À l’approche du prochain Budget qui sera présenté dans un contexte électoral, le sujet de la dette publique suscite les débats. Le montant de celle-ci a augmenté, alors que son pourcentage au PIB a diminué.
La hausse de la dette publique en une année est de l’ordre de Rs 41 milliards. Celle-ci est passée de Rs 483 milliards en mars 2023 à Rs 524 milliards lors de la période correspondante cette année. Face à ce chiffre qui gonfle, l’inquiétude guette, d’autant plus que ce facteur macroéconomique qu’est la dette publique est suivi de près par des institutions internationales. L’une d’entre elles, à savoir le Fonds Monétaire International (FMI) a à diverses reprises soulevé le sujet lors des consultations à Maurice dans le cadre de l’Article IV. En effet, plus tôt cette année, les délégués du FMI mettaient l’emphase sur l’importance de mettre en œuvre le plan d’assainissement budgétaire à Maurice à moyen terme, « favorable à la croissance, pour réduire la dette publique et reconstituer les amortisseurs budgétaires ».
Deux ans de cela, soit en 2022, le FMI faisait comprendre que pour que Maurice parvienne à devenir un pays à revenu élevé au cours de la présente décennie, il faudra assurer la stabilité macroéconomique et réduire les risques liés à la baisse de la croissance, à l’augmentation de la dette et à la hausse de l’inflation. Pré-Covid, soit en 2019, le FMI recommandait au gouvernement mauricien de poursuivre l’assainissement budgétaire à partir du prochain Budget « afin de renforcer la crédibilité budgétaire et de placer fermement la dette publique sur une trajectoire descendante à moyen terme ».
Or, la dette publique avait dépassé les 90 % du Produit Intérieur Brut (PIB) pendant la pandémie. Le 13 juin 2023, lors de son Summing up à l’Assemblée nationale, Renganaden Padayachy soulignait que la dette publique a marqué une claire décélération, passant d’un pic à 92% du PIB en juin 2021 à 79% en juin 2023. « Ce qui compte, c’est la soutenabilité de la dette et notamment sa tendance par rapport au PIB. Entre 2006 et 2014, la dette par habitant a augmenté de 61%. La dette du secteur public devrait donc continuer à diminuer pour atteindre 79% à fin juin 2023 et 71,5% à fin juin 2024. Nous remplirons l’objectif fixé par le FMI en abaissant notre dette publique en deçà de 80%. Nous poursuivrons nos efforts pour parvenir à notre objectif de moyen terme qui est de ramener la dette à 60% du PIB », affirmait le ministre des Finances.
La dette publique était à 78,3 % du PIB à mars 2024. Le député Reza Uteem et le ministre Mahen Seeruttun avaient abordé la question de la dette publique lors d’une émission sur Radio Plus la semaine dernière. Tous deux tentaient d’analyser le niveau de la dette publique à l’avantage des siens. Yuven Peechen, lecturer en finance, explique que les revenus engendrés par le gouvernement par l’entremise de la taxe ont augmenté. « Cela permet de réduire le niveau d’endettement qui était nécessaire au gouvernement. Il convient également de faire ressortir que le gouvernement a révisé la définition de la dette publique. Le gouvernement peut désormais compenser les bénéfices avec ceux issus des corps paraétatiques par exemple. La baisse de la dette nette et un grossissement du Produit Intérieur Brut (PIB) ont aussi permis de diminuer le niveau de la dette publique. Cependant, c’est en termes relatif que la dette publique a baissé et non en termes absolu », explique-t-il.
Le Selected Issues Paper on Mauritius publié par le Fonds Monétaire International (FMI) en 2022 indiquait un nouveau point d’ancrage de la dette à moyen terme, soit de 80 % du Produit Intérieur Brut (PIB), contre la cote d’alerte initiale de 60 % du PIB. Il avait été revu pendant la pandémie. Ganessen Chinnapen, économiste, suggère d’analyser la dette par rapport au pourcentage du PIB. La dette, dit-il, n’est pas un problème du moment qu’elle permet de créer la richesse et que le Produit Intérieur Brut (PIB) augmente. « La dette publique avait grimpé au moment de la Covid-19 avec les différentes protections sociales apportées. L’État mauricien a fait comprendre qu’il va prôner une discipline financière et ciblera une dette publique à 60 % du PIB. Ce sont des paramètres économiques qui sont pris en compte pour analyser la croissance ou la robustesse d’une économie », poursuit Ganessen Chinnapen.
Par ailleurs, avec les attentes pour un Budget ‘labous dou’ et l’année électorale, comme le concède Yuven Peechen, le niveau de la dette publique sera fort probablement impacté. Néanmoins, modère-t-il, celle-ci ne devrait pas augmenter de manière considérable, car le gouvernement va, entre autres, puiser du Consolidated Fund ou de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) comme marge de manœuvre.
Financement
Le gouvernement va-t-il réviser la taxe sur la valeur ajoutée ou les autres impositions ? Va-t-il utiliser d’autres avenues afin de générer des revenus pour le financement du prochain Budget ? Il faudra, selon Ganessen Chinnapen, attendre la présentation du Budget 2024-25 pour savoir comment les mesures seront financées. « Je ne pense pas que cela va affecter la dette. L’engagement a été pris auprès du Fonds Monétaire International, la Banque mondiale ou encore l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) par rapport à la discipline financière et pour maintenir la dette dans la fourchette cible », ajoute-t-il.
Toujours est-il que Yuven Peechen insiste sur la nécessité pour le gouvernement d’être vigilant concernant la dette publique. Car, conclut-il, c’est la génération future qui sera contrainte de supporter le poids de cette dette.
En chiffres
L’évolution de la dette du secteur public (brute)
Mars 2023 Rs 483 Md
Juin 2023 Rs 495 Md
Septembre 2023 Rs 497 Md
Décembre 2023 Rs 512 Md
Mars 2024 Rs 524 Md
Dette du secteur public en % du PIB
Mars 2023 81,8 %
Juin 2023 81,2 %
Septembre 2023 79,6 %
Décembre 2023 78,6 %
Mars 2024 78,3 %
Questions à…
Paul Baker, CEO d’International Economics Consulting : «dans la plupart des pays, les années électorales sont propices à la générosité»
La dette publique est passée de 92 % du PIB en juin 2021 à 79 % deux ans plus tard, avant de se retrouver à 78,3 % en mars 2024. Quelle analyse faites-vous de ces chiffres ?
La dette a diminué de manière impressionnante. Cela est dû à la fois à une certaine discipline en matière de dépenses et à la croissance rapide qui a suivi la mise en œuvre du programme Covid. Je pense que les taux d’endettement sont plus viables et qu’ils évoluent dans la bonne direction. Il est trop tôt pour dire si les modifications des taux de l’impôt sur le revenu ont eu un impact sur les recettes du gouvernement.
De manière générale, est-ce que la dette publique est relayée au second plan dans un contexte électoral ? Faut-il s’en inquiéter ?
Dans la plupart des pays, les années électorales sont propices à la générosité en matière d’allègements fiscaux et/ou d’augmentation des pensions et autres prestations sociales. Cela peut avoir une tendance inflationniste et creuser les déficits budgétaires. Il est plus que probable que cela se produise au cours de cette année électorale. Je pense que tout le monde se demande ce que révèlera le prochain Budget et si les coûts des entreprises augmenteront ou non.
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