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Conflit russo-ukrainien : la sécurité alimentaire à Maurice est-elle menacée ? 

La sécurité alimentaire locale peut être menacée, parce qu’aucun produit n’est épargné par la flambée des prix.

Le marché mondial est volatile à cause de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La sécurité alimentaire locale peut être menacée, puisqu’aucun produit n’est épargné par la flambée des prix. 

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Selon la Food and Agriculture Organization (FAO), plusieurs millions de personnes dans le monde pourraient être concernées par la famine. D’ores et déjà, des producteurs de grains en Ukraine ont remplacé certains semis de maïs et d’oléagineux par des semis supplémentaires de sarrasin, d’avoine ou encore de millet, afin de répondre aux besoins du marché. 

Le facteur macroéconomique, notamment l’inflation, l’insécurité alimentaire, la hausse des prix, le manque d’engrais, l’impact financier de la crise de Covid-19, sont autant d’enjeux pour les agriculteurs et producteurs locaux. En sus de cela, l’aggravation du conflit russo-ukrainien peut déstabiliser le marché local. 

Vinay Kanhye, entrepreneur, est persuadé que la guerre aura un impact direct, à la fois sur la disponibilité des produits importés et sur l’escalade des prix.

À titre d’exemple, sur le plan local, plusieurs opérateurs de différents secteurs d’activité sont actuellement confrontés à l’impact financier ou à la rareté de certains produits. Une société importatrice de riz confirme qu’elle dispose d’un stock pour deux mois et qu’elle craint qu’il y ait une pénurie de certains produits, si le conflit persiste dans les semaines à venir. Face à l’inflation, la dévaluation de la roupie mauricienne, le conflit russo-ukrainien, le prix de plusieurs commodités pourrait augmenter, et c’est le consommateur mauricien qui va payer les pots cassés, prévient un importateur de renom. 

Sollicité pour un commentaire, un haut cadre du ministère de Commerce explique qu’il suit cette situation de près. « Nous partageons de bons liens commerciaux avec divers pays et il n’y a aucune pénurie de produits. De plus, assurer la sécurité alimentaire est la priorité du gouvernement. Nous avons des produits de substitution et certaines marchandises sont même subventionnées pour aider les consommateurs en cette période économique difficile », indique-t-on.

Secteur agricole dans le rouge 

Vivek Bhujun, directeur de Fresh Veggie Ltd, concède que la Russie est l’un des principaux fournisseurs d’engrais au monde. Il fait ressortir qu’avec la guerre en cours, certains planteurs ont déjà commencé à ressentir une pénurie d’engrais à Maurice et cela entraînera une augmentation du prix des engrais, parce que la demande est en hausse. Du coup, l’offre, dit-il, sera très réduite. Il évoque d’autres difficultés, notamment l’augmentation du taux de change, qui affectera le prix de tous les intrants agricoles. Notre interlocuteur souligne que « le coût de production a déjà triplé depuis l’éclatement de la pandémie de Covid-19, et maintenant, il va encore augmenter, rendant ainsi le secteur agricole dans le rouge. »

Pour sa part, Shemida Ramdewar-Emrith, présidente de la Vegetables & Fruits Auctioneers Association, affirme que le conflit russo-ukrainien est définitivement une menace pour le secteur agricole, que ce soit à Maurice ou dans le monde. Elle rappelle que la Russie est un important exportateur de gaz naturel, qui est un intrant clé pour la production d’engrais d’azote. L’azote, plus connu comme « Nitrogen », est un nutriment très important pour les plantes. Il est utilisé en grande quantité dans les fertilisants, tels que le NPK, 13-13-20, souligne-t-elle. La Russie, suivie de près par la Chine, sont les principaux exportateurs de fertilisants dans le monde. Elle déplore qu’avec la pandémie, les prix des fertilisants ont flambé, coûtant presque quatre fois le prix initial. 

Du côté de l’offre, les perturbations climatiques ont causé des dégâts dans le secteur agricole, se désole Vivek Bhujun. Quid des semences agricoles importées ? Il précise que « la plupart des semences que nous obtenons à Maurice proviennent de l’Afrique du Sud, d’Australie, des Pays-Bas, de l’Inde et de Chine. Il n’y aura donc pas de pénurie, mais le prix des légumes augmentera à cause des enjeux économiques. »

Manque de planification

Les associations de consommateurs préviennent qu’il y aura des problèmes d’approvisionnement, surtout pour les produits venant d’Ukraine. D’où l’importance d’avoir un mécanisme pour soutenir les importateurs et les consommateurs. Cela, afin d’éviter d’éventuelles pénuries de denrées alimentaires.

Vinay Kanhye déplore, lui, un manque de planification et de vision à long terme pour réduire les importations. En plus de cela, la chute de la roupie fera grimper le prix de toutes les matières premières. Il craint que les denrées alimentaires de base, comme le riz, les céréales, les engrais, et la farine, ne deviennent non seulement très chères, mais aussi rares. Son souhait est que cette guerre se termine bientôt. Sinon, il pourrait y avoir à la fois des gens qui meurent à la guerre et de la famine. Ce dernier estime qu’il est important d’encourager la production locale et de diminuer les importations de denrées alimentaires pendant la crise économique et la guerre.

Kevin Teeroovengadun :  Miser sur la production locale

Du point de vue économique, la priorité absolue du gouvernement devrait être la sécurité alimentaire. Kevin Teeroovengadum, économiste, estime qu’il faut investir dans la production locale, notamment dans l’agriculture et les fruits de mer, afin de soutenir la sécurité alimentaire. 

Compte tenu d’une envolée des prix, Kevin Teeroovengadum juge important de promouvoir la transformation des aliments. Aussi, d’inciter les hôtels à acheter des produits locaux, soutenant ainsi la production locale. L’économiste estime qu’il faut miser sur les relations commerciales de gouvernement à gouvernement, avec des pays spécifiques en Afrique, comme la Zambie, qui a des terres très fertiles et où les Mauriciens peuvent faire de l’agriculture à grande échelle et ensuite vendre les produits agricoles. Cette mesure contribuera à renforcer la sécurité alimentaire à Maurice, selon lui.

Chiffres à retenir 

  • Le prix d’un sac de 25 kilos d’engrais NPK était de Rs 600 avant l’éclatement de la pandémie de Covid-19. Maintenant, ce même produit coûte environ Rs 1 500. 
  • Le prix du sulfate d’ammonium avant la Covid-19 était de Rs 250 pour 25 kilos. Désormais, il est à Rs 800. 
  • La Russie et l’Ukraine sont d’importants pays producteurs d’engrais. S’agissant des engrais minéraux ou chimiques (contenant de l’azote, du phosphore et/ou du potassium) en provenance de la Russie, notre pays a importé 293 383 kilos pour un montant d’environ Rs 9 303 985. Par ailleurs, Maurice a importé 1 867 509 kilos de légumineuses pour la somme de Rs 39 498 441 depuis l’Ukraine en 2021. Autres données : les importations russes en provenance de Maurice se sont élevées à 8,28 millions de dollars américains en 2020, selon la base de données COMTRADE. 
 

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