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Central Procurement Board : fuite d'informations possible lors de la vérification et de l’évaluation

L’affaire St Louis n’a pas fini de livrer tous ses secrets.

Les fuites d’informations au niveau du Central Procurement Board peuvent intervenir lors de deux étapes au moins : la vérification et l’évaluation. C’est ce que révèle une enquête de Le Défi Plus. 

« Tou dokiman al ek zot, tou pass par zot. ». C’est ce qu’indique d’emblée un Principal Engineer d’un corps parapublic, interrogé sur les récents évènements qui ébranlent le Central Procurement Board (CPB). 
Kreetykant Dosieah, le Chief Executive Officer du CPB et Amritsingh Raja Rai, ex-président du Technical Committee du CPB répondent d’une accusation provisoire de corruption. 

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L’Independent Commission Against Corruption (Icac) les soupçonne d’avoir reçu des pots-de-vin, d’environ Rs 2 millions chacun, dans le cadre du projet de réaménagement de la centrale thermique Saint-Louis.
Le Principal Engineer, qui a travaillé sur de nombreux projets majeurs (voir définition plus loin), connait bien les rouages du CPB. Il a été appelé plusieurs fois à travailler avec eux. Selon lui, le CPB est en présence des documents d’appel d’offres dès le départ. Il explique qu’avant même qu’un Public Body ne se lance dans l’élaboration d’un document d’appel d’offres, dans le cadre d’un projet majeur, il faut qu’il ait au préalable le feu vert du CPB. 

D’autres projets du CEB passés au crible

La société PAD & Co. Ltd a travaillé plusieurs fois avec le CEB dans le passé. Selon une source à l’Icac, les projets décrochés par la société d’Alain Hao Thyn Chuan Ha Shun seront passés au crible. Il est question de l’un d’eux en particulier. Il concerne des travaux d’enfouissement de câbles électriques. Et c’est un contrat que le CEB octroie sur une base régulière.

« Une fois l’aval obtenu, le CPB demande une première ébauche du document d’appel d’offres », explique l’ingénieur. Cette ébauche, dit-il, sera vérifiée par les techniciens du CPB (NDLR voir l’étape du vetting plus loin). 

« Ils doivent vérifier que le document ne contient aucun élément qui favorise une société en particulier ou une autre irrégularité ou un manquement », ajoute-t-il.

D’autres protagonistes

Avant de parvenir à un draft final, le Principal Engineer indique qu’il y a souvent de nombreux échanges de documents entre le public body et le CPB, surtout s’il y a des amendements à apporter. « Et à chaque nouvelle soumission, le Public Body doit faire ressortir les modifications apportées pour qu’elles soient facilement identifiées par le CPB. » 

Mais il n’y a pas que le CPB qui soit en présence de ces documents. Selon le Contract Manager d’une grande société de construction, pour les projets majeurs, d’autres protagonistes sont aussi impliqués dans le processus d’élaboration du document. Il cite notamment le consultant ainsi que les funding agencies qui offrent un financement. « C’est le consultant qui aide à la préparation du document d’appel d’offres alors que les institutions de financement demandent souvent un droit de regard. C’est tout naturellement qu’ils disposeront eux aussi de ces documents. » 

Ce qui l’amène à dire que la possibilité de fuite d’information durant l’étape de vetting est réelle. Elle peut venir de tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont accès à ces documents. « Sans les accuser, ce serait vraiment naïf de notre part de croire que des fuites ne peuvent pas venir des institutions internationales. Dimounn mem ki travay ladan ! », fait-il observer. 

L’étape d’évaluation

Mais il n’y a pas que lors de la phase de vérification qu’une fuite qui peut privilégier ou discriminer un soumissionnaire est possible. Ces fuites peuvent aussi intervenir lors de l’étape d’évaluation, soit une fois que les offres ont été soumises. C’est ce qu’indique l’ancien parlementaire Bashir Jahangeer. Il explique qu’un soumissionnaire se trouvant en présence d’une offre d’un compétiteur peut utiliser les informations qu’elle contient contre ce dernier.

« Si un soumissionnaire parvient à mettre la main sur une offre que j’ai soumise, par exemple, il peut alors tenter de trouver les failles dans mon offre. Et il peut les remonter jusqu’à son complice au sein du CPB. Ce dernier pourra alors exploiter ces failles pour m’évincer », explique-t-il.  

Notre interlocuteur n’est aucunement choqué par les possibilités de fuite d’information, car il est au courant de certains modus operandi. Il est d’ailleurs persuadé qu’il en aurait déjà fait les frais. L’affaire remonte à plus d’une quinzaine d’années et concernait la construction d’une station de traitement d’eaux usées. Il estime avoir été lésé lors de l’allocation du contrat. Bashir Jahangeer indique que ses partenaires étrangers voulaient contester l’exercice. 

« Étonnamment, pendant l’audience, la compagnie qui avait décroché le contrat évoquait des points mentionnés dans notre offre et que nous étions les seuls à savoir. Ce qui nous a mis la puce à l’oreille. Interrogé, le représentant de la compagnie a avoué qu’une copie de notre offre avait été déposée devant sa porte », raconte l’ancien parlementaire.


Fuite d’informations : Les six avantages

Obtenir des informations à l’avance sur ses compétiteurs donnerait un avantage certain à un soumissionnaire. C’est ce que s’accordent à dire plusieurs parties prenantes engagées dans le processus d’appel d’offres. 

  • Avantage 1. Un potentiel soumissionnaire qui obtient des informations au sujet d’un contrat avant l’exercice d’appel d’offres dispose de plus de temps pour préparer et ficeler son offre. Car les délais accordés sont parfois jugés insuffisants, surtout dans le cas des contrats majeurs. Ce qui contraint ainsi certains soumissionnaires à faire une requête pour une extension. 
  • Avantage 2. Obtenir à l’avance les spécifications d’un contrat permet de faire une offre qui soit pleinement conforme à ce que recherche le client au niveau des équipements et des matériaux recherchés. Ce qui augmenterait les chances d’être « responsive » au moment de l’évaluation. 
  • Avantage 3. Le fait d’avoir plus de temps que ses concurrents permet à une société de connaitre exactement le prix des matériaux ou équipements qui seront utilisés dans le cadre du projet. Cette société peut alors formuler une offre qui soit au plus près du budget estimé pour le contrat. L’entreprise peut également faire l’offre la plus basse. Car elle n’aura pas à faire provision de marges en prévision des éléments inconnus qui peuvent affecter ses coûts.
  • Avantage 4. Une société qui ne dispose pas des « requirements » pour participer à un exercice d’appel d’offres peut faire un joint venture avec une société. Il suffit qu’elle ait les informations nécessaires. 
  • Avantage 5. Être en présence des fiches techniques de son compétiteur permet de relever les « faiblesses » de celui-ci et d’utiliser cette information pour le disqualifier. 
  • Avantage 6. Les fuites d’informations permettent aussi à un soumissionnaire de connaitre ses faiblesses à lui lors de l’exercice d’évaluation. Ce qui lui permet de mieux préparer sa réponse lorsqu’il sera interrogé à ce sujet.

L’étape de la vérification

L’exercice consiste à s’assurer que le document d’appel d’offres préparé par le Public Body est en ligne avec la Public Procurement Act. Celle-ci recommande l’équité, la transparence et le « principle of accountability ». Le CPB vérifie s’il y a des critères qui favorisent ou discriminent un soumissionnaire ou si l’exercice risque d’être restreint à trois ou quatre soumissionnaires. Le CPB dispose de la prérogative de mettre sur pied des comités composés d’ingénieurs et des professionnels avec d’autres compétences pour l’aider dans cette tâche. Une fois satisfait du document, le CPB donne son feu vert pour que l’appel d’offres soit lancé. 

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Appréhension sur la réaction de la Banque mondiale

La crise qui secoue actuellement le Central Procurement Board (CPB) va-t-elle porter atteinte à ses relations avec la Banque mondiale ? Cette possibilité est en tout cas diversement commentée au ministère des Finances. Selon une source autorisée, le CPB et la Banque mondiale travaillaient depuis une année sur la réforme du système d’appel d’offres actuel. Et un rapport aurait déjà été produit en ce sens. « Il est évident que cette situation est suivie de près par la Banque mondiale et nous sommes curieux de savoir quelle sera sa position. »

Un employé du CEB : « Rien d’étonnant que nos documents aient pu fuiter »

Au niveau du Central Electricity Board, cette réorientation de l’enquête de l’Independent Commission Against Corruption (Icac) vers le Central Procurement Board (CPB) est favorablement accueillie. 

On parle même de « boite de pandore », car on estime qu’il n’est pas étonnant d’apprendre que des informations sur d’autres projets aient pu fuiter. « Depuis le début, nous maintenons que nous avons fait notre travail correctement. Il est dommage que l’Icac, dans un premier temps, ait concentré ses efforts uniquement sur le CEB », soutient un cadre technique qui avait collaboré sur le projet Saint-Louis. 

Notre interlocuteur se dit nullement surpris que le CPB, jusqu’ici au-dessus de tout soupçon, ait pu être à la base d’une fuite d’informations. « Je lis dans la presse que des procès-verbaux de réunions au CPB ont été trouvés ailleurs. Il n’y a donc rien d’étonnant que nos documents d’appels d’offres aient pu également sortir », dit-il. 

 

 

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