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Déficit de Rs 4 milliards du CEB : une débâcle financière accentuée par des investissements ratés et des filiales en déroute

La situation financière du CEB est graduellement passée au rouge entre 2015 et 2022.

Le Central Electricity Board (CEB) fait face à une situation financière difficile, marquée par un déficit croissant et des investissements infructueux dans ses filiales. Ces filiales, pour lesquelles des millions de roupies ont été investies, se sont avérées être des échecs retentissants, contribuant à la détérioration financière de l’organisme. Ce sont autant de raisons ayant contribué à un déficit record de Rs 4 milliards.

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Le fiasco des filiales du CEB : un exemple de mauvaise gestion et d'investissements défaillants

L'histoire des filiales du Central Electricity Board (CEB) est devenue un triste exemple de mauvaise gestion et d'investissements infructueux. En 2016, l'ancien ministre des Services publics et de l'Énergie, Ivan Collendavelloo, avait injecté des millions de roupies dans trois filiales du CEB : CEB Green Energy Ltd, CEB Facilities Co Ltd et CEB Fibernet Co Ltd. Cependant, le bilan de ces investissements s'est avéré désastreux, et leur impact sur la situation financière du CEB est indéniable.

À l'époque, de grands espoirs étaient placés dans ces filiales, qui étaient censées révolutionner les activités du CEB et lui permettre de prospérer. Pourtant, aujourd'hui, il est clair que ces projets ont été un échec retentissant, contribuant de manière significative au désastre financier du CEB.

En particulier, CEB Green Energy Co Ltd a complètement arrêté ses opérations, laissant derrière elle une situation financière précaire. CEB Facilities Co Ltd, quant à elle, a dû entreprendre une restructuration de ses services pour tenter de redresser la barre. Cette filiale avait été initialement créée pour gérer un centre d'appels et fournir des services de nettoyage et d'abattage d'arbres qui obstruaient le réseau électrique du CEB. Cependant, après une évaluation minutieuse, il a été décidé que le CEB devrait assumer lui-même les services de nettoyage et d'abattage d'arbres, laissant ainsi CEB Facilities Co Ltd se concentrer uniquement sur le centre d'appels.

Au cœur de la controverse se trouvent aussi les Rs 1,2 milliard investies dans trois filiales du CEB entre 2015 et 2020. Ces fonds ont été injectés dans CEB (Green Energy) Company Limited, CEB (Fibernet) Co Ltd et CEB Facilities Co Ltd, sans que ces investissements ne génèrent des rendements satisfaisants. Cette somme considérable a alimenté les débats au Parlement, notamment en ce qui concerne le remboursement d'un prêt de Rs 47 millions accordé à CEB Facilities Co Ltd. Le ministre actuel des Services publics et de l'Énergie, Joe Lesjongard, a souligné la nécessité de rationaliser les services offerts par cette filiale, qualifiant cette décision de judicieuse. Il a expliqué que cette restructuration permettrait au CEB de réduire sa dépendance à l'égard des services de Mauritius Telecom (MT) pour certaines de ses activités.

Malheureusement, ces signaux d'alarme sont devenus réalité. Les filiales du CEB ont été incapables de générer des retours sur investissement significatifs, laissant le CEB dans une position financière précaire. Le désastre financier du CEB est en grande partie imputable à ces investissements infructueux.

La situation financière du CEB est graduellement passée au rouge entre 2015 et 2022.

Optimisme pour l'avenir malgré les défis passés

Le CEB se veut cependant optimiste pour l’avenir. La direction de l’organisme s’attend à une expansion continue des investissements, stimulée par la mise en œuvre de grands projets d'infrastructures, des initiatives de développement immobilier, ainsi que des efforts visant à développer de nouveaux segments de croissance, notamment dans les énergies renouvelables. « Nous sommes optimistes quant à ces évolutions, qui devraient porter la croissance réelle du PIB à environ 5 % en 2023, conformément aux dernières projections du Fonds monétaire international », affirme un membre du conseil d’administration.  

En ce qui concerne la demande d'électricité, le CEB anticipe une augmentation régulière, potentiellement supérieure aux niveaux d'avant la pandémie, « une tendance qui augure bien pour la reprise de notre santé financière. La récente baisse des prix du fioul lourd et du charbon sur la scène internationale, si elle perdure dans le temps, contribuera grandement à notre trajectoire de redressement financier au cours des prochaines années ». 

Un autre développement crucial est la révision tarifaire approuvée par l’Utility Regulatory Authority (URA) qui en vigueur depuis le 1er février 2023. « Cette révision nous donne confiance en un redressement financier à venir, positionnant ainsi le CEB pour faire face à l'avenir avec une nouvelle assurance ».

Défis internationaux hors de son contrôle, selon le CEB

Du côté de la direction du CEB, on tient également à expliquer la détérioration de la situation financière en raison d'événements internationaux qui ont créé une année de défis considérables, « largement hors de notre contrôle », mettant ainsi une pression significative sur la santé financière de l’organisme et de sa performance opérationnelle globale. Le déficit s'est fortement creusé, principalement en raison de l'envolée des prix des matières premières, notamment du fioul lourd et du charbon, deux éléments cruciaux pour les activités de la compagnie nationale de l’électricité. « En fait, le prix du charbon, une ressource essentielle pour les producteurs d'électricité indépendants, a connu une augmentation spectaculaire en 2022, enregistrant une hausse moyenne d'environ 230 % par rapport à la période précédente. Parallèlement, le prix moyen du fioul lourd a augmenté de plus de 50 % par rapport à l'exercice financier précédent », fait savoir un cadre de l’organisme.  Cette situation a été encore compliquée par l'appréciation des principales devises par rapport à la roupie mauricienne. « Dans l'ensemble, ces chocs extérieurs ont considérablement affecté la situation financière du CEB, le plongeant dans un déficit de 4,1 milliards de roupies pour l'exercice financier, marquant ainsi un point bas significatif dans notre histoire financière. Néanmoins, malgré ces défis de taille, nous avons réalisé d'importants progrès dans la gestion de nos coûts maîtrisables », ajoute cette même source.

Fonds de pension déficitaire de Rs 5,6 milliards 

Le dernier rapport annuel du CEB fait également état de la situation déficitaire du plan de retraite à prestations définies au 30 juin 2022 qui s’élève à Rs 5,6 milliards. Cependant, du côté de la direction du CEB, on se veut rassurant car le ministère de l’Énergie et des Services publics a déjà pris l’engagement de verser la somme de Rs 484 millions par an au CEB Staff Pension Fund et une somme de Rs 312,9 millions par an au CEB Manual Workers Pension Fund lors des 18 prochaines années. 

L’utilisation des réserves CEB Une décision qui continue de peser lourd 

Dans le passé, l'organisme avait établi une base financière solide, accumulant une réserve considérable de Rs 7 milliards. Cependant, la situation a radicalement évolué avec le transfert d'au moins Rs 3 milliards de cette réserve vers le Consolidated Fund. Une partie de cette somme aurait été allouée pour indemniser Betamax, atteignant presque Rs 6 milliards, sans compter les frais associés. En outre, une somme de Rs 3 milliards a été transférée vers le Consolidated Fund afin d'équilibrer le budget national, une démarche également entreprise par plusieurs autres institutions publiques, comme la State Trading Corporation.


Dr Khalil Elahee, expert en matière énergétique : « Le déficit est également attribuable à une mauvaise gouvernance »

Le CEB a pendant plusieurs années été un des rares organismes à générer des milliards de roupies de profit, mais depuis quelques années, sa situation financière a connu une nette détérioration, affichant Rs 4 milliards de déficit. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Les bénéfices du CEB avaient presque atteint les Rs 5 milliards en 2017, principalement en raison des prix relativement bas du pétrole lourd et du charbon. En sus, une liquidité record avait été enregistrée, avec les consommateurs versant environ Rs 5 millions chaque heure dans les coffres du CEB. Les fonds ainsi collectés avaient été utilisés à de nombreuses fins, allant même jusqu'à subventionner le prix du sucre pour les planteurs. Malheureusement, il n'y avait pas eu d'investissements massifs dans les énergies renouvelables, ce qui aurait pu servir de protection en cas de futures difficultés.

Aujourd'hui, nous faisons face aux conséquences de ces choix, car les prix du pétrole et du charbon ont repris leur ascension, et la roupie a vu sa valeur diminuer par rapport au dollar. Le déficit est également attribuable à une mauvaise gouvernance. Par exemple, le dernier rapport du CEB mentionne une perte de Rs 172 millions à Rodrigues, un déficit qui s'aggrave chaque année sans que des mesures correctives ne soient prises.

Le démantèlement du CEB Green Energy et du CEB Facilities a, selon l’opposition parlementaire, énormément contribué à cette situation déficitaire. Quelles sont les raisons qui ont mené au démantèlement de ces filiales ?
Je crois comprendre que certains, y compris dans l'opposition, ne condamnent pas en soi la création de ces Special Purpose Vehicles, mais plutôt la mauvaise gestion et l'ingérence politique de part et d'autre. Il est certainement nécessaire d'accroître la responsabilité et la transparence concernant ce qui s'est exactement passé. Cela dit, avec les nouveaux amendements à la CEB Act et à l'Electricity Act, ainsi que l'entrée en fonction du régulateur, il sera nécessaire de redéfinir le rôle du CEB, en particulier en ce qui concerne la génération d'énergie. Il faudra une instance dédiée pour faciliter la mise en œuvre rapide de la Roadmap. Je ne pense pas que CEB Green Energy avait les compétences nécessaires pour le faire.

Dans quelle mesure ce déficit de Rs 4 Md va-t-il impacter les projets d'énergies renouvelables que le gouvernement souhaite réaliser pour atteindre ses objectifs d'ici 2030 ? 
Il est prévu d'installer environ 400 MW supplémentaires de photovoltaïques avec un investissement de plus de Rs 25 milliards. Qui va superviser ce programme ? Même si le financement provient du secteur privé ou de fonds verts pour le climat, il est nécessaire d'avoir un organisme facilitateur. Je ne pense pas que le CEB devrait être le seul, voire le principal, acteur de ce secteur. Ce n'est pas son rôle. D'ailleurs, avec les amendements à la CEB Act et à l'Electricity Act, il faudra revoir les règles. En revanche, il est essentiel que le CEB conserve son monopole sur la transmission et la distribution. Sa priorité devrait être la modernisation du réseau pour passer aux réseaux intelligents, y compris en investissant dans le stockage et la stabilisation du réseau. Le CEB doit élaborer une nouvelle stratégie qui privilégie le net-metering plutôt que le gross-metering, qui n'attire pas les « prosumers ». Il est également nécessaire de relancer l'Energy Efficiency Management Office et la Mauritius Renewable Energy Agency, même si une fusion a été annoncée dans le budget, rien n'a encore été fait à ce sujet. La gestion de la demande est essentielle pour une intégration réussie des énergies renouvelables. En résumé, le problème ne réside pas uniquement dans le déficit de Rs 4 milliards, car avec l'augmentation des tarifs, les consommateurs utilisant entre 300 et 400 kWh par mois apporteront une importante liquidité au CEB. Ce qui est nécessaire, c'est une meilleure gouvernance. Par exemple, aller de l'avant avec le projet de turbine à gaz au Gaz Naturel Liquéfié est une erreur monumentale dans ce contexte.


Osman Mahomed : « Les déficits du CEB ont augmenté par 125 fois en l'espace d'une année »

Selon le député du Parti travailliste, Osman Mahomed, le Central Electricity Board (CEB) traverse une période de turbulences financières sans précédent. « Les chiffres parlent d'eux-mêmes, avec un déficit soudain de Rs 32 millions wenregistré au cours de l'exercice 2021/2022, qui a grimpé en flèche pour atteindre un déconcertant Rs 4 milliards. Les déficits du CEB ont augmenté par 125 fois en l'espace d'une année », dit-il. Pourtant, il était bien connu que le CEB figurait parmi les fleurons des départements gouvernementaux. Depuis 2015, cependant, une décadence semble s'être installée, marquée par la suspension de nombreux cadres compétents qui, du jour au lendemain, ont été privés de leur gagne-pain.
 

 

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