Parents, enseignants et autres professionnels ne cessent de tirer la sonnette d’alarme sur les cas de harcèlement en milieu scolaire. Une situation qui prend de l’ampleur et qui concerne bon nombre d’établissements du pays.
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Ils tapent. Fort ! À coups de poings, de pieds, de cartables, de règles ou encore à coups de paroles blessantes, de sobriquets, d’insultes. Le petit Ashwin (prénom fictif), sept ans a connu ça. « Zot riss mo seve, zot dir mwa mo vilin. Kan mo plore, zot ry mwa. » Ne voulant plus aller à l’école, sa mère a dû lui en trouver une autre. « Tous les matins, il pleurait et me supplait de ne pas le quitter à l’école. J’ai cru qu’il était paresseux et qu’il mentait jusqu’au jour où j’ai vu qu’il avait des bleus sur le corps. »
Depuis quelque temps, les médias parlent souvent des cas de brutalité à l’école : des enfants qui se font tabasser par leurs camarades de classe, d’autres qui sèment la terreur dans toute l’école, etc.
Des parents révoltés sont montés au créneau et on dénote plusieurs cas de bullying dans plusieurs écoles et collèges à travers l’île. Adelaïde Jean, qui travaille dans un collège privé, estime « que les enseignants sont dépassés par autant de violence et il faudrait que tous les acteurs travaillent ensemble sur un plan commun afin de trouver des solutions ».
Selon un préposé de la Brigade pour la protection des Mineurs, le bullying est plus difficile à gérer aujourd’hui. « Avant, les victimes passaient un sale quart d’heure à l’école mais rentrées à la maison, elles se sentaient en sécurité. Aujourd’hui, le harcèlement perdure même quand la victime est chez elle. C’est du cyberbullying et avec les réseaux sociaux, cela prend de l’ampleur. Il n’y a qu’à voir ces jeunes qui filment fièrement leurs actes de violence envers leurs camarades. »
Comment reconnaître un enfant victime de harcèlement scolaire ?
Selon la thérapeute, Marjolaine R, ces signes interpellent :
- L’enfant refuse de se rendre à l’école ou cherche des prétextes pour ne pas y aller
- Il se plaint souvent de douleurs et plus particulièrement au ventre et à la tête
- Il souffre d’insomnie
- Il fait des cauchemars
- Il perd l’appétit
- Il s’isole et ne joue pas avec les autres
- Il est agressif envers les autres le plus souvent à la maison
Samcoomar Heeramun, psychothérapeute : «Une violence répétée qui persiste et humilie»
Comment définir le bullying ?
Le bullying, c’est du harcèlement scolaire. Ce n’est pas un acte isolé ou une violence instantanée. Bien souvent, c’est une violence répétée qui persiste et qui humilie. Elle peut être verbale, physique ou psychologique. Ce n’est pas une simple bagarre entre camarades de classe. L’un est dominé, l’autre domine et dans bien des cas, cela se fait en groupe à l’encontre d’un seul élève, là où les adultes sont moins présents, soit dans la cour de récré et les après-midis après l’école, entre autres.
Quel groupe d’âge est plus concerné par cette situation ?
Le bullying est présent dès la maternelle. Si on observe bien, on verra toujours un petit groupe qui taquine un enfant ou un enfant qui est toujours la cible de ses camarades. À cet âge, ils bénéficient des fois d’une surveillance rapprochée mais elle est de moins en moins présente lorsque les enfants grandissent. Ceux qui ont 10-11 ans sont souvent concernés par cette situation car après avoir été des souffre-douleurs pendant des années, ils trouvent normal de faire la même chose avec les plus petits. À l’adolescence, le bullying continue à faire des dégâts car d’une part, l’agresseur sait mieux préméditer ses coups bas alors que la victime, elle, est plus vulnérable à cet âge et cela peut avoir des conséquences néfastes.
Que faire en cas de bullying ?
Avant toute chose, il faut en parler. Il faut que l’enfant ose dire ce qu’il ressent. Certains le font de manière directe, d’autres hésitent à en parler mais leur comportement indique qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Dans ce cas, l’école et les parents ont un rôle important. Il est nécessaire que l’enfant victime soit protégé mais il est primordial d’intervenir auprès de l’enfant agresseur et des parents des deux enfants. Pour que les enfants puissent parler de cette situation, il faut que le dialogue passe entre parents et enfants. Tout cas de harcèlement doit être rapporté au parent, à un enseignant, un surveillant ou un responsable de l’école. Dépendant de la gravité du cas, l’affaire peut aussi être référée à la police.
Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for children : «Les enfants agresseurs sont souvent victimes de violence»
Au bureau de l’Ombudsperson for Children, Rita Venkatasawmy voit souvent défiler des victimes et des agresseurs.
Elle confirme que c’est un phénomène qui s’amplifie.
« Actuellement, nous vivons dans une société où la violence fait partie du quotidien de bon nombre d’enfants, dit-elle, et leurs actes sont souvent une reproduction de ce qu’ils subissent à la maison. Ces agresseurs sont eux-mêmes victimes de violence et il faut pouvoir gérer cette situation le plus vite possible dans le respect des droits de l’enfant. »
Arvy E. : «Il faut réagir au plus vite»
Arvy s’en veut de ne pas, dès le début, avoir détecté que son fils était victime de bullying. « Souvent, il demandait d’autres fournitures scolaires à sa mère et je le grondais en lui demandant de faire plus attention à ses affaires… Je ne savais pas que les plus grands, dans son collège, les lui volaient ainsi que son pain et son argent. Quand j’ai rencontré un responsable de l’école, on m’a dit que c’était un problème entre camarades de classe. J’ai refusé de me contenter de cette explication lorsque mon fils a insisté pour ne plus se rendre à l’école. Je conseille à tous les parents de réagir le plus vite possible au moindre changement ou constat bizarre… »
Youshra Abdool, enseignant : «Il manque de surveillants dans les cours de récré»
Enseignante dans le primaire, Youshra ne cesse de témoigner de nombreux cas de bullying : « Je fais de mon mieux pour prévenir cette situation mais dès que j’ai le dos tourné, ça recommence de plus belle. Dans les cours de récré, c’est pire et nous ne sommes pas toujours disponibles pour jeter un coup d’œil. Malheureusement, il y a un gros manque de surveillants dans les écoles. »
J.E, 13 ans : «La cigarette et la drogue dans les toilettes»
Accompagné de ses parents, J.E, 13 ans, hésite tout d’abord à se confier mais il finit par avouer jusqu’où le bullying l’a emmené. « Cela a commencé par des cigarettes. Pendant la récré, lorsque nous allons aux toilettes, ils nous obligent à fumer. Si on refuse, ils se moquent et nous traitent de ‘poule mouillée’. Fumer devient un défi : si tu le fais tu deviens un élève populaire, sinon tu es la risée du collège. Ensuite, ils ont apporté de la drogue et ils nous obligeaient d’en consommer. » Les parents de J.E ont consigné une déposition à la police. Ce dernier souhaite, lui, être transféré dans un autre établissement.
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