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Diane Maigrot : «Les défis à Maurice sont de vraies opportunités pour créer la richesse et l’emploi»

À la tête de La Turbine, Diane Maigrot dresse un état des lieux de l’entrepreneuriat à Maurice. Manque de financement, marché limité, difficulté à recruter… Malgré les obstacles, elle croit en un écosystème local capable d’innover, de croître et de devenir un modèle régional d’entrepreneuriat durable.

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Depuis 2016, La Turbine a accompagné plusieurs projets à fort potentiel. Quels succès ou impacts concrets pouvez-vous partager ?
Depuis sa création, La Turbine a su s’imposer comme un acteur incontournable de l’écosystème entrepreneurial à Maurice. Plus de 1 000 projets ont été reçus, nous avons accompagné 150 entrepreneurs en préincubation et permis à 35 d’entre eux de créer leurs entreprises. Les start-ups ont été accompagnées de manière intensive à travers nos programmes d’incubation et d’accélération. Certaines d’entre elles, comme PV Solutions qui s’attèle au recyclage des panneaux solaires, Fouraz qui ambitionne de produire localement des aliments destinés à l’élevage, Sealife Organics qui produit des engrais à partir de déchets verts et d’algues, Fundkiss qui encourage le financement participatif, Partyapp qui propose un listing d’événements et une billetterie digitale ont réussi à développer leurs activités, nouer des partenariats stratégiques et lever des fonds grâce à l’accompagnement de La Turbine, entre autres. Des collaborations concrètes avec des acteurs comme ENL, Ingenia by MCFI, Leal Group, Ascencia, Ecoasis et d’autres sont la preuve qu’il est possible de créer des synergies solides entre start-ups et structures établies. Ce sont autant de projets qui créent de la valeur, de l’emploi local, et contribuent à faire émerger des solutions innovantes pour le pays.

Il faut arrêter de payer des consultants étrangers quand le talent est ici»

Quel rôle La Turbine souhaite-t-elle jouer dans l’écosystème entrepreneurial mauricien en 2025 et au-delà ?
La Turbine veut aller au-delà du rôle classique d’incubateur et être un véritable catalyseur d’innovation. Elle se positionne désormais comme une plateforme d’innovation responsable au service des grandes entreprises, des start-ups, mais aussi des institutions publiques et privées. Nous voulons être un outil stratégique pour Maurice, capable d’identifier les problématiques concrètes et d’y faire répondre par des start-ups locales, régionales et internationales. C’est dans cet esprit que nous avons lancé Turbine Connect, une plateforme SaaS qui permettra aux grandes entreprises, autorités locales et institutions de lister leurs besoins d’innovation et de collaborer plus facilement avec des start-ups.

L’édition 2025 de l’Innovation Challenge met l’accent sur huit Objectifs de Développement Durable. Pourquoi avoir fait ce choix stratégique ?
Les défis auxquels Maurice fait face : changement climatique, insécurité alimentaire, pression sur les ressources, inclusion économique, exigent des réponses concrètes. En alignant le Challenge sur huit ODD prioritaires, nous voulons créer un cadre clair pour orienter l’innovation vers les besoins réels du pays. Cela permet aussi de mobiliser les bons partenaires, de guider les start-ups dans leurs priorités stratégiques, et de faire émerger des projets à impact tangible. C’est une manière de rappeler que les ODD ne sont pas une contrainte, mais une opportunité économique pour Maurice. En transformant les défis en opportunités d’innovation, nous contribuons à bâtir une économie plus résiliente et durable.

Quels sont, selon vous, les principaux obstacles que rencontrent aujourd’hui les start-ups mauriciennes pour passer à l’échelle ?
Selon moi, les principaux obstacles que rencontrent les start-ups mauriciennes pour passer à l’échelle sont, premièrement, la taille du marché mauricien. Une fois le proof of concept validé, il faut penser à exporter les produits et services développés sur la région ou à l’international pour augmenter l’efficience et la rentabilité de la start-up tout en minimisant le risque du marché unique. Deuxièmement, le manque de ressources, financières et non financières. L’accès à l’investissement reste un procédé bien trop long et bien trop lourd pour les entrepreneurs. Ensuite, il est de plus en plus difficile de recruter à Maurice, cela devient un frein important pour toute entreprise qui veut grandir. Aussi, le manque d’ouverture des entreprises privées et institutions publiques : celles-ci préfèrent payer des consultants étrangers, utiliser des solutions internationales ou carrément rester dans des systèmes archaïques plutôt que d’encourager les talents locaux à développer des solutions locales qui correspondraient bien mieux à nos besoins et nos contraintes.

L’idée ne suffit pas, c’est l’exécution qui fait la différence»

Y a-t-il une fracture entre les idées innovantes des jeunes et la réalité du marché local ? Comment la combler ?
Il faut davantage éduquer les jeunes au monde de l’entrepreneuriat afin qu’ils puissent bien comprendre qu’avoir une idée ne suffit pas. Il faut que l’idée réponde à un vrai problème pour qu’un client soit prêt à payer le service ou le produit proposé – le retour sur investissement doit être pris en compte pour motiver l’achat. Avoir une idée ne suffit pas, la capacité d’exécution est primordiale. Il y a un monde entre le business plan sur papier et la réalité du terrain. Ceux qui veulent se lancer ne doivent pas minimiser les efforts qui seront nécessaires pour voir leurs projets se concrétiser. Et enfin, quand il s’agit de dépenser de l’argent, il n’y a pas d’amis, personne ne fait de cadeaux en affaires. Si le produit ou le service ne permet pas de faire des économies, d’augmenter la production ou d’améliorer l’expérience, ne perdez pas de temps.

Maurice peut-elle devenir une référence régionale en matière d’innovation durable ? Quels leviers faudrait-il activer pour y parvenir ?
La chance que nous avons à Maurice se trouve dans le dynamisme du secteur privé qui a toujours entrepris pour développer une île Maurice forte économiquement. Nous sommes une Nation d’Entrepreneurs. Les défis environnementaux, sociaux et économiques sont de vraies opportunités pour le développement de richesse, de créations d’emplois et de valeurs. Pour cela, il faut que le gouvernement joue son rôle de facilitateur et d’accélérateur au niveau des procédures et des législations et qu’il soit partie prenante des initiatives locales portées par les incubateurs comme La Turbine. Maurice a tous les atouts pour devenir un laboratoire régional d’innovation durable : sa taille permet d’expérimenter rapidement, son capital humain est créatif et l’entrepreneuriat est dans son ADN. Pour y parvenir, il faut renforcer les passerelles entre start-ups et grandes entreprises, intégrer l’innovation dans les politiques publiques, et mieux articuler les dispositifs de financement. Il est également essentiel de miser sur des alliances régionales : faire venir des start-ups de la zone, exporter nos solutions, et positionner Maurice comme une plateforme de co-développement. C’est dans cette logique que l’Innovation Challenge 2025 s’ouvre aussi à la région.

 

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