Les chiffres sont éloquents. Le taux de délinquance juvénile est passé de 4,6 en 2022 pour 1 000 habitants à 7,4 pour 1 000 habitants en 2023 selon Statistics Mauritius. L’indiscipline scolaire a, elle, bondi de 500 % entre 2015 et 2024. Ces chiffres interpellent plus d’un, braquant notamment les projecteurs sur la responsabilité parentale.
«Avec la situation actuelle, le risque d’une hausse de la criminalité est réel, à moins d’un événement marquant qui renverse la tendance. » L’avertissement d’une ancienne Probation Officer est sans appel face à l’augmentation de cas de délinquance juvénile. Le taux est passé de 4,6 en 2022 pour 1 000 habitants à 7,4 pour 1 000 habitants en 2023 selon les données de Statistics Mauritius. Dans le même ordre d’idées, l’indiscipline dans les établissements scolaires est passée de 55 en 2015 à 297 cette année selon un document déposé à l’Assemblée nationale.
Elle attire l’attention sur le fait que l’indiscipline dans les écoles ainsi que la délinquance juvénile ne se limitent pas qu’aux garçons. Dans les nombreux délits impliquant des mineurs qu’elle a traités, ce sont souvent les filles qui avaient incité les garçons à faire l’école buissonnière pour avoir des relations sexuelles.
Plus alarmant encore, l’ancienne Probation Officer révèle que certaines filles proposent leurs charmes sur les réseaux sociaux et monnayent chaque visionnage d’une partie de leur corps, avec des tarifs qui augmentent en fonction de la partie du corps qui sera exposée. Le paiement se fait sur les applications mobiles.
Elle est catégorique : la délinquance juvénile résulte d’un laxisme parental, de l’influence néfaste des réseaux sociaux et de l’accès croissant à diverses technologies dont l’utilisation est souvent détournée. La police ne pouvant être partout à la fois, elle estime que certains parents sont trop permissifs face aux dérives de leurs enfants. « Quand un enfant décide de ne plus aller à l’école, les parents n’arrivent pas à le convaincre de poursuivre ses études. Livrés à eux-mêmes, c’est là que les enfants/mineurs ont la possibilité de commettre des délits en fréquentant des personnes plus âgées qu’eux », explique-t-elle.
Selon elle, le risque de délinquance juvénile est plus élevé dans les familles recomposées. Souvent le beau-père ou la belle-mère n’a pas d’autorité sur les enfants de son conjoint. « Tu n’es pas mon père ou ma mère, tu n’as aucun droit sur moi », sont souvent les mots qui sortent de la bouche des enfants, indique-t-elle.
Daniel Anacooa, Programme Officer (Bright Up Programme) au Mauritius Sports Council, déplore que certains parents ont démissionné de leurs responsabilités, ne savent pas comment agir et cherchent des boucs émissaires. Il attribue cette situation à une érosion des valeurs familiales et religieuses. À une certaine époque, rappelle-t-il, un proche ou un voisin pouvait réprimander un enfant ou le rapporter à ses parents s’il était vu en train de fumer, par exemple. Aujourd’hui, de telles remarques sont mal prises par les parents qui se mettent sur la défensive. De ce fait, l’entourage n’a plus cette attitude de bienveillance pour rapporter les actes répréhensibles des enfants.
De même, à l’école, quand un élève reçoit un rapport négatif de son enseignant, les parents vont, dans bien des cas, interpeller ce dernier, au lieu de demander des comptes à leur enfant. « Cela contribue à ce que les jeunes soient en perte de repères et considèrent des choses qui ne sont pas normales comme étant la norme. D’où la hausse de la délinquance juvénile et les enfants ne connaissent pas leurs limites », ajoute Daniel Anacooa.
D’ailleurs, poursuit-il, dans certains cas, quand un enseignant réprimande un enfant, ce dernier va lui répliquer « ou pa konn mo papa » sur un ton menaçant. « Dans de nombreux cas, les parents sont tellement protecteurs avec leur enfant qu’ils prennent les enseignants de haut et veulent tout simplement que leur enfant ne subisse pas ce qu’ils ont connu sans prendre en considération le bon côté de ces réprimandes. Cela, alors que l’enfant est peut-être fautif », ajoute le Programme Officer. Selon lui, les enfants avaient peur quand leur enseignant les réprimandait. Ils craignaient que cela se sache et d’être grondés par leurs parents. « Il ne suffit pas de donner à un enfant tout ce dont il a besoin, il faut aussi le suivre dans son éducation », dit-il.
L’ancienne Probation Officer abonde dans son sens. « Le travail n’est pas une excuse pour ne pas accorder de l’attention à son enfant », insiste-t-elle. Pour elle, « quand les enfants ont des problèmes, les parents doivent les laisser assumer leurs responsabilités ».
Car si les enfants ont des droits, l’accent n’est pas assez mis sur leurs devoirs, observe le Programme Officer (Bright Up Programme). Pour lui, tout commence à la maison. Auparavant, les grands-parents agissaient comme des transmetteurs de valeurs. « Il n’y avait pas de transport scolaire et les parents ou grands-parents allaient déposer leur enfant à l’école. En cours de route, il y avait une transmission des valeurs à travers la conversation qu’ils avaient entre eux et à travers les rencontres et situations qu’ils étaient amenés à vivre ensemble », explique-t-il. Cependant, avec l’avènement des transports scolaires, cela s’est effrité.
Il reconnaît que ce mode de transport facilite la vie de nombreuses personnes, mais les choses qui étaient ancrées dans la famille se perdent avec ce manque d’interaction entre grands-parents ou parents, dit-il. Cela a contribué à ce que les jeunes soient en perte de repères. Ils prennent « seki pa bon pou bon » et croient que « tout est permis », regrette Daniel Anacooa.
Face à cette situation, il est d’avis que les parents doivent pouvoir nouer un dialogue constructif avec leurs enfants. « Si on les affronte frontalement, cela ne marche pas. Nous avons noté, en tant qu’éducateurs, que si nous parvenons à nouer une relation avec le jeune, la communication se passe mieux », dit-il. Dès qu’il y a cette ouverture, il est plus facile de lui dire des choses plus franchement et le discours sera mieux écouté, affirme-t-il.
Cependant, il déplore que les enseignants et éducateurs n’aient pas tous le temps nécessaire pour développer cette approche. « Comment le faire en milieu scolaire quand il y a une trentaine d’élèves dans une classe ? » se demande-t-il.
L’école des parents
L’ancienne Probation Officer estime que les parents qui ont du mal à gérer leurs enfants doivent chercher de l’aide. L’école des parents n’est pas destinée uniquement aux familles vulnérables, mais à tout le monde, précise, lui, Daniel Anacooa. Il faut une grande sensibilisation à ce sujet : « Il faut une campagne massive sur le rôle et les devoirs des parents pour faire revivre les valeurs perdues. »
Daniel Anacooa fait comprendre que l’école a la responsabilité de l’éducation académique avec un suivi de la Parents Teachers Association (PTA) pour partager des valeurs aux parents avec la participation des psychologues et autres personnes qualifiées concernant le suivi des enfants lors des réunions informelles. « Il doit y avoir un partenariat entre l’école et les parents », souligne-t-il.
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