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Blenda Aubert Clerjon, « power woman »

Blenda Aubert Clerjon, originaire de La Butte, a été élevée au rang de chevalier de la Légion d’honneur à Paris.
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La vie peut nous réserver bien des surprises. Issue d’une famille modeste, Blenda Aubert Clerjon a su croire en ses chances de réussite. Après 23 années passées en France, elle a été faite Chevalier de la Légion d’honneur le 8 décembre.

La vie nous réserve parfois des épreuves qui peuvent nous anéantir ou nous transformer. Blenda Aubert Clerjon a choisi de ne pas être une victime. « J’ai appris à toujours avancer et ne jamais regarder en arrière et ne jamais me victimiser. Nous ne sommes pas des victimes, et nous ne le serons pas si nous ne le ressentons pas », affirme-t-elle.

Le déclic survient le jour où son frère, âgé de 18 ans, se voit interdire de passer son Higher School Certificate (HSC) dans un collège situé à la rue La Poudrière à Port-Louis. Blenda Aubert Clerjon décide alors de revoir ses priorités, se transformant en la femme forte et toujours prête à se mettre au service des autres qu’elle est aujourd’hui, honorée par la Légion d’honneur en France.

Projet de vie Rien, pourtant, ne la prédestinait à une telle réussite. Originaire du quartier de La Butte, issue d’une famille modeste, elle n’avait pas fait non plus d’études approfondies. Le moment déterminant a été sa rencontre avec Jean-Claude Barbier, alors Lord-maire, vers le milieu des années 90. « Je l’ai sollicité pour aider mon frère, un an plus âgé que moi, pour son inscription aux examens de HSC.

Je me suis dit qu’il fallait que je réagisse car je me suis rendu compte que mon frère n’était pas le seul dans cette situation », explique Blenda Aubert Clerjon. C’est ainsi qu’est né le groupe Zanfan La Butte, une belle aventure humaine qui visait à soutenir les enfants en difficulté des quartiers défavorisés dans leur parcours scolaire. Grâce à la mairie de Port-Louis, le groupe a pu disposer de l’ancien marché de La Butte, reconverti en salle polyvalente.

« Nous avons pu les aider non seulement pour leurs devoirs, mais aussi sur le plan économique, avec l’appui de diverses entreprises, de la mairie de Port-Louis et du travail réalisé avec les députés de l’époque et Jean-Claude Barbier », témoigne la nouvelle chevalière de la Légion d’honneur.

Le groupe Zanfan La Butte a ainsi bénéficié du soutien financier des entreprises de la région, qui lui ont permis d’acheter du matériel scolaire et de répondre aux besoins des bénéficiaires pour qu’ils puissent poursuivre leurs études sans subir la pauvreté. Leur action a pris une ampleur inattendue : à partir de leur initiative, ils ont parcouru l’île et collaboré avec diverses associations pour organiser différentes activités. C’est ainsi que Blenda Aubert Clerjon a fini par s’engager dans la politique.

Elle voulait lutter contre l’injustice dont son frère avait été victime, ce qui l’a fait changer radicalement de projet de vie, forgeant son caractère de battante. « Je devais me marier à 18 ou 19 ans et avoir des enfants, mais j’ai décidé de prendre mon temps pour me battre contre ce genre d’injustice », confie-t-elle. 


De La Butte à Montbard, en France

famille
Blenda Aubert Clerjon entourée des membres de sa famille : son époux Vincent Clerjon et leurs enfants Louis et Océane.

À 46 ans, Blenda Aubert Clerjon a vécu autant d’années à Maurice qu’en France, plus précisément à Montbard. Elle a quitté le pays à 23 ans pour s’installer dans l’Hexagone avec son époux quatre ans après leur mariage célébré à Maurice.

Ils se sont connus à Maurice alors qu’il faisait des études à l’école d’ingénierie. Ils ont décidé de s’installer en France afin qu’elle puisse faire des études autour du métier de la mode. « J’ai fait peu d’études à la base du temps où j’étais à Maurice. À un moment de ma vie, je me suis dit que je devais aller plus loin et parfaire mes connaissances.

Maurice ne me permettant pas de faire des études supérieures sans le certificat de School Certificate (SC) en main, la seule façon pour moi était de partir et de continuer mon petit bout de chemin plus loin », raconte-t-elle. Aujourd’hui, Blenda Aubert Clerjon est directrice pédagogique du Certificat d’aptitude professionnelle (CAP) et Brevet professionnel (BP) au sein d’une école supérieure qui forme du CAP au Masters 2 dans tous les métiers de la mode. Son rôle est de mettre en place des programmes pédagogiques qui accompagnent les élèves durant l’année scolaire.

Elle dirige également une équipe de 12 professeurs. Elle enseigne aussi le Bachelor Fashion and Design ainsi que la couture et la technique de montage. Blenda Aubert Clerjon a commencé la couture à l’âge de 12 ans. C’est grâce aux religieuses missionnaires de la charité (Sœurs Mère Teresa) de Roche-Bois qu’elle a découvert sa passion. Elle leur rendait souvent visite et elles qui lui ont appris à coudre. Elle confectionnait notamment des jupes pour aller à la messe le dimanche.

« Comme nous n’avions pas beaucoup de moyens, souvent je prenais les rideaux et ‘sari’ pour en faire des jupes. » Plus tard, elle a travaillé comme prototypiste dans des usines. Mais c’est en France qu’elle a validé ses compétences en faisant des études. 


68 000 masques sanitaires pour sortir de la COVID-19

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La médaille de la Légion d’honneur a été remise à Blenda Aubert Clerjon par la maire de la commune de Montbard, Laurence Porte.

La confection de 68 000 masques sanitaires a commencé quand une société qui travaillait le chanvre a voulu fabriquer des masques avec cette matière pour les revendre pendant la Covid-19. « Je suis prototypiste, je confectionne des prototypes pour des maisons de couture dans un atelier d’études », indique Blenda Aubert Clerjon.

La fabrication des masques visait à pallier la pénurie de masques sanitaires en France, qui allait alors autoriser la libre circulation de la population à condition de porter un masque. « Je suis allée dans le quartier de chez moi et j’ai mis des masques sanitaires dans toutes les boîtes aux lettres pour que les gens qui ne me connaissent pas aient deux ou trois masques pour aller faire leurs courses », révèle-t-elle.

Petit à petit, après avoir eu l’agrément de la Direction générale des armées (DGA), elle a fait des masques pour les pharmacies pour qu’elles puissent en vendre aux personnes âgées et progressivement pour les entreprises qui voulaient reprendre leurs activités. « C’était toujours dans l’idée de faire le bien-être des autres, même si c’était un peu commercial, mais en permettant aux gens d’avoir une vie sociale. » Pour y arriver, cela a demandé une grande organisation et mobilisé les membres de la famille, ainsi que des volontaires qui sont venus aider spontanément.

Il a également fallu embaucher de la main-d’œuvre supplémentaire pour atteindre l’objectif plus vite. Deux équipes se sont relayées pour y parvenir.


Chevalier de la Légion d’honneur

maman
Blenda Aubert Clerjon en compagnie de sa mère, qu’elle considère 
comme une femme courageuse.

Blenda Aubert Clerjon a reçu la Légion d’honneur à Paris pour avoir dirigé un projet de fabrication de masques pendant la COVID-19 en France.

Elle a d’abord refusé cette distinction, avant de l’accepter avec joie. Elle raconte qu’elle a ri aux éclats quand la préfecture l’a informée qu’elle était pressentie pour être chevalier de la Légion d’honneur. Elle pensait que c’était impossible, car elle ne se sentait ni héroïne ni guerrière. « Cela me paraissait absurde et j’ai dit non », dit-elle.

Le lendemain, elle reçoit un autre appel qui la fait réfléchir. Elle prend alors conscience que peu de femmes acceptent cette distinction, car elles trouvent normal de s’occuper des autres, de leur famille, de leurs enfants. Or, les femmes méritent d’être reconnues pour leur engagement, car elles savent concilier leur vie familiale et professionnelle.

Tracer son avenir Cependant, c’est son parcours de vie, que son époux avait écrit pour elle, qui l’a convaincue d’accepter cette distinction. « En lisant mon histoire avec les yeux d’un autre, j’ai compris que je méritais cette médaille. Pas seulement pour ce que j’ai fait pendant ces périodes, mais aussi pour tous ces jeunes des quartiers défavorisés comme La Butte et autres qui croient ne pas avoir d’avenir », dit-elle.

Blenda Aubert Clerjon est convaincue qu’elle est la preuve vivante que nous pouvons tracer notre avenir et que l’on peut choisir ce que l’on veut devenir et comment on veut être perçu par les autres. « La place que j’occupe aujourd’hui dans cette société est celle que je me suis donnée. Je ne me suis pas considérée comme une erreur ou une faiblesse, comme certains le feraient.

Au contraire, je me suis affirmée comme une ‘power woman’ qui dit que si on veut aller plus haut, si on veut aller loin, il faut se doter des capacités qui surpassent les diplômes qu’on croit nécessaires pour réussir. Cette force, je la dois aussi à ma mère Marianne Aubert Valentin, que je vois comme une femme très courageuse. » Pour Blenda Aubert Clerjon, cette médaille n’est pas seulement le fruit de ce qu’elle a accompli pendant la COVID-19 en France, mais aussi de tout son parcours de vie, de ses origines à sa situation actuelle, et de tout ce qu’elle a apporté et continuera d’apporter à la société.

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