, aussi performants que ceux-ci pourraient l’être. »
« Priorité enfin à notre politique nationale de développement de nos ressources humaines et son adéquation aux besoins des investisseurs/opérateurs/employeurs. Les inadéquations actuelles, dit Jocelyn Kwok, sont multiples et interconnectées ; les solutions doivent être élaborées dans un cadre précis des besoins du marché du travail à court, moyen et long termes. Les compétences requises, locales comme étrangères, doivent pouvoir arriver sur le marché du travail de manière optimale, chacune au moment opportun, afin de ne pas saborder nos opportunités économiques, voire la viabilité de nos entreprises. »
Lilowtee Rajmun-Jooseery, directrice de la Mexa : «Une stratégie précise pour la manufacture»
Le message a le mérite d’être clair et précis. Pilier de l’économie mauricienne, l’industrie manufacturière et exportatrice ne peut être laissée sur la touche, dit la directrice de la Mauritius Exports Association (Mexa) : « Le discours-programme représente le carnet de route du nouveau gouvernement pour les cinq ans à venir. C’est un cahier des charges détaillé où le gouvernement explique comment il compte atteindre ses objectifs et concrétiser les priorités énoncées. La MEXA, représentant le secteur industriel et les sociétés exportatrices, sera très attentive par rapport aux orientations économiques du discours-programme. Notre secteur requiert une attention particulière. Nous, les opérateurs, nous voulons que le gouvernement exprime un engagement clair et fort. Aujourd’hui, nous nous attendons à ce que l’État dévoile une vraie stratégie. Pourquoi ? Parce qu’il y a eu un manque d’une telle stratégie, ce depuis 10 ans déjà. Le secteur a perdu une décennie. Ayons au moins une vision précise et une stratégie d’implémentation réalisable dans le moyen terme. L’heure n’est plus aux mesures par à-coups afin de colmater les brèches. N’oublions pas qu’une industrie manufacturière en croissance a un effet multiplicateur sur l’ensemble de l’économie. Un emploi dans ce secteur équivaut à trois jobs indirects. Mais on ne peut occulter le fait que le gouvernement précédent avait déjà introduit des mesures concrètes et ciblées afin de soutenir le secteur. »
Devesh Dukhira, CEO du Syndicat des Sucres : «Attendons le rapport de la Banque mondiale»
Le CEO du Mauritius Sugar Syndicate affirme que le gouvernement ne dévoilera pas toute sa vision pour le secteur sucrier avant que la Banque mondiale ne dépose son rapport. « Les opérateurs, tout comme l’État, sont en attente des recommandations que feront les experts de la Banque mondiale, à l’issue d’une étude sur le secteur. Tout serait tributaire de ces analyses et conclusions. À ce stade, on ne pourrait s’attendre à de grandes annonces. Tout le monde est en mode attente. Ceci étant dit, il n’y pas 1 000 solutions pour assurer la pérennité du secteur. Deux aspects importants sont l’amélioration de la compétitivité et une augmentation des revenus dans d’autres filières de la canne, telle que l’énergie. La finalité serait que ces recommandations et la mise à exécution de manière urgente des mesures permettent au secteur d’être soutenable au lieu de dépendre de subventions de l’État. »
Pravind Jugnauth mobilise ses troupes
En vue de la rentrée de ce vendredi, les parlementaires du gouvernement étaient, jeudi, au Bâtiment du Trésor, pour une réunion avec le Premier ministre Pravind Jugnauth. Il a surtout été question de la lecture du discours-programme 2020-2025 par le président de la République, Pradeep Roopun. Ministres, PPS et députés ont quitté le bâtiment tout sourire. Selon le Deputy Prime Minister, Ivan Collendavelloo et le ministre du Tourisme, Joe Lesjongard, « tout s’est bien passé ».
Certains ont commenté la décision de l’opposition de boycotter le discours-programme de l’Alliance Morisien. « Ça commence mal. C’est dommage. L’opposition passe au boycott dès la première occasion. Je me demande ce que nous réserve cette opposition », dit Mahen Seeruttun, le ministre des Services financiers. Avinash Teeluck, son collègue aux Arts et à la Culture, déplore, lui, le « manque de respect de l’opposition pour une institution comme le Parlement ». Il juge « ironique » que l’opposition boycotte la lecture du discours-programme mais participe aux débats.
Pour sa part, la Chief Whip, Naveena Ramyad est d’avis qu’un discours-programme est avant tout un plan pour la construction de Maurice. « C’est antipatriotique. Le moins que l’on puisse faire, c’est d’être présent pour participer d’une quelconque façon à la construction », estime-t-elle. La députée Joanne Tour est, quant à elle, enthousiasmée par « la solidarité » des membres du gouvernement et a hâte de commencer le travail. Idem pour la PPS, Tania Diolle qui déclare que « l’équipe gouvernementale est plus que jamais motivée ».
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