Dans ce contexte exceptionnel causé par la Covid-19, la question de la compensation salariale devient plus sensible que jamais. Si le patronat n’est pas en mesure d’avancer un montant pour la hausse des salaires à partir de janvier 2021, les représentants des syndicats, eux, proposent une compensation variant entre Rs 500 et Rs 700. Mais, c’est le gouvernement qui devra trancher ! La réponse est attendue ce mercredi 24 novembre.
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Le ministre du Travail, Soodesh Callichurn a rencontré, lundi 23 novembre 2020, des représentants du patronat et des dirigeants syndicaux à la Victoria House, Port-Louis. C’était lors de la réunion du comité technique sur la compensation salariale, présidée par le ministre lui-même. « Cette réunion s’insère dans le cadre des consultations tripartites pour déterminer le montant de la compensation salariale, qui sera effective à partir de janvier 2021 », a-t-il fait ressortir.
Le ministre Callichurn a souligné que « cet exercice a permis aux représentants de différents syndicats de soumettre leurs propositions sur le montant de la compensation salariale et aussi d’être à l’écoute du patronat ». Les participants à cette réunion auront jusqu’à mercredi pour soumettre leurs propositions. « Ainsi, une décision finale sur la compensation salariale sera prise ce mercredi 25 novembre », a-t-il déclaré. Il est bon de faire ressortir que la dernière hausse des salaires annoncée en fin 2019 était fixée à Rs 300.
L’inflation pour l’année 2020 est estimée à 2,7 %. Le taux a été annoncé par la directrice de Statistics Mauritius, Li Fa Cheung Kai Suet, lors de la réunion du comité technique sur la compensation salariale. C’est à partir de ce taux d’inflation que la compensation salariale, qui sera effective à partir de janvier 2021, sera calculée.
Taux d’inflation depuis 2010
Année | Taux d’inflation |
---|---|
2010 | 2,9% |
2011 | 6,5% |
2012 | 3,9% |
2013 | 3,5% |
2014 | 3,2% |
2015 | 1,3% |
2016 | 1% |
2017 | 3,7% |
2018 | 3,2% |
2019 | 0,5% |
2020 | 2,7% |
Source : Statistics Mauritius |
Questions à...Pradeep Dursun, COO de Business Mauritius : «Nous ne sommes pas en mesure d’avancer un chiffre»
Les consultations se poursuivent sur la compensation salariale au niveau de Business Mauritius, indique Pradeep Dursun, Chief Operating Officer (COO) de la fédération patronale. Il évoque aussi la question du paiement du boni de fin d’année.
Les négociations tripartites, pour déterminer le quantum de la compensation salariale, sont lancées. Quelle est la position de Business Mauritius à ce sujet ?
Lors de la réunion du comité technique sur la compensation salariale ce lundi 23 novembre, le bureau de Statistics Mauritius a indiqué que le taux d’inflation pour 2020 s’élèvera à 2,7%, un chiffre qui correspond plus ou moins aux prévisions de Business Mauritius. Lors de son intervention, le ministre du Travail a rappelé que la situation économique est difficile. Dans un tel contexte, la question sur la compensation salariale nécessite une approche plus large. Au niveau de Business Mauritius, les consultations se poursuivent. Je dois faire ressortir que certains secteurs sont bien affectés alors que dans d’autres secteurs, il y a déjà une reprise. Toutefois, il y a toujours des secteurs qui sont quasiment à l’arrêt. Pour l’heure, dans ce contexte difficile, nous ne sommes pas en mesure d’avancer un chiffre pour la compensation salariale. Mais, nous allons rencontrer nos membres de nouveau ce mardi pour prendre une position finale que nous communiquerons lors de la réunion prévue ce mercredi.
Les représentants des syndicats proposent une compensation variant entre Rs 500 et Rs 700. Est-ce réalisable ?
Effectivement, les syndicats ont avancé des montants pour la compensation salariale. Mais nous n’avons pas trop compris leurs calculs et justifications. Mais il y aura d’autres syndicats qui feront connaître leurs propositions ce mercredi. Quelque part cela démontre que dans un contexte difficile, ce n’est pas facile de faire une proposition. Il faut qu’il y ait une solidarité lorsqu’il s’agit de la compensation salariale.
Plusieurs petites et moyennes entreprises ont fait part de leur incapacité à payer le boni de fin d’année. Vos commentaires ?
Certainement pour les PME, la situation financière est encore plus difficile. D’ailleurs, nous avons déjà fait le point avec le gouvernement. L’État doit considérer le cas des PME et leur apporter le soutien nécessaire au cas où il y a un montant de compensation salariale que ces entrepreneurs ne seront pas en mesure de payer.
Qu’en est-il pour les grosses entreprises ?
Il est bon de faire ressortir que le boni de fin d’année est une obligation. Mais il faut aussi comprendre que 2020 est une année difficile. Il n’y a pas eu 12 mois de travail. Ainsi, je pense que nous devons tous être pragmatiques sur la question du boni de fin d’année. Il faut trouver des formules adaptées dans le contexte actuel. Il faut souligner que plusieurs pays ont pris des mesures exceptionnelles pour ne pas payer le boni de fin d’année pour 2020.
Ce qu’ils en pensent
Jayen Chellum : « Il faut instaurer le contrôle des prix »
Le secrétaire-général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (Acim), Jayen Chellum, reconnaît que Maurice traverse une crise économique sans précédent avec la Covid-19. Il parle de « manque de visibilité » pour une reprise dans plusieurs secteurs d’activité, notamment le tourisme. « Dans la conjoncture actuelle, je vois mal comment le gouvernement peut accorder une compensation salariale », dit-il. Jayen Chellum trouve que « la solution se trouve dans un contrôle des prix sur toute une gamme de produits » pour protéger surtout les plus vulnérables de la population. « Le gouvernement doit aller au-delà des tripartites en réunissant les différents secteurs, avec la protection des consommateurs en ligne de mire aussi bien que la relance économique et la création d’emploi » affirme-t-il. Par ailleurs, il plaide pour que le gouvernement vienne en aide aux personnes qui ont fait des achats à tempérament, qui ont fait l’acquisition d’un véhicule en leasing et qui ne peuvent rembourser leurs dettes.
Raj Appadu : « À moins que le GM nous vienne en aide »
Le président du Front commun des commerçants de l’île Maurice, Raj Appadu, craint fort que plusieurs petits commerces ne soient dans l’incapacité de payer la compensation salariale et même le boni de fin d’année. « Nous passons par une situation très difficile. Nos chiffres de vente ont chuté par plus de 80 % et nous peinons vraiment à maintenir à flot nos entreprises. Accorder la compensation salariale et le boni de fin d’année serait catastrophique à moins que le gouvernement nous vienne en aide », dit-il.
Les syndicats
Du côté des syndicats, on persiste et signe. La compensation salariale doit impérativement être payée. Ci-dessous leurs arguments !
Ashok Subron : « Une obligation légale »
Le conseiller technique de la General Workers Federation (GWF) réfute l’argument de Business Mauritius à l’effet que le patronat n’est pas en mesure de payer la compensation salariale à cause de la Covid-19. « C’est justement en raison de la Covid-19 que nous insistons pour l’octroi d’une compensation salariale, car le pouvoir d’achat des travailleurs s’est considérablement effrité », argue-t-il. Il regrette que le ministre du Travail, Soodesh Callichurn n’ait pas réagi face à la position patronale, car « la clause 33 de la Workers’ Right Act stipule clairement que les travailleurs ont droit à une compensation salariale ». « C’est une obligation légale » dit-il. Et d’ajouter : « Pas question que la Banque centrale donne des milliards à des ‘gro bone’ à travers la Mauritius Investment Corporation (MIC) et que les employés subissent les frais en termes de compensation salariale », avance Ashok Subron.
Atma Shanto : « Le Premier ministre doit présider le comité tripartite »
Le président de la Fédération des Travailleurs Unis (FTU), Atma Shanto, trouve qu’une inflation estimée à 2,7 % ne reflète pas la réalité. « Durant le confinement, les consommateurs ont été assommés par des prix exorbitants. Ce qui a amoindri considérablement leur pouvoir d’achat », dit-il. Le syndicaliste lance un appel pour que ce soit le Premier ministre, Pravind Jugnauth, qui préside le comité tripartite de ce mercredi « dans l’intérêt des travailleurs ».
Clency Bibi : « Que les consultations tripartites soient reportées »
Le président de la Confédération syndicale de gauche-Solidarité, Clency Bibi, estime que l’octroi d’une compensation salariale aux salariés et pensionnaires est justifié. « La dépréciation de la roupie vis-à-vis du dollar et de l’euro a provoqué une hausse des prix des produits importés », fait-il ressortir. Il avance que ce sont « surtout les plus démunis de la société qui souffrent le plus de cette situation car ils dépensent le plus gros pourcentage de leurs revenus dans l’achat de la nourriture ». En sus, il trouve « illogique » que les négociations tripartites aient lieu à un jour d’intervalle. « Il serait préférable que les consultations tripartites de ce mercredi soient reportées à la semaine prochaine », recommande-t-il.
Deepak Benydin : « Pas d’accord avec un taux d’inflation de 2,7 % »
Le président de la Federation of Confederation of Independent Trade Unions (CITU), Deepak Benydin justifie l’octroi d’une compensation salariale en soutenant que « le prix de plusieurs articles a considérablement augmenté durant et après le confinement ». Il craint fort que plusieurs items, dont l’achat de masques, les frais d’électricité et d’Internet pour les salariés qui font du télétravail, n’aient pas été pris en considération dans le panier du calcul de l’inflation. « Si je prends toutes ces données en considération, je ne suis pas d’accord avec un taux d’inflation de 2,7 % », avance le président syndical.
Reeaz Chuttoo : « Il y a des moyens pour payer une compensation salariale »
Selon Reeaz Chuttoo, le porte-parole de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP), « les employés devraient recevoir une compensation de Rs 500. Avec la récession, de nombreuses personnes luttent pour leur survie. Il y a des moyens pour payer la compensation salariale », dit-il. D’ailleurs, il avance que pendant le confinement, les employeurs n’ont pas payé les 3 % du National Pensions Fund pour ceux qui touchent jusqu’à Rs 38 000. « Cet argent est resté dans les caisses et peut ainsi être utilisé pour payer la compensation salariale », propose-t-il.
Radhakrishna Sadien : « Important d’arriver à un consensus »
Le président de la State Employees ‘ Federation (SEF), Radhakrishna Sadien, souhaite que le gouvernement, le patronat et les syndicats arrivent à un consensus sur une compensation salariale raisonnable en vue de soulager les travailleurs. « Le gouvernement doit aussi s’assurer que la condition de la classe moyenne et de ceux au bas de l’échelle s’améliore davantage avec le quantum qui sera choisi », dit-il. Pour lui, le dialogue social est important dans le développement économique du pays.
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