À deux mois de la fin de 2017, les gérants des magasins font mine grise après de longs mois difficiles. Ils attendent sans trop d’espoir les fêtes de fin d’année pour se refaire une santé.
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Aux deux facteurs qui reviennent toujours dans la bouche des opérateurs, à savoir l’érosion du pouvoir d’achat et une population endettée, il faut désormais ajouter l’impact des food-courts qui exercent une véritable fascination sur les consommateurs. Une gérante de magasin aux arcades Salaffa, à Curepipe, a fait observer que les centre commerciaux du pays, que ce soit dans le Nord, le Centre ou l’Est ont créé une certaine dynamique dans les pratiques commerciales, en se mettant au diapason avec le développement du pays.
« Avec le parking, les zones wi-fi, les food-courts et l’animation, ces centres permettent désormais aux Mauriciens d’avoir un choix et un espace qui leur donnent l’impression de vivre comme les Européens. Le food-court est devenu un espace convivial, où se côtoient indistinctement toutes les communautés et toutes les couches sociales du pays. Les food-courts exercent un effet domino sur le shopping dans ces centres qui, à leur tour, profitent de l’affluence pour offrir des promotions. Pour certains Mauriciens, il est plus valorisant d’acheter un même produit dans une grande galerie commerciale que dans un magasin », souligne la gérante de magasin aux arcades Salaffa. Les difficultés qu’elle rencontre affectent presque l’ensemble des autres magasins des arcades Salaffa, selon notre intervenante.
Croissance démographique
« Depuis que ces arcades existent, il y a eu des départs et l’arrivée de nouveaux opérateurs. Ce qui plombe encore plus la situation dans notre milieu, c’est la concurrence locale et aussi les achats sur Internet », explique la gérante. La croissance démographique est trop minime pour accommoder autant d’opérateurs, fait-elle ressortir. Quant au profil de la clientèle, bien qu’il ait rajeuni en raison du nombre de femmes au travail, il n’a pas véritablement permis de booster les ventes. « À l’inverse des produits alimentaires vendus dans les restaurants, dans les food-courts ou dans les rues, ni le prêt-à-porter, les chaussures ou les produits de beauté ne sont des nécessités de base qu’il s’agit d’acquérir tous les mois. »
Le Mauricien est devenu plus conscient de ses priorités, au rang desquelles il range en nombre décroissant la santé, l’éducation des enfants et l’alimentation. Directeur de deux magasins, l’un à Rose-Hill et l’autre à Curepipe, un opérateur explique que le Mauricien a commencé à établir un budget mensuel dès qu’il perçoit son salaire. « Il y a une trentaine d’années, Maurice vivait le miracle économique, une époque où la consommation avait permis la relance des affaires et les Mauriciens pouvaient alors économiser. Mais depuis une dizaine d’années, après la crise économique mondiale de 2007-2008, le temps est à la prudence. Les Mauriciens réfléchissent avant de dépenser. Ils vont à l’essentiel. J’ai vu cela à l’occasion de la fête Divali, pendant laquelle nous n’avons pas réalisé le même chiffre d’affaires que les années précédentes. En fait, tout stagne. »
Chez une famille de Curepipe, où Divali était synonyme de grosses dépenses en vêtements, gâteaux et lumières, cette année, les achats ont été revus à la baisse. Les saris et churidars sont passés à la trappe, les gâteaux et les lumières étant les seuls épargnés par une farouche volonté de limiter les dépenses. « J’ai deux enfants, dont un en bas âge et l’aînée à l’école. Il me faut penser à leur avenir », explique leur père, trentenaire et qui s’est mis à son compte dans le business du nettoyage d’entreprises.
« Deux cellulaires »
À Rose-Hill, près du Plaza, une magasinière estime que l’érosion de sa clientèle est attribuable à la variation des dépenses des Mauriciens pour des services qui sont apparus ces dix dernières années. « Il faut compter l’abonnement aux chaînes de télévision par satellite, au service Internet, les cartes prépayées. De nombreux Mauriciens possèdent, aujourd’hui, deux cellulaires qu’il faut alimenter chaque semaine. Ils doivent forcément économiser sur d’autres dépenses et, à leurs yeux, c’est le vestimentaire qui n’est pas nécessaire. » Dans son dernier relevé de la consommation, la Consumer Advocacy Platform estime le caddie super à Rs 4 739,15, mais ce chiffre n’incluait ni légumes, ni fruits. Or, ces produits comptent beaucoup dans un pays qui détient un des plus forts taux en matière de diabète et d’hypertension. « Les dépenses en santé, explique la magasinière, ont augmenté considérablement car les Mauriciens sont de plus en plus conscients de leur santé. »
L’année 2018 annonce-t-elle une reprise des affaires dans ce milieu ? Si certains opérateurs fondent leurs espoirs sur la desserte du Metro Express, afin de redynamiser les affaires, d’autres n’y voient aucune amélioration aussi longtemps que les dépenses, principal moteur de croissance, resteront à un niveau bas. « Nous sommes entrés dans une tendance irréversible où la consommation, telle que nous l’avons connue, n’est plus pareille. Les achats en ligne vont augmenter en raison de la diversité de produits offerts, de leurs prix, ce qui compensent leur retard de livraison. Mais la nouvelle génération va apprendre à s’y conformer, et les familles, elles, vont devenir encore plus prudentes aux dépenses. »
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