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Cannabis médical : un nouveau créneau à fort potentiel économique pour Maurice 

Le développement du secteur du cannabis médical devrait créer des emplois pour les Mauriciens.
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Le cannabis médical est désormais une réalité à Maurice. Outre son aspect de santé, il représente également des avantages économiques. D’ailleurs, de nombreux pays se dirigent vers sa légalisation, et les revenus générés se chiffrent en milliards. Comment ce nouveau marché peut-il stimuler la croissance économique dans l’île ? Quelles sont les mesures qui doivent être mises en place pour réglementer l’industrie ? 

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Amit Bakhirta, CEO d’Anneau.

Depuis la semaine dernière, l’hôpital Victoria à Candos propose un médicament à base de cannabis. Un premier groupe de patients a été pris en charge dans le cadre du lancement de ce projet révolutionnaire. Le dossier de chaque patient sera soumis à un comité d’experts afin de déterminer s’il remplit les critères de sélection en fonction de sa pathologie. Une fois le dossier approuvé, le patient devra se rendre à l’hôpital où son médecin traitant lui administrera un traitement équilibré en tétrahydrocannabinol (THC) et cannabidiol (CBD). 

Ce projet devrait bientôt être étendu aux autres hôpitaux régionaux de Maurice. Dans cette perspective, les autorités devraient disposer d’un stock suffisant pour les patients répondant aux critères établis d’ici la fin de l’année. Le débat sur l’utilisation médicale du cannabis est un sujet qui suscite souvent la controverse à Maurice. Cependant, les observateurs estiment que le développement de cette industrie peut apporter de nombreux avantages économiques pour le pays.

Effet multiplicateur sur la croissance 

Le CEO d’Anneau Amit Bakhirta explique que l’écosystème commercial du cannabis, dans certains grands pays développés et en Afrique, a été conçu non seulement avec l’industrie du cannabis médical mais aussi avec les industries récréatives et de consommation auxiliaire, y compris le secteur manufacturier. « Le potentiel économique est donc considérable, d’autant plus que l’alignement éventuel de notre industrie du cannabis récréatif et de la consommation sur les pratiques et les tendances internationales fournira un rajeunissement indispensable à nos secteurs du tourisme et du divertissement intérieur, de la fabrication (importations et exportations) et de la consommation », fait-il comprendre. 

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Bhavish Jugurnath, économiste. 

Pour lui, l’effet multiplicateur, surtout en termes d’image de marque d’un pays progressiste et ouvert, est encore plus important pour notre île. Il est d’avis que l’ensemble des chaînes de production et d’approvisionnement, ainsi que les investissements en capital qui y sont associés, des importations et des exportations sont susceptibles de créer des milliers de nouveaux emplois pour les Mauriciens.  « L’effet multiplicateur sur la croissance économique et les recettes fiscales sera très probablement soutenu par cette nouvelle industrie », déclare notre interlocuteur. 

Attirer des investissements étrangers 

L’économiste Bhavish Jugurnath abonde dans le même sens. Il soutient que l’industrie du cannabis médical peut créer des emplois directs et indirects dans divers secteurs, tels que l’agriculture, la transformation, la distribution, la vente au détail, la recherche et l’éducation. Par ailleurs, dit-il, ce secteur peut également générer des revenus pour les agriculteurs, les entrepreneurs, et les investisseurs, ainsi que des recettes fiscales pour le gouvernement. Bhavish Jugurnath est d’avis que le développement du cannabis médical à Maurice peut également attirer des investissements étrangers et des opportunités commerciales, ainsi que promouvoir la coopération et l’intégration régionale. « Par exemple, l’Union européenne a établi un cadre commun pour la réglementation des produits et services du cannabis médical, visant à harmoniser les normes, faciliter l’accès au marché et garantir la sécurité des patients », fait-il comprendre.

Ces défis à relever  

Bien que l’utilisation du cannabis ait été autorisée à des fins médicales, l’industrie du cannabis médical fait toujours face à des défis légaux et réglementaires et est soumise à des contrôles stricts. Selon l’économiste Bhavish Jugurnath, cela peut limiter l’accès au marché, le développement de produits et les opportunités de recherche pour les entreprises. « Une solution possible est de plaider en faveur de la légalisation ou de la décriminalisation du cannabis médical, en s’appuyant sur des preuves scientifiques et des principes relatifs aux droits de l’homme », propose-t-il.  

Un autre défi, poursuit-il, serait d’assurer la qualité et la sécurité de ces produits, ainsi que l’exactitude et la cohérence de leur étiquetage et de leur dosage. « Cela peut être difficile en raison de la variabilité des souches de cannabis, du manque de méthodes de test normalisées et du potentiel de contamination », prévient-il. Selon lui, une solution possible consiste à adopter de bonnes pratiques de fabrication, des systèmes de contrôle de la qualité et des programmes de certification par des tiers. « Une autre solution est d’informer les consommateurs et les prestataires de soins de santé sur les avantages et les risques des produits à base de cannabis médical », recommande notre interlocuteur.

Pour sa part, Amit Bakirta est d’avis que le cadre réglementaire devrait garantir la mise en place d’un régulateur et tenir compte de l’impact « multiplicateur ». « Pour que l’industrie fonctionne bien, le cadre réglementaire, dirigé par l’autorité de réglementation, est d’une importance cruciale dans la mesure où il nécessitera des modifications de plusieurs autres réglementations et lois », dit-il.

Questions au ….Dr Myriam Blin, économiste et Head of Faculty à Curtin, Mauritius : «L’industrie du cannabis peut devenir un nouveau pilier permettant de diversifier nos revenus en devises» 

myriamComment le marché du cannabis médical pourrait-il contribuer à la création d’emplois et à la croissance économique de Maurice ? 
Actuellement, l’utilisation du cannabis médical a été autorisée sous certaines conditions strictes, mais sa production et commercialisation restent interdites. Un comité est censé étudier la question depuis l’année dernière, mais, pour le moment, celui-ci semble n’avoir donné aucune suite. Si ce comité viendrait à recommander le développement de l’industrie du cannabis médical à Maurice, il y a plusieurs avantages économiques potentiels déjà bien répertoriés. L’impact potentiel sur notre PIB, sur la création de valeur ajoutée, sur nos revenus d’exportation, et donc l’entrée de devises étrangères dans ce secteur, pourrait être non-négligeable. 

Maurice, grâce à son climat, ses institutions fortes et un secteur financier fiable et relativement diversifié, a sans doute un avantage comparatif potentiel dans ce secteur. Si nous réussissons à développer cette industrie à temps, nous pouvons espérer une génération conséquente de revenus pour les finances de l’État. La culture, la transformation et la vente de cannabis médical peuvent générer d’importants revenus grâce aux impôts, aux frais de licence et aux exportations. Cette industrie a également le potentiel de créer des emplois, nécessitant une gamme de compétences en agriculture, horticulture, ainsi que pour les laboratoires scientifiques et les contrôles qualité. D’autres avantages incluent le tourisme médical lié au cannabis, qui pourrait stimuler l’industrie du tourisme de l’île. Cette industrie peut également développer les entreprises auxiliaires telles que le transport, la sécurité, l’emballage et les services juridiques, contribuant ainsi davantage au développement économique de l’île.

Dans quelle mesure le développement du cannabis médical pourrait-il diversifier l’économie mauricienne et réduire la dépendance à d’autres industries ?
Si elle réussit à se démarquer avec des produits de qualité compétitifs à l’international, notre industrie peut devenir un nouveau pilier permettant de diversifier nos revenus en devises ainsi que nos compétences et attirer des investissements étrangers qui sont pour le moment restés concentrés dans le développement immobilier. Mais encore faut-il démarrer. Le chemin semble long, il faut développer les compétences, et le gouvernement, pour le moment, semble hésiter à sauter le pas.  

Quels sont les risques potentiels associés au développement de l’industrie du cannabis médical à Maurice, et comment peuvent-ils être surmontés ?
Nous faisons face à des défis réglementaires à la fois dans leur conception mais également en termes de législations diverses et non harmonisées à l’international. Le marché mondial du cannabis est de plus en plus concurrentiel, et Maurice devra établir sa niche et des normes de qualité pour être compétitif. L’industrie du cannabis peut également être sujette à une certaine volatilité du marché et il y a des questions quant à son impact environnemental qui reste à évaluer. Les entreprises souhaitant opérer dans ce secteur doivent également faire face à des coûts de démarrage élevés, à des réglementations strictes en constante évolution, et à une législation propre à chaque pays rendant les transactions internationales risquées. Il peut également y avoir des problèmes médico-sociaux liés à la disponibilité accrue de produits à base de cannabis, notamment la mauvaise utilisation et la dépendance. Une planification minutieuse, une réglementation efficace et une gestion des risques sont essentielles pour maximiser les avantages tout en atténuant les éventuels inconvénients. Il faudra également des mesures de santé publique et des campagnes d’éducation pour mitiger les problèmes médico-sociaux.

La contribution économique du cannabis médical dans d’autres pays

L’économiste Myriam Blin fait ressortir que de nombreux pays africains sont déjà présents sur le marché du cannabis médical. Elle cite notamment le Maroc, le Lesotho et l’Afrique du Sud. « Le marché du cannabis médical en Afrique devrait atteindre sept milliards de dollars en 2023, et cela ne fait que commencer », indique-t-elle. Plus loin, au Canada, poursuit-elle, entre 2018 et 2021, plus de 15 milliards de dollars ont été générés en revenus fiscaux directement ou indirectement liés à la culture du cannabis médical et récréatif (Deloitte, 2022).  

« Cependant, les données existantes sont mitigées, avec une création importante d’emplois directs et indirects au Canada (Deloitte), mais des créations nettes d’emplois moins systématiques aux États-Unis (Federal Reserve Bank of St. Louis, 2022) », soutient notre interlocutrice. 

Pour sa part, Amit Bakhirta affirme qu’avec différentes nuances économiques et commerciales, le Canada, 18 États des États-Unis, le Mexique, la Thaïlande, l’Argentine, l’Uruguay, le Luxembourg, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, Malte, l’Espagne, le Portugal, l’Afrique du Sud, le Lesotho, le Zimbabwe, l’Ouganda, le Malawi, la Zambie, le Ghana, le Rwanda et le Maroc ont réussi à transformer leur industrie de cannabis médical en une source importante de revenus et d’emplois. 

De son côté, Bhavish Jugurnath indique que selon un rapport de Grand View Research, la taille du marché mondial du cannabis médical était estimée à 24,6 milliards de dollars en 2020 et devrait croître à un taux de croissance annuel composé de 12,7 % de 2021 à 2028. « Ainsi, cette industrie a un fort potentiel de croissance et, si elle est planifiée de manière appropriée, elle pourrait devenir un pilier économique dans l’industrie médicale et de recherche à Maurice », appuie notre interlocuteur. 

Ils ont dit …

Dr Siddick Maudarbocus, directeur de Les Mariannes Wellness Sanctuary : «Maurice peut se positionner de façon durable sur le marché mondial»

siddickAvec une forte demande de cannabis pour des traitements médicaux, le secteur est appelé à grandir davantage dans les années à venir. C’est ce qu’affirme le Dr Siddick Maudarbocus. « Du coup, c’est un marché à exploiter qui s’ouvre pour Maurice. Le pays a le potentiel de se positionner de façon durable sur la carte internationale. Cependant, il faut travailler sur le ‘branding’ et mettre le cap sur la qualité avant de se lancer », insiste le directeur de Les Mariannes Wellness Sanctuary. Ce dernier soutient qu’il est primordial d’avoir une bonne gestion dans le développement de ce secteur afin d’éviter des abus. « L’accent doit être mis sur uniquement le cannabis médical et surtout pas sur le cannabis récréatif », souligne-t-il.

Suttyhudeo Tengur, président de l’APEC : «Le secteur doit être structuré et strictement réglementé» 

tengurSuttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la Protection de l’Environnement et des Consommateurs (APEC), indique que dans plusieurs pays développés, des médicaments à base de cannabis sont utilisés pour soulager les patients souffrant de cancer. « Grâce à des structures réglementaires mises en place, l’utilisation du cannabis demeure efficace et contrôlée. Maurice peut tirer parti de la demande venant de ces pays développés », dit-il. En effet, il estime que Maurice peut cultiver du cannabis mais il doit s’assurer que la culture est faite uniquement pour des besoins médicaux. « La production doit se faire dans des zones établies par les autorités et répondre aux critères et normes internationaux », avance-t-il. L’exploitation du secteur, dit-il, apportera de nombreux avantages économiques, notamment en termes de création d’emplois et d’augmentation de recettes de l’État. 

 

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