Les récentes pluies à Maurice ont révélé des disparités dans la gestion des conditions météorologiques. Alors que les fonctionnaires étaient dispensés de travail pendant l’alerte cyclonique, les employés du secteur privé dépendaient des décisions de leurs employeurs. Certains y voient une forme de discrimination, appelant à un changement urgent et à un protocole équitable. Des syndicalistes insistent sur la nécessité d’accorder une considération égale à tous les travailleurs en matière de santé et de sécurité.
Quand la pluie tombe, les inégalités émergent. Mardi, alors que l’alerte cyclonique 2 était en vigueur, le ministère de la Fonction publique a lancé un appel aux fonctionnaires pour qu’ils ne se rendent pas au travail, à l’exception de ceux exerçant dans les services essentiels. Le sort des employés du secteur privé a, lui, été confié entre les mains de leurs employeurs. Business Mauritius a alors émis un communiqué, conseillant aux chefs d’entreprise de privilégier le télétravail autant que possible. Mais ceux, dont la nature du métier ne leur permet pas d’opérer à distance, ont dû se rendre sur leur lieu de travail malgré les risques liés au mauvais temps.
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Cette situation n’a fait que mettre en exergue une réalité qui ne date pas d’hier : les disparités entre employés de la fonction publique et ceux du secteur privé. Elle a suscité le mécontentement mais aussi et surtout la frustration, notamment sur les réseaux sociaux où les internautes ont été nombreux à décrier cette différence de traitement.
Certains parlent tout bonnement de discrimination. Ils estiment qu’en cas de pluies torrentielles et de catastrophes naturelles, il appartient au gouvernement de prendre des décisions équitables tant pour les fonctionnaires que pour les employés du secteur privé. Cette différence de protocole a attisé la colère de plusieurs salariés.
Protection pour tous
Ashok Subron explique que cette différence de traitement remonte à quelques années déjà. Il évoque le « flashflood » de 2013 ayant entraîné la mort de 11 personnes. « C’était un phénomène nouveau qui nous a pris au dépourvu. L’État ne pouvait pas rester sans réagir. En 2016, la National Disaster Risk Reduction and Management Act a été promulguée. Cependant, l’État a décidé qu’il n’y aurait pas de système similaire pour déterminer si les employés doivent travailler ou non en cas de pluies torrentielles, contrairement à ce qui est en place pour les cyclones », souligne le négociateur syndical.
Il rappelle que le gouvernement est élu pour assurer la protection de la sécurité publique, de l’intérêt commun et de l’intérêt public. « Il incombe au gouvernement de prendre des décisions concernant la gestion des pluies torrentielles et de déterminer si les employés doivent travailler ou non. Cependant, bien que l’État soit le garant de la sécurité publique, il a abdiqué sa responsabilité en laissant aux employeurs le pouvoir de décision. Cela a créé deux catégories d’employés », ajoute-t-il.
Ashok Subron explique que lors des pluies torrentielles, le gouvernement, en tant qu’employeur des fonctionnaires, décide s’ils doivent se rendre au travail ou non. En revanche, pour les employés du secteur privé, c’est Business Mauritius qui prend cette décision. « C’est ce problème fondamental qui a conduit à cette discrimination, créant la perception que la vie de ces deux catégories d’employés n’a pas la même valeur », souligne-t-il.
Il affirme que le système pour les cyclones est bien rodé. Il indique que la General Workers Federation propose que ce ne soit pas à l’employeur de la fonction publique ou du secteur privé de décider, mais plutôt à l’employé de choisir s’il doit se rendre au travail en cas de pluies torrentielles ou d’autres catastrophes naturelles. « L’employé n’est pas la propriété de l’employeur. Aucun contrat ne stipule que l’employé doit travailler lorsque sa vie est en danger. La Constitution garantit la vie des travailleurs. On ne peut pas laisser ce droit constitutionnel entre les mains des employeurs. »
Le syndicaliste plaide pour Disaster Leave (congé catastrophe ; NdlR) afin de permettre à l’employé de décider s’il se rend au travail en cas de pluies torrentielles et d’autres catastrophes naturelles. Il suggère l’utilisation des dispositions existantes, telles que l’article 16(2) ou l’article 37, en cas de situations graves.
Radhakrishna Sadien souligne, pour sa part, l’urgence de revoir le protocole dans sa forme actuelle, qui s’applique à la fonction publique mais pas au secteur privé. « Il est crucial de reconnaître que tous les travailleurs, qu’ils soient du public ou du privé, méritent la même considération en matière de santé et de sécurité », soutient le syndicaliste de la fonction publique.
Radhakrishna Sadien ajoute que la loi devrait inclure des dispositions spécifiques, tout comme la santé et la sécurité font partie intégrante de la législation du travail. « Il est important de reconnaître les différents types d'employeurs et de garantir que la vie des travailleurs n'est pas mise en danger. Les décisions doivent être prises en fonction de critères équitables, sans discrimination envers un secteur particulier », fait-il mention.
Le syndicaliste évoque aussi que la réactivité du gouvernement lors de crises comme les inondations doit être améliorée. « Agir rapidement et efficacement pour protéger la vie des citoyens, que ce soit dans le secteur public ou privé, doit être prioritaire. Des arrangements doivent être pris pour assurer la continuité du travail, en envisageant des alternatives comme le travail en ligne, tout en garantissant des moyens de transport pour les travailleurs », fait-il mention.
Le syndicaliste du privé, Reaz Chuttoo, est sur la même longueur d’onde que Radhakrishna Sadien pour un protocole commun pour les employés du public et du privé. « On doit venir de l’avant avec un protocole unique pour l'ensemble de la population, mettant en avant la santé et la sécurité publique comme une priorité. La vie de chaque individu doit être considérée comme ayant une valeur supérieure », dit-il.
Reaz Chuttoo poursuit que « lorsque le niveau d'alerte 3 est en vigueur, arrêter le travail est obligatoire. Ce qui n’est pas le cas en classe 2. Il y a des avis sécuritaires qui doivent devenir force de loi. Je pense qu’une refonte complète des réglementations et des lois est nécessaire, en mettant particulièrement l'accent sur la logique du changement climatique. Les catastrophes liées au climat deviennent de plus en plus fréquentes, et il est impératif de prévoir ces événements extrêmes », prévient-il.
Selon le syndicaliste, il faut aussi prendre en compte les expériences d'autres pays confrontés à des défis similaires, tels que les inondations, les canicules, et les montées de marée. « Ces événements doivent être considérés comme des phénomènes récurrents à Maurice, et des plans d'urgence appropriés doivent être élaborés. Le gouvernement doit anticiper les conséquences du changement climatique et mettre en place des mesures préventives. Il est inacceptable de laisser les travailleurs exposés à des risques potentiels dus à des événements climatiques extrêmes », martèle-t-il.
Changement dans les communications mercredi
Dans un communiqué émis mardi, on soulignait que les fonctionnaires devaient rester chez eux , sauf ceux travaillant dans les services essentiels. Le ministère e la Fonction publique invitait le secteur privé à mettre des dispositions similaires en place pour ses employés. Business Mauritius a ainsi recommandé le télétravail autant que possible. Suite à la grogne, un changement a été noté. Par exemple, pour le mercredi 24 janvier, dans le communiqué émis, on faisait mention que « les employés des secteurs public et privé pourront se rendre au travail ». Sollicitées à ce propos, les autorités n’ ont pas voulu commenter. « Il s’agit de décision du National Crisis Committee », fait-on ressortir.
Le NEOC n’ a pas voulu faire de commentaire non plus. Faut-il un protocole commun pour les employés des secteurs public et privé ? Au niveau du NEOC, on fait comprendre que c’est « une gouvernement policy » sans vouloir s’aventurer sur le sujet.
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