L’année 2024 a été la plus chaude de la décennie. Les températures extrêmes et les perturbations climatiques ont déjà des conséquences concrètes sur notre île, avec des sécheresses prolongées et une chaleur persistante. Les prévisions pour les prochains mois ne sont guère réjouissantes.
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C’est un fait : les températures augmentent à un rythme alarmant. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) a confirmé que 2024 a été l’année la plus chaude de la dernière décennie, avec une hausse moyenne de température d’environ 1,55 °C (voir plus loin). Cette situation témoigne d’un réchauffement climatique accéléré.
Maurice, comme de nombreuses autres régions du globe, subit de plein fouet les conséquences de ce réchauffement. Les périodes sèches – comme c’est le cas actuellement – se prolongent, les précipitations diminuent et l’intensité des cyclones dans l’océan Indien s’accroît. Toutefois, ces cyclones ne toucheront pas systématiquement les terres habitées, comme l’a souligné le directeur adjoint par intérim des Mauritius Meteorological Services (MMS), Renganaden Virasami.
Dans son résumé des températures pour l’année 2024 et ses prévisions pour janvier à mars 2025, les MMS sont explicites. Les derniers rapports des centres météorologiques mondiaux indiquent la persistance de faibles conditions La Niña sur le Pacifique équatorial jusqu’à février-avril 2025 (59 % de chances), suivie d’une transition probable vers un état neutre ENSO entre mars et mai 2025 (60 % de chances). Cette situation affecte également l’océan Indien, avec des prévisions de températures de surface de la mer plus chaudes que la normale et une pression atmosphérique proche de la moyenne dans notre région pour janvier à mars 2025.
Impacts météorologiques significatifs
Une hausse moyenne de 1,55°C peut sembler minime, mais ses implications météorologiques et scientifiques sont considérables. « Quand on parle d’une hausse de température de 1,55°C, il s’agit de la moyenne, ce qui signifie que les extrêmes ont augmenté encore plus », explique Renganaden Virasami. Par exemple, une température de 33°C à Port-Louis peut atteindre des extrêmes de 35°C. Si la moyenne passe à 34 ou 35°C, les extrêmes pourraient grimper jusqu’à 37 ou 38°C. Cette augmentation, même d’un degré Celsius, peut avoir de nombreuses répercussions.
En 2024, les anomalies de température comparées à la moyenne à long terme de 1991-2020 ont varié entre 0,1°C et 0,6° C au premier semestre, puis entre 0,4°C et 1,2°C au second semestre. Certaines régions ont connu des températures maximales exceptionnelles : entre 29,4°C et 34,2°C à Port-Louis, entre 24,0°C et 30,2°C à Vacoas, et entre 26,6°C et 33,6°C à Plaisance. Ces températures élevées, combinées à un taux d’humidité important, génèrent une « température ressentie » plus élevée, selon l’indice de chaleur. Par exemple, une température de 30°C avec un taux d’humidité supérieur à 70 % peut être perçue comme 34°C.
Prévisions estivales alarmantes
Pour l’été 2024-2025, les prévisions publiées en octobre 2024 annoncent des températures légèrement supérieures à la normale. Certains jours, elles devraient dépasser la moyenne mensuelle à long terme de plus de 2 à 3°C. Les températures maximales extrêmes pourraient atteindre 35°C le long des côtes ouest, laissant présager encore plusieurs mois sous un soleil ardent et une chaleur persistante.
Un système sous surveillance
Durant l’été, il est courant d’observer des activités météorologiques dans la zone de convergence intertropicale (ZCIT). Actuellement, ces activités sont plus marquées au nord de Madagascar. Selon le directeur adjoint par intérim des MMS, la probabilité qu’un système se forme d’ici la fin de la semaine est élevée. Tous les paramètres sont réunis et la situation est suivie de près. D’ici quelques jours, les modèles numériques permettront de mieux évaluer la probabilité, la trajectoire et l’intensité éventuelles de ce système.
Cyclones plus puissants
Qui dit été, dit non seulement fortes chaleurs, mais aussi saison des cyclones. Les hausses de température peuvent avoir un effet sur la puissance des cyclones, explique Renganaden Virasami. « La température représente une quantité d’énergie. Plus elle est élevée, plus l’énergie présente dans l’océan et dans l’atmosphère augmente », précise-t-il. Il ajoute que les cyclones sont des phénomènes thermodynamiques, dont l’énergie provient notamment des océans. Ainsi, une hausse de la température océanique accroît leur intensité.
« Comme nous l’avons récemment constaté avec Dikeledi, un cyclone intense à très intense, ce type de phénomène va se maintenir et nous nous attendons à ce que cette tendance se prolonge dans les années à venir », affirme le directeur adjoint des MMS. Si ces cyclones ne toucheront pas forcément les terres habitées, leur présence dans l’océan Indien sera fréquente.
Il souligne également que Dikeledi a conservé une intensité élevée même après avoir dérivé vers le sud de Madagascar, ce qui reste inhabituel. Toutefois, ce genre de situation pourrait devenir courant dans les années à venir. Renganaden Virasami conclut en affirmant que le climat a déjà changé, et la nature manifeste ces évolutions par des sources d’énergie accrues.
Température la plus chaude (°C) en 2024 pour les régions de Vacoas, Plaisance et Port-Louis
Mois | Vacoas | Aéroport de Plaisance | Port-Louis |
---|---|---|---|
Janvier | 30,2 | 33,6 | 34,1 |
Février | 29,5 | 31,6 | 34,2 |
Mars | 29,3 | 31,3 | 33,5 |
Avril | 29,6 | 31,5 | 33,6 |
Mai | 27,7 | 29,6 | 31 |
Juin | 24,3 | 27,6 | 29,8 |
Juillet | 24,0 | 26,6 | 29,4 |
Aout | 25,0 | 27,4 | 29,4 |
Septembre | 26,1 | 27,5 | 30,9 |
Octobre | 28,3 | 28,8 | 31,9 |
Novembre | 28,7 | 31,9 | 32,5 |
Décembre | 29,9 | 31,2 | 33,6 |
Plus élevé | 30,2 | 33,6 | 34,2 |
Source : Mauritius Meteorological Services |
Faible pluviométrie
Alors qu’elles sont très attendues, les pluies d’été devraient être inférieures à la normale, selon les prévisions des MMS. « Presque tous les modèles statistiques indiquent que les précipitations seront proches de la normale en janvier, février et mars. Cependant, après une réévaluation, nous avons constaté une tendance marquée vers une pluviométrie inférieure à la moyenne saisonnière », précise Renganaden Virasami.
La Central Water Authority (CWA) commencera à réduire le nombre d’heures de distribution d’eau potable à partir de ce lundi 20 janvier, et d’autres mesures restrictives pourraient suivre si les pluies tardent. Une pluviométrie en dessous de la moyenne signifie que les réservoirs et nappes phréatiques risquent de ne pas se remplir suffisamment pour couvrir les besoins jusqu’à la prochaine saison estivale. L’hiver est généralement sec, tandis que les précipitations estivales sont cruciales pour reconstituer les ressources en eau.
2024 : une année record, le seuil de 1,5 °C franchi
En 2024, la température moyenne mondiale a dépassé de 1,55 °C (±0,13°C) la moyenne de la période préindustrielle (1850-1900), marquant potentiellement la première année où ce seuil critique de 1,5 °C a été franchi. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) affirme que ce dépassement, bien qu’alarmant, ne rend pas inatteignables les objectifs de l’Accord de Paris, qui s’inscrivent sur une échelle de plusieurs décennies. António Guterres, secrétaire général de l’ONU, exhorte les dirigeants à intensifier leurs efforts pour limiter les effets des changements climatiques.
Ce réchauffement record est confirmé par six jeux de données provenant d’institutions internationales telles que le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT), le Service météorologique japonais (JMA), l’Administration américaine pour l’aéronautique et l’espace (NASA) (États-Unis d’Amérique), l’Administration américaine pour les océans et l’atmosphère (NOAA) (États Unis), le Service météorologique du Royaume-Uni en collaboration avec la Section de recherche sur le climat de l’université d’East Anglia (jeu de données HadCRUT), et Berkeley Earth. Ces analyses révèlent également une série d’années consécutives parmi les plus chaudes jamais enregistrées, accompagnées d’événements climatiques extrêmes, d’une élévation du niveau de la mer et d’une fonte accélérée des glaces.
Le réchauffement des océans a été identifié comme un facteur clé dans ces records. Selon une étude menée par Lijing Cheng, de l’Institut de physique atmosphérique de l’Académie chinoise des sciences, la chaleur océanique a atteint des niveaux sans précédent, avec une augmentation de 16 zettajoules entre 2023 et 2024. Les océans, qui absorbent 90 % de l’excédent de chaleur, jouent un rôle crucial dans la régulation du climat et témoignent de l’intensité des changements climatiques.
L’OMM publiera en mars 2025 un rapport détaillant ces phénomènes, avec un accent particulier sur les indicateurs clés comme les gaz à effet de serre, la chaleur océanique et la fonte des glaciers. La secrétaire générale de l’OMM, Celeste Saulo, souligne que chaque fraction de degré compte et aggrave les impacts sur les vies humaines, les économies et l’environnement, rendant une action urgente indispensable.
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