C’est indéniable : les lieux clos sont des vecteurs de transmission de la COVID-19. De nouvelles mesures de restriction ont certes été prises en limitant le nombre de personnes autorisées dans les mariages et les lieux de culte ou encore en maintenant les bars et les boîtes de nuit fermés. Quid des transports en commun bondés, surtout aux heures de pointe ?
Maurice a enregistré 46 décès liés à la COVID-19 en une semaine. Sans compter 45 admissions au New ENT Hospital et 392 patients positifs dans les hôpitaux. Une recrudescence qui s’explique notamment par la présence du variant Delta au sein de la communauté mais aussi par le relâchement constaté au niveau des gestes barrières. Depuis le vendredi 12 novembre, le gouvernement a instauré de nouvelles mesures de restriction afin de mitiger la propagation du virus, dans l’espoir de rompre la chaîne de transmission.
L’une d’elles a été de revoir le nombre de personnes autorisées à des rassemblements, dont les mariages et les lieux de culte. Ou encore d’interdire les pique-niques à la plage. Mais qu’en est-il des transports en commun, considérés par beaucoup comme de véritables clusters ambulants ? D’aucuns estiment qu’il est plus que de temps de songer à des solutions pour les désengorger, surtout aux heures de pointe.
Sans compter le non-respect des gestes barrières, comme la mode des masques sur le menton qui revient en force ou encore l’absence de distanciation physique entre certains passagers. Une situation qui donne parfois l’impression à ceux qui respectent les consignes qu’ils sont dans des nids à virus ambulants.
En route
Le Dimanche/L’Hebdo a emprunté ces transports en commun pour un constat. Masques sur le nez et la bouche, gel hydro-alcoolique en poche, nous sommes fin prêts à embarquer. Pointe de départ : Quatre-Bornes. Direction : Réduit. Nous prenons un autobus de la Compagnie nationale de transport (CNT) desservant la route 153 à destination de St-Pierre.
Assis à l’arrière de l’autobus, nous constatons que la distanciation physique est respectée. Les passagers, le chauffeur et le receveur portent tous des masques. En revanche, aucune trace de désinfectant pour les mains, normalement obligatoire à la porte d’entrée de chaque autobus comme imposé par les autorités.
De La Louise à St-Jean, pas de nouveaux passagers. Les feux passant au vert, le conducteur s’improvise une course sur le circuit de la route en chantier depuis que les travaux du Metro Express ont été entamés dans la ville des fleurs. Nous arrivons à Réduit en moins de 15 minutes. Nous descendons à la gare en face de l’université de Maurice.
Puis nous attendons un autre autobus pour nous rendre à Rose-Hill. Les passagers présents aux arrêts attendent patiemment et tous portent un masque tout en maintenant une distance des uns des autres. Une musique retentit au loin. Elle émane d’un autobus individuel à destination de Rose-Hill. Le receveur descend et hurle inlassablement : « Rose-Hill, la gare Rose-Hill. »
Aucun désinfectant
Nous montons les marches. Aucune trace de désinfectant pour les mains à l’entrée. Nous prenons place dans des sièges en veillant à respecter la distance sociale. Un petit regard à travers la vitre nous permet d’apercevoir deux femmes assises sur des sièges avant d’un autobus. Elles ont leurs masques rabaissés sur le menton et conversent sans gêne.
L’ironie veut que la chanson qui est diffusée à la radio au même moment est « À nos actes manqués » de Jean-Jacques Goldman. Elle ne pouvait pas mieux tomber. Nous poursuivons notre trajet vers Rose-Hill. En chemin, pas grand monde ne monte.
En arrivant à la gare, tout le monde descend. Nous en profitons pour échanger un brin de causette avec le chauffer pour lui demander si ce n’est pas obligatoire de placer du désinfectant à l’entrée ? « Oui. Ti ena. Pa kone kot li », répond-il.
Nous glissons une seconde question à laquelle il rétorque : « Ena respekte. Ena bien merd. Kan ou dir zot met mask, zot ankoler, sirtou bann gran dimounn ek zenes. Pourtan, zot mem pli vilnerab. Li pas korek. Sakenn bizin protez sakenn. »
Pour notre prochaine destination, c’est-à-dire Port-Louis, nous optons pour la ligne de Rose-Hill Transport. Nous patientons à un arrêt. Sur place, un inspecteur de la compagnie assigne des trajets aux chauffeurs et aux receveurs. Nous l’approchons et il confirme que ce ne sont pas tous les passagers qui respectent les gestes barrières à la gare et dans les autobus.
« La pena lekol. Sinon bann zenn la trap lamin marse avek mask lor zorey, dan pwagne ou lor manton. Ena ousi bann vie dimounn ki ankoler kan nou dir zot met mask. Bann ki al travay ena boukou ki met mask zis lor labous », dit-il. Il ajoute que bien que les receveurs et les chauffeurs rappelle à l’ordre les passagers, il y a des réfractaires. « Lot zour mem enn inn gagn kontravansion ar lapolis. Tou dimounn bizin responsab. Nou protez zot. Piblik osi bisin protez nou », soutient-il avant de vaquer à ses occupations.
Juste le temps pour nous de monter dans l’autobus qui nous conduira à Port-Louis. Assis dans des sièges du milieu, nous regardons dehors le temps qu’il redémarre. Plusieurs personnes avec des masques ont le nez à l’air. D’autres boivent et mangent tout en marchant sur le long de la gare avec des gens autour.
Quelques minutes plus tard nous mettons cap sur la capitale. La passagère assise sur le siège opposé aux nôtres écoute de la musique. Un petit flacon de gel hydro-alcoolique. Est accroché à son sac. Voilà le symbole de la nouvelle normalité.
Au fur et à mesure des arrêts, nous regardons si les gens qui y montent observent la distanciation physique. Le respect des gestes barrières est là. Serait-ce dû au fait que ce n’est pas l’heure de pointe ? Nous poursuivons ensuite notre trajet. Nous décidons d’aller à la gare du Nord qui est généralement remplie.
Cette fois, peut-être en raison de la fermeture des écoles et vu que ce ne sera l’heure de pointe que dans trois heures, pas grand monde sur place. Certains passagers attendent l’autobus. Ils sont masqués et se tiennent loin les uns des autres. En faisant le tour, nous rencontrons Kamaljeet, opérateur d’un autobus individuel.
« La plupart des gens portent un masque et respectent les consignes. Les gens qui nous causent le plus de problèmes sont les toxicomanes qui montent à bord des autobus. Ils sont souvent sans masque ou alors ils le portent n’importe comment. Quand nous leur passons la remarque, ils s’en prennent à nous », se désole-t-il.
Dans le métro
Nous prenons ensuite la direction de la station Victoria pour prendre le Metro Express, histoire de regagner au plus vite Quatre-Bornes. Sur place, nous patientons, car le train n’arrivera que dans 15 minutes. Les employés de Metro Express Ltd (MEL) font le va-et-vient, en aidant les passagers « novices » à acheter leurs tickets.
Un grincement de métal au loin nous fait prendre position pour valider notre ME Card en attendant l’ouverture des portes. Le train débarque ses passagers. D’autres y prennent place. Les désinfectants pour les mains sont très visibles à l’entrée. Il suffit d’appuyer dessus pour avoir les mains propres.
Coromandel, Beau -Bassin, Rose-Hill… Les passagers qui montent et qui descendent sont tous bien masqués, hormis quelques récalcitrants qui persistent à les porter sur le menton. En moins de trente minutes, nous arrivons à Quatre-Bornes. Notre road trip se termine par une rencontre avec une habitante de Beau-Bassin sur la gare de Quatre-Bornes.
Masquée, elle attend le bus pour se rendre à Floréal. Lieu où elle travaille depuis quelques années. Elle confie qu’à cause de la pandémie, elle sort de la maison une heure avant l’heure de pointe afin de ne pas se retrouver dans des autobus bondés. « Je le fais pour limiter les risques de contamination. Je suis à la lettre les consignes sanitaires. Mais c’est regrettable que tout le monde n’en fasse pas autant. Certains risquent leur santé tout en jouant avec la vie des autres », déplore-t-elle.
Dr Vasantrao Gujadhur : « Les risques de contamination sont plus grands lors des longs trajets »
La transmission du virus se fait par gouttelettes. Dans un espace clos tel qu’un autobus, tout le monde inspire et expire en même temps. D’où l’importance de laisser toutes les fenêtres ouvertes pour le renouvellement de l’air tout au long du trajet.
Cependant, il y a certains passagers qui les ferment pour ne pas avoir les cheveux dans le vent. « C’est une chose à ne pas faire. L’aération est primordiale, surtout aux heures de pointe. D’ailleurs, les risques de contamination sont plus grands durant les longs trajets », indique d’emblée le Dr Vasantrao Gujadhur, ancien directeur des services de santé publique.
Il ajoute que nul ne sait quelle est la quantité de charge virale dans l’air. De ce fait, il est important d’observer les gestes barrières : bien porter son masque et se désinfecter les mains en continu lors des trajets en autobus.
Pour ce qui est de la distanciation physique, il affirme que les 1 m 50 recommandés ne sont pas praticables en autobus et que la règle de laisser un siège libre sur chaque banquette n’est pratiquement pas observée aux heures de pointe. « Certains passagers ne portent pas correctement leurs masques et les enlèvent pour converser, boire de l’eau et manger lors des trajets en autobus », regrette-t-il.
Il souligne aussi que le gouvernement restreint le nombre de personnes autorisées dans un lieu de culte alors que dans les autobus qui sont des espaces clos, il autorise une plus grande concentration de gens. « Je me demande quelles sont les options trouvées pour désengorger les autobus qui sont souvent bondés ? » s’interroge-t-il.
En attendant une réponse, le Dr Vasantrao Gujadhur conseille aux passagers des transports en commun de bien se couvrir la bouche et le nez lorsqu’ils portent leurs masques. Il leur recommande d’éviter autant que possible de les enlever durant le trajet.
Le ministère de la Santé : «Pas plus de danger si on respecte les gestes barrières»
Est-ce dangereux de prendre les transports en commun, d’autant que le variant Delta ulttra-contagieux est présent au sein de la communauté ? Interrogée, une préposée du ministère de la Santé a répondu : « Pas plus de danger si on respecte les gestes barrières. »
Du côté du ministère du Transport, on affirme qu’il y a environ 2 000 autobus en circulation tous les jours et que c’est difficile pour les policiers d’être dans chacun d’eux pour sanctionner ceux qui enfreignent la loi de la quarantaine. Cependant, l’officier soutient que le ministère multiplie les opérations crack-down pour veiller au respect des consignes sanitaires tant par les opérateurs des autobus que pour les membres du public.
L’inspecteur Shiva Coothen, du Police Press Office, rappelle que la force policière déploie des unités pour s’assurer que les consignes sanitaires sont respectées dans les autobus. Il rappelle que la Fixed Penalty est de Rs 2 000 pour tout contrevenant. « Ceux qui font fi des autorités et opposent de la résistance seront arrêtés et placés en détention. L’affaire sera ensuite confiée à une cour de justice. La sanction prend la forme d’une amende allant jusqu’à Rs 500 000 et une peine d’emprisonnement de pas plus de cinq ans », conclut-il.
Nettoyage et désinfection des autobus
Quelle est la fréquence des désinfections des autobus au quotidien ? Rao Ramma, directeur de la CNT, indique que dès leur retour aux dépôts, ils sont lavés et désinfectés par une équipe de nettoyeurs. Il ajoute que la compagnie explore en ce moment de nouveaux moyens technologiques pour une meilleure désinfection.
« Nos Regional Managers font aussi des vérifications en continu pour s’assurer du respect des consignes sanitaires exigées par les autorités », dit-il. Rao Ramma ne nie pas que la coopération du public pour le maintien des gestes barrières dans les autobus revêt toute son importance.
Il invite tout passager qui décèle des lacunes dans le service de la CNT à ce niveau-là de faire part de leur doléance sur la page d’accueil de cnt.mu. « Nous ferons du mieux que nous pouvons pour remédier à la situation dans les plus brefs délais », conclut-il.
Viraj Nundlall, Managing Director de Triolet Bus Service, confirme que la coopération du public est nécessaire pour la sécurité des employés du transport en commun et des passagers. Il indique que tous les jours, ses autobus sont lavés et désinfectés dès leur retour dans les garages. Il précise que des étiquettes rappelant l’importance du respect des gestes barrières sont clairement affichées dans les autobus pour sensibiliser le public. « Si tout le monde agit de façon responsable, nous parviendrons à rompre la chaîne de transmission de la COVID-19 », dit-il.
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