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Cinq cas de violence domestique en 24 heures - Christelle Bégué : «Il y a un problème dans l’application de la loi»

Violence domestique
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Ce lundi 25 novembre marque la journée mondiale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Une occasion de mettre en lumière le drame que vivent certaines Mauriciennes. Les chiffres interpellent.

En 24 heures, le dimanche 17 novembre, cinq femmes, victimes de violence domestique, ont porté plainte. « Il y a un problème dans l’application de la loi sur la violence domestique et la majorité du temps, ce sont des femmes qui sont victimes », explique Christelle Bégué, porte-parole de l’organisation non-gouvernementale Passerelles.

Les femmes sont plus susceptibles d’être victimes de violence domestique. En 2018, sur  les 1 527 nouveaux cas de violence domestique signalés au ministère de l’Égalité des genres, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille, 84,6 % étaient contre des femmes. Le nombre de nouveaux cas de violence domestique à l’égard des femmes est passé de 1 483 en 2017, à 1 292 en 2018. Par ailleurs, le nombre d’hommes victimes de violence domestique est passé de 220 à 235 durant la même période.

Christelle Bégué.
Christelle Bégué.

Christelle Bégué y voit un problème dans l’application de la loi concernant les cas de violence domestique. « Bien que nous ayons à Maurice une loi concernant la violence domestique », souligne-t-elle. Sauf que « nous avons l’impression qu’il y a beaucoup d’impunité au niveau de la justice. Les jugements ne sont pas appliqués sévèrement », poursuit-elle.

La porte-parole de l’ONG Passerelle ajoute que les autorités qui négocient directement avec les victimes, comme la police, ne prodiguent pas l’assistance nécessaire à ces femmes. Elle avance une petite anecdote comme preuve.

« Il y a deux jours, nous avons reçu au centre une femme victime de violence de son époux. Elle nous a expliqué qu’elle s’était d’abord rendu au poste de police de sa localité Lorsqu’elle a présenté son ‘Interim Protection Order’, qui expire le 21 décembre 2019, aux policiers, ces derniers lui ont dit ‘madam sa dokiman la pa valid’. C’est un comportement courant de certains policiers, dit-elle. Les informations nécessaires ne sont pas communiquées à la victime et très souvent, ces victimes ne connaissent pas leurs droits. »

Il existe trois types de protection concernant la section violence domestique dans le code pénal mauricien : le Protection Order, qui est appliqué lorsque l’époux et l’épouse habitent sous le même toit. Ensuite, le Tenancy Order, c’est lorsque le couple habite dans une maison en location. Sous cette protection, si jamais l’époux ou l’épouse faute, le magistrat peut ordonner à l’accusé de céder la place à la victime.

Finalement, la troisième protection est l’Occupational Order, quand le propriétaire de la maison est soit l’époux ou l’épouse. C’est l’accusé qui doit obligatoirement laisser la maison à la victime. « Sauf que lorsqu’on regarde les chiffres de Statistics Mauritius, nous voyons uniquement ceux concernant la Protection Order et rien du côté de la Tenancy Order et l’Occupational Order », fait-elle ressortir.

Est-ce que les campagnes de sensibilisation et de dénonciation suffisent ? À cela, elle répond « li pa ase ziss dir denonse ! Il faut pouvoir prendre en charge les problèmes qui suivent. Veiller à ce la victime ait un toit, qu’elle ait un emploi et si c’est une mère qui a la garde de ses enfants, que ces derniers soient transférés à un autre établissement scolaire. Car dans la plupart des cas, ce sont les femmes qui sont victimes de violence domestique et qui fuient le toit conjugal. »

Le dimanche 17 novembre, cinq femmes portent plainte pour violence domestique

  • Il est 16 heures, au poste de police d’Abercrombie. Une vendeuse de 41 ans, habitant la capitale, porte plainte contre son époux, 45 ans. À la suite d’une dispute qui a eu lieu la veille, concernant la relation extraconjugale du mari, l’époux lui a infligé plusieurs coups-de-poing à l’abdomen de la femme. Ensuite, l’époux a saisi un couteau de cuisine et l’a menacée.
  • À 10 heures, au poste de police d’Abercrombie. Une commerçante, âgée de 58 ans, de Vallée-des-Prêtres, porte plainte contre son époux de 60 ans. Elle détient un ‘Protection Order’ qui expire le 21 décembre 2019, mais cela n’a pas empêché son époux de l’agresser verbalement et physiquement, le samedi 16 novembre.
  • À 20 heures, au poste de police de Bain-des-Dames. Une femme de 33 ans porte plainte contre son ex-concubin, avec qui elle a vécu pendant dix ans. Cela fait six mois depuis que la femme a décidé de faire ménage à part, car elle subissait la violence du concubin. Le dimanche 17 novembre, alors qu’elle marchait sur la voie publique, son ex-concubin l’a abordée et après une discussion, il lui a donné plusieurs coups-de-poing à la tête et au visage.
  • À 22 heures, au poste de police de Pope-Hennessy. Une femme de ménage, âgée de 42 ans, habitant la région de Tranquebar, porte plainte contre son concubin de 28 ans, qui est aussi le père de ses deux enfants. La femme de 42 ans explique que son concubin, qui était sous l’influence de l’alcool, lui a donné des coups au visage. Face aux enquêteurs, elle a avoué que cette situation dure depuis quelques années.
  • À 11 heures, une mère de 68 ans, est frappée son fils de 41 ans. Ils habitent la région de Pointe-aux-Sables. Après une discussion concernant une affaire d’argent, le fils a infligé un coup-de-poing et plusieurs gifles à sa mère. Cette dernière a rapporté l’affaire à la police de la localité, dans la nuit du dimanche 17 novembre.

L’article 13 de la Protection from Domestic Violence (Amendment) Act stipule que :

Toute personne qui commet un acte de violence domestique commet une infraction et sera passible –

a) à la première condamnation, d’une amende ne dépassant pas Rs 50 000 ;

b) à une seconde condamnation, d’une amende maximale de Rs 100 000 et d’une peine d’emprisonnement  n’excédant pas deux  ans ;

c) à la troisième condamnation ou à une condamnation subséquente, à une peine d’emprisonnement ne dépassant pas cinq ans.


Histoire vécue : l’impact de la violence conjugale sur Preety

Preety
Les blessures de Preety.

Preety, 30 ans, qui habite le Sud, est un exemple vivant du drame des violences conjugales. Cette mère de famille, mariée pendant treize ans, a sombré dans un tel état dépressif que ses proches ont décidé de la récupérer chez son époux. Elle s’était trouvé prisonnière conjugale, préférant souffrir en silence.

Plusieurs cicatrices sur les mains et le corps témoignent du calvaire qu’elle a subi, au point d’en perdre ses facultés mentales. Aujourd’hui elle dit à peine quelques mots à cause du traumatisme vécu. Elle préfère se refermer sur elle-même et laisser ses proches dévoiler la vie infernale qu’elle a vécue.

En 2006, après être tombée éperdument amoureuse d’un garçon de sa localité, Preety, âgée de 17 ans, dit oui pour le meilleur et pour le pire en épousant un maçon âgé de 23 ans. Elle pensait, avec lui, bâtir la maison du bonheur.  Malheureusement, son mariage se résume à la soumission, l’intimidation et au martyre.  

Pendant la première année de vie commune, tout se déroule à merveille au sein de ce couple. Mais après la naissance de son premier enfant, le comportement de son époux a changé. Il ne travaille qu’occasionnellement, consomme de plus en plus d’alcool et se montre violent envers elle. « Li ti koumans bat mwa kan mo dir li aret bwar kumsa. Mo pa ti less person kone. Li bat moi bokou mem », raconte Preety.  

Calvaire

Durant les années suivantes, elle a été victime de violence conjugale, mais n’a jamais mis ses proches au courant. Elle vivait avec ses beaux-parents qui n’acceptaient pas non plus la façon dont leur fils traitait leur bru, mais comme il s’agissait d’une affaire de ménage, ils ont préféré se taire.

En plus de son caractère violent, selon les proches de Preety, son époux était aussi un coureur de jupons et il lui arrivait de s’absenter de la maison pendant tout un week-end. Et pas question pour Preety de poser des questions à son époux pour savoir où il était. La réponse se fait connaître sous forme de coups qui lui laissent souvent des ecchymoses.  

« Parfwa li bat mwa, li pous mwa met moi deor e mem kraz pla lor mwa. Li dir si to al lapolis mo fini twa. Mo ti byen per. Li pa kontan mwa li zis bat mwa et abuz mwa sexuelman mem devan mo zanfan », ajoute-t-elle.

Elle vit ses drames jusqu’en 2015 quand sa belle-mère téléphone à sa mère pour tout lui dévoiler. « Li dir mwa vinn tir mo tifi isi, li pe gagn tro bate. So mari pou touy li enn zour », raconte la mère de Preety. C’est alors que les parents découvrent le calvaire de leur fille et viennent la récupérer.

Ils la conduisent au poste de police où elle porte plainte pour violence domestique. Mais Preety ne se remet pas de ses blessures conjugales et elle sombre dans la dépression pour finalement commencer à suivre des traitements à l’hôpital Brown-Séquard. Son époux lance la procédure de divorce et abandonne même ses droits de paternité. En 2019, le divorce est prononcé et Preety et ses deux enfants vivent avec ses parents.

Elle est considérée comme une personne invalide et bénéficie d’une pension. « Noun deza trouv mark koupe lor li, li dir linn grife. Apre li racont nou linn gagn bate ar so missie. Mem li kass so latet pa amen li lopital. Li gard sabre anba li li pou intimid Preety », dévoile la mère.

Les proches de Preety comptent aujourd’hui entamer des procédures légales pour récupérer la moitié des biens de l’époux, car ils étaient mariés sous le régime de la communauté de biens.  

« So mari fini remarie e kan zot ti ansam zot mont lakaz e mo tifi olie finn konstrir enn lavenir meyer finn retourn kote nou san nanien, me plito li vinn fol avek bate, nou oule la zistiss », poursuit la mère de Preety.

 

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