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Capital social

Le 13 février dernier, Business Mauritius a présenté sa nouvelle structure composée de trois commissions, dont l’une axée sur le capital social.

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Le même jour, le National Committee for Corporate Governance (NCCG) a lancé son nouveau code de la bonne gouvernance qui donne plus de flexibilité aux entreprises dans son application. Les deux organisations étant chacune présidée par un grand ponte du monde des affaires, il faut croire que les deux initiatives revêtent d’un certain intérêt pour le secteur privé. Ce qui les rapproche, c’est que le nouvel esprit du code de gouvernance est au diapason de la philosophie du capital social. Mais il convient de préciser ce qu’on entend par ce concept.

Le président de Business Mauritius considère le capital social comme « la valeur humaine dans l’entreprise ». Le capital social n’est évidemment pas le capital physique (le bâtiment, l’équipement) mais concerne les hommes et les femmes. Il ne faut toutefois pas le confondre avec le capital humain dans lequel est intégré le développement des talents. Bizarrement, la présidence de la commission sur le capital social sera assurée par un professionnel travaillant dans l’immobilier de luxe, un secteur qui symbolise la concentration de richesses, un frein à la formation du capital social.

Les sociologues diront, suivant Pierre Bourdieu, que « le capital social est l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’inter-connaissance et d’inter-reconnaissance ». On favorise des échanges entre des individus aussi homogènes que possible et dotés de propriétés communes en produisant des occasions (soirées), des lieux (quartiers résidentiels sécurisés) ou des pratiques (tournois de golf). On crée ainsi des liaisons permanentes qui sont susceptibles de procurer des profits matériels.

Les économistes, eux, ont une approche individualiste du capital social : les contacts de la personne, sa réputation, son entregent, son adhésion à des associations, bref tout ce qu’elle construit pour elle-même. Le capital social est lié à des vertus individuelles telles que l’honnêteté, le respect des engagements, la fiabilité de la performance. Ainsi émerge la confiance qui ne constitue pas un capital social en soi, mais elle en est le résultat, soit un épiphénomène.

Si l’élément de confiance est primordial dans la réussite, il doit caractériser non seulement les relations entre le gouvernement et le secteur privé, mais aussi celles entre les employés et les patrons. Dans nos usines encore organisées de manière verticale et centralisée, des informations vitales ne circulent pas tout au long de la chaîne hiérarchique. Les techniques de coordination purement formelles, inspirées du taylorisme classique, doivent être remplacées par des structures de gestion horizontales qui font descendre la responsabilité jusqu’aux ateliers de production.

Ayant des connaissances spécifiques de leur travail, les travailleurs doivent être habilités à prendre des décisions par eux-mêmes, plutôt que de s’en remettre à leur superviseur. Un système manufacturier aussi allégé génère des gains d’efficience, mais il est totalement dépendant du capital social de la main-d’oeuvre. Il ne fonctionnera pas si c’est la suspicion qui règne entre le personnel et la direction.

Les industriels gagneront à prendre appui sur le capital social qui réside dans les travailleurs, afin de mieux gérer leur firme. Le capital social est un actif incorporel ayant autant de valeur que le nom de marque, le goodwill ou les anticipations des conditions de marché. Le capital social représente une bonne part de cette prime de gestion dans la mesure où gérer consiste à coordonner efficacement les activités de l’entreprise.

On peut donc définir le capital social comme une norme informelle qui promeut la coopération entre des individus. Dans l’histoire humaine, bien avant l’existence de lois formelles, le capital social était le seul moyen pour les hommes de coordonner leurs actions. Il demeure un facteur clé dans les économies modernes et gagne d’autant plus en importance que les activités économiques deviennent sophistiquées et complexes. Les échanges informels sont moins coûteux et plus faciles à contrôler.

À cette façon de voir la vie économique sied le nouveau code de la bonne gouvernance. Etant moins directif, il encouragera les entreprises à l’adopter. Il y a toujours des règles formelles qu’on ne peut pas contourner, mais l’essentiel est de les respecter dans leur esprit plutôt que dans leurs moindres détails.

Dans la même optique, l’Etat doit se défaire de son prurit centralisateur. Il détruit le capital social lorsqu’il entreprend des activités qui seraient mieux pourvues par le secteur privé ou par la société civile. Comme le gouvernement intervient fréquemment dans l’économie, les gens deviennent dépendants de lui et perdent leur capacité à travailler entre eux. De plus, il dénature la chose publique quand il en fait une affaire familiale.

La famille, c’est là que se produit et se reproduit le plus aisément le capital social. C’est ce qui explique le succès des entreprises familiales. Reste que si le président du NCCG déplore « une méfiance à l’égard des entreprises familiales », il doit se demander pourquoi. Une norme qui enjoint les membres d’une famille à ne se faire confiance qu’entre eux, ce n’est pas une base du capital social pour les autres. Assurer une cohésion interne aux dépens de ces derniers entraîne un effet externe négatif. Tous doivent être traités selon les mêmes critères moraux. Et plus large est le cercle de confiance, plus ouverte sera la société mauricienne aux idées nouvelles.

 

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