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Campagne électorale de 2019 : incursion dans l’univers des hommes de l’ombre 

Harish Chundunsing.et Zouberr Joomaye.

Si les campagnes électorales se résument souvent, pour le grand public, à l’alignement des candidats par les leaders, en coulisses, un autre univers se déploie. Derrière chaque formation politique ou alliance, se cachent des acteurs discrets, souvent qualifiés de spin doctors ou d’hommes de l'ombre, dont le rôle est crucial dans l'élaboration des stratégies visant à maximiser les chances de victoire.

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Ces stratèges ne se contentent pas de polir les discours prononcés lors des meetings ou des interviews médiatiques. Ils orchestrent également des offensives ciblées contre les adversaires politiques, fouillant dans les dossiers sensibles susceptibles de faire chuter ces derniers dans l'opinion publique. Cependant, à Maurice, une campagne électorale doit composer avec une donnée supplémentaire : l'influence des organisations socioculturelles. Ces structures, omniprésentes dans la vie politique du pays, jouent un rôle non négligeable, imposant aux stratèges une adaptation de leurs tactiques pour naviguer dans ce paysage bien propre au pays.

Dans les coulisses de l’Alliance du Changement, un nom se détache lorsqu’il s’agit de stratégie de communication : celui de l'ex-journaliste Harish Chundunsing. À la tête de la cellule de communication, il précise toutefois que les activités de cette cellule sont sous la supervision du comité de campagne national, dirigé par des figures telles que Patrick Assirvaden, président du Parti travailliste (PTr), et Rajesh Bhagwan, secrétaire général du Mouvement militant mauricien (MMM). Harish Chundunsing explique que la mission première de son équipe consiste à préparer méticuleusement les candidats avant leurs interventions dans les médias, notamment lors des émissions politiques. Il s’agit également de s’assurer que des ripostes efficaces soient prêtes pour contrer les attaques ciblées contre leurs candidats. En 2024, la communication politique ne peut plus se dissocier des réseaux sociaux ni de l’intelligence artificielle, désormais solidement ancrée dans la sphère électorale. La stratégie digitale de l’Alliance du Changement est sous la responsabilité de Kevin Gutty, dont l’équipe gère la création de trolls, de mèmes et de GIFs pour favoriser la viralité des contenus, à l’image du récent phénomène 'Ale Navin Trend' sur TikTok.

Harish Chundunsing insiste également sur l’importance du fact-checking, particulièrement lorsqu’il s'agit de dénoncer un scandale impliquant un adversaire. Fort de son expérience de journaliste, il explique : « Je veille à ce que chaque dénonciation soit rigoureuse et bien documentée, car la moindre erreur peut se retourner contre nous et compromettre toute une stratégie ». L'homme de l'ombre tire aussi des leçons du passé. 
« Il est essentiel de tirer des enseignements de ces expériences et d’éviter les pièges. En période électorale, exploiter les faux pas des adversaires fait partie du jeu politique », dit-il.

L’ombre des socioculturels

L'influence des organisations socioculturelles dans le paysage politique mauricien est une réalité indéniable. Les partis politiques s'appuient souvent sur ces structures pour mobiliser des communautés spécifiques, que ce soit en faveur d'un candidat ou pour affaiblir un adversaire. 

Lors des élections de 2019, l'épisode du 'katori' en a été une illustration frappante. Somduth Dulthumun, figure étroitement liée au milieu socioculturel mauricien, avait été envoyé sur les chaînes de la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) pour dénoncer les propos de Navin Ramgoolam. Cette intervention médiatique, orchestrée à un moment clé de la campagne, avait contribué à faire basculer les élections en défaveur du Parti travailliste (PTr) et de son leader. Au sein du Mouvement socialiste militant (MSM), le nom de Prakash Maunthrooa, ancien General Manager de la Central Water Authority (CWA), revient souvent lorsqu’il s’agit de la liaison entre le parti et les organisations socioculturelles. Si certains soulignent que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a lui-même perfectionné son réseau avec ces entités influentes, surtout depuis les élections générales de 2019, Prakash Maunthrooa joue un rôle clé dans ce domaine depuis bien plus longtemps.

« Son ancrage de longue date dans ce milieu lui permet de faciliter l'acceptation de certains candidats au sein des organisations socioculturelles, particulièrement celles rattachées à des castes spécifiques », souligne un membre du MSM. Cette connexion, bien établie, est précieuse pour le MSM, car elle permet au parti d'asseoir sa stratégie électorale en mobilisant des communautés clés, tout en s’assurant de l'alignement de certaines figures socioculturelles avec ses choix de candidats. Sollicité pour un commentaire, Prakash Maunthrooa est cependant resté injoignable. 

Hans Puttur, Vikram Jootun, Lovesh Ramlochane : les hommes de l'ombre de la logistique du MSM

Trois autres noms reviennent constamment dans les coulisses du Sun Trust lorsqu'il s'agit de la logistique électorale : Hans Puttur, Vikram Jootun, et Lovesh Ramlochane. Ces hommes jouent un rôle crucial dans la mobilisation des ressources visuelles telles que les banderoles et les oriflammes, assurant ainsi une visibilité omniprésente du Mouvement socialiste militant (MSM) à travers le pays. Leur objectif : créer un impact psychologique sur les électeurs en renforçant l’omniprésence du parti dans l'espace public.

Vikram Jootun, reconnu pour son rôle dans la production et la réalisation de Vire Mam en 2014, reste impliqué dans la stratégie digitale du parti, bien qu’à un degré moindre. Contacté par téléphone, il a précisé qu'en tant que directeur de la Mauritius Film Development Corporation (MFDC), son engagement est désormais limité, mais qu'il continue à offrir des conseils lorsqu'on fait appel à lui.

Rivalland et Callikhan, les spin doctors incontournables lors des précédentes campagnes

Les spin doctors qui ont marqué les dernières élections générales par leur influence décisive sont sans conteste Christian Rivalland et Dan Callikhan, reconnus pour leur habileté à déstabiliser la stratégie de leurs adversaires. Christian Rivalland, en particulier, avait été salué par Navin Ramgoolam pour son rôle dans le succès électoral de 2010. Il est d’ailleurs à l'origine d'une manœuvre stratégique clé, ayant conseillé à Michael Sik-Yuen de s'enregistrer comme membre de la population générale, ce qui lui a permis d’être repêché par le Best Loser System (BLS). Quant à Dan Callikhan, son rôle à la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) à partir de 2008 fut crucial pour assurer une projection médiatique positive de Navin Ramgoolam et renforcer son image auprès de l'électorat.

Zouberr Joomaye un autre acteur clé du MSM

Un autre nom qui résonne avec insistance dans les couloirs du Sun Trust, quartier général du Mouvement socialiste militant (MSM), est celui de Zouberr Joomaye. Cet ancien député, promu au poste de conseiller spécial bénévole au bureau du Premier ministre après les dernières élections générales, joue un rôle central dans la campagne électorale en cours.

Selon plusieurs sources, Zouberr Joomaye est fortement impliqué dans l'élaboration de la stratégie électorale du MSM, au même titre que Sarah Currimjee. Tous deux sont étroitement associés à l’exercice de désignation des candidats, un processus délicat et crucial pour maximiser les chances du parti. Sollicité pour un commentaire, Zouberr Joomaye est cependant resté injoignable.

Les conseils avisés de Claire Lelay aux membres du PTr

Outre l’implication de la cellule de communication dirigée par Harish Chundunsingh dans la préparation des candidats, il apparaît que Claire Lelay, spécialiste en communication, est également très sollicitée par divers membres du Parti travailliste (PTr). Plusieurs députés rouges suivent scrupuleusement ses conseils, notamment lorsqu'ils sont amenés à débattre de sujets controversés ou à participer à des face-à-face politiques. Claire Lelay recommande systématiquement à ces derniers de rester concentrés sur le fil conducteur de leur intervention, d’éviter les dérapages et les attaques personnelles, afin de ne pas ternir leur image publique.

Contactée par téléphone, Claire Lelay a précisé : « Je donne un coup de main quand on me le demande, mais je ne m’occupe pas de la stratégie de communication du PTr ». Elle ajoute également : « Navin Ramgoolam est un ami, et nous avons souvent eu l’occasion d’échanger sur ces sujets ».

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