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CSG à sec : inquiétudes sur l’avenir de la protection sociale

Haniff Peerun, président du Mauritius Labour Congress, réclame une commission d’enquête pour faire toute la lumière sur la gestion de la CSG. Jane Ragoo, de la CTSP, dénonce une tentative de justification pour arrêter les allocations sociales aux travailleurs à faibles revenus. Kugan Parapen, Junior Minister de l’Intégration sociale, défend une réforme en profondeur du système, qu’il juge insoutenable à long terme.

La déclaration du Premier ministre, selon laquelle le fonds de la Contribution Sociale Généralisée serait « vide », a créé une onde de choc. Dans un contexte budgétaire tendu, cette sortie suscite des inquiétudes.

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L’annonce est tombée comme un couperet. En réponse à une question parlementaire, le mardi 13 mai, le Premier ministre Navin Ramgoolam a déclaré que le fonds de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) était désormais vide. Cette phrase a rapidement attiré l’attention des syndicats, de l’opposition et des analystes. Alors que des milliers de salariés à faible revenu bénéficient des allocations sociales liées à la CSG, cette révélation laisse présager un avenir incertain.

Pour comprendre l’ampleur du malaise, il faut revenir à la genèse du système. Remplaçant le National Pensions Fund (NPF) en 2020, la CSG est devenue la principale source de financement des allocations sociales, notamment celles versées aux travailleurs percevant le salaire minimum. Officiellement, les contributions de la CSG ne sont pas versées dans un fonds autonome, mais directement dans le Consolidated Fund, le trésor public de l’État. Cela implique une gestion globale des ressources, sans traçabilité spécifique à la CSG.

En réalité, cette déclaration ne surprend pas totalement certains observateurs. En 2023 déjà, l’ancien ministre des Finances Renganaden Padayachy avait signalé que les ressources allouées aux prestations sociales dépassaient les contributions perçues via la CSG. Autrement dit, le système s’essoufflait. Mais entendre le Premier ministre parler d’un fonds « vide », en pleine période prébudgétaire, a ravivé toutes les craintes.

Le premier à réagir a été Haniff Peerun, président du Mauritius Labour Congress. Pour lui, la déclaration du chef du gouvernement est « inacceptable », voire « manipulatrice ». « En tant que représentant des travailleurs, je me pose des questions fondamentales. Où est passée cette cotisation ? La CSG n’est pas un fonds autonome, alors comment peut-on dire qu’il est vide ? »

Haniff Peerun ne s’arrête pas là. Il réclame une commission d’enquête pour faire toute la lumière sur l’utilisation des sommes prélevées au titre de la CSG. « Les employés et les employeurs cotisent chaque mois. C’est inadmissible que ces contributions disparaissent dans un flou administratif. »

Même son de cloche du côté de Jane Ragoo, de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP). Pour elle, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un prétexte pour ne plus verser les allocations sociales. « L’argent est versé au Consolidated Fund, ce n’est pas une nouveauté. Mais venir aujourd’hui dire qu’il n’y a plus de fonds, alors que des familles dépendent de ces aides, c’est injuste », lance-t-elle.

Elle rappelle que les allocations ont permis à des milliers de familles de vivre dignement. « Un salarié rémunéré au salaire minimum, soit Rs 17 500, pouvait voir ses revenus grimper jusqu’à Rs 20 000 grâce à l’allocation. Cela représente une sécurité alimentaire. Retirer cela, c’est frapper les plus vulnérables », prévient-elle.

Un système à bout de souffle ?

Jane Ragoo va plus loin : « Cette déclaration ressemble à une stratégie de préparation psychologique. On prépare l’opinion publique à une décision impopulaire. Mais les faits sont têtus : même Ali Mansoor, ex-secrétaire aux Finances, a confirmé que des réserves existaient. Alors on ne peut pas se contenter d’un discours d’austérité sans explication. »

Face à cette levée de boucliers, certains membres du gouvernement justifient cette sortie comme un appel à la réforme. Kugan Parapen, Junior Minister de l’Intégration sociale, rappelle que la CSG, dans sa forme actuelle, n’a jamais été conçue pour être soutenable sur le long terme. « Depuis plusieurs années, nous tirons la sonnette d’alarme. Le système ne tient pas. On ne peut pas promettre des allocations sans sources de financement durables », soutient-il.

Il souligne que près de 30 % du budget national est absorbé par la sécurité sociale et estime qu’une réforme profonde est indispensable, avec la possible réintroduction du NPF, mais dans une forme adaptée aux réalités d’aujourd’hui. « Il faut aussi responsabiliser le secteur privé dans cet effort national. On ne peut plus fonctionner avec des rustines », fait-il comprendre.

Au-delà des chiffres, ce sont les conséquences humaines qui inquiètent. Depuis 2020, les allocations sociales versées via la CSG ont représenté un soutien essentiel pour des milliers de foyers. Dans un pays où l’inflation grignote le pouvoir d’achat, toute réduction ou suppression de ces aides pourrait provoquer une véritable onde de choc.

Les syndicats redoutent une montée des tensions sociales. « Nous sommes face à un risque réel de décrochage social. Des familles entières comptent sur ces allocations pour payer le loyer, envoyer les enfants à l’école, ou simplement manger à leur faim », martèle Jane Ragoo.

L’absence de transparence alimente la défiance. Si l’argent est collecté chaque mois, pourquoi ne pas publier régulièrement un rapport sur les flux financiers ? Pourquoi maintenir cette opacité sur la gestion du Consolidated Fund ?

Pour l’instant, le gouvernement reste flou. Aucune mesure concrète n’a été annoncée. Le Budget, attendu le jeudi 5 juin, devra impérativement apporter des réponses claires sur l’avenir des allocations CSG. Entre les revendications des syndicats, les impératifs budgétaires et les attentes des citoyens, l’exécutif joue une carte à haut risque.

Le modèle de protection sociale mauricien est à la croisée des chemins. La CSG, conçue comme un mécanisme solidaire, semble aujourd’hui engluée dans un flou budgétaire inquiétant. Si l’État veut préserver la paix sociale et la confiance des citoyens, il lui faudra jouer cartes sur table : transparence sur les flux, responsabilité politique et garanties pour les plus vulnérables. Le rendez-vous du Budget s’annonce crucial. Il ne s’agira pas seulement d’équilibrer les comptes, mais aussi de restaurer une cohésion sociale déjà fragilisée.

 

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