Le trafic de téléphones portables en prison est devenu un fléau. Malgré les mesures de sécurité en vigueur, ces appareils continuent de pénétrer les pénitenciers. Pis, des gardiens sont impliqués dans ce trafic qui prend de l’ampleur. Dans son rapport, la commission d’enquête sur la drogue avait elle-même fait état de la connivence entre des trafiquants et des gardiens. Le hic est que cette pratique met à mal la sécurité et l’intégrité du système carcéral.
Un téléphone portable de la marque Samsung Galaxy Z Flip 4 a été trouvé par des gardiens de la Correctional and Emergency Response Team (CERT) dans la cellule d’un présumé trafiquant de drogue, mardi. C’était lors d’un exercice de « general turn-out » à la prison centrale de Beau-Bassin. Le cas a même été rapporté à la police. Valeur de l’appareil : environ Rs 50 000.
Pourtant, l’usage et la possession de toute forme d’équipement de communication par les prisonniers sont strictement interdits. Des mesures de sécurité pour empêcher l’introduction de tels appareils sont aussi en vigueur. Dans ce cas, comment expliquer qu’ils arrivent tout de même à pénétrer les pénitenciers ?
« Dans le protocole carcéral, il est clairement dit que l’utilisation de téléphones portables en prison, que ce soit par les gardiens ou par les prisonniers, est strictement interdite pour des raisons évidentes de sécurité », indique un gardien de la CERT.
Il explique que ces appareils peuvent être utilisés pour faciliter des communications non autorisées entre des détenus et le monde extérieur. Ce qui pourrait leur permettre de planifier des activités illicites et criminelles ou d’assurer la coordination, à distance, de réseaux clandestins.
À la question de savoir comment les téléphones portables pénètrent dans les prisons, le gardien de la CERT indique qu’il existe plusieurs moyens. Il soutient qu’il y a le lancer de projectiles par-dessus les murs des prisons. « Puis, des prisonniers, ainsi que des gardiens eux-mêmes, dissimulent les appareils dans leur organisme. »
Argent facile
Il ajoute qu’il n’y a pas plus observateur qu’un prisonnier et que certains arrivent à flairer les gardiens qui ont des problèmes financiers ou qui se laisseraient tenter par de l’argent facile. « Prizonie la apros gard la ek met enn dialog ar li. Koumansman, kapav gard la pou refize. Me avek letan, li pou fini par aksepte », fait-on comprendre. Pourquoi ? La somme qu’il peut se faire est tentante.
« Savez-vous qu’un gardien touche au moins Rs 30 000 pour introduire un téléphone portable en prison ? » révèle notre source. Mais pourquoi se laissent-ils piéger par ce moyen de se faire de l’argent facile ?
« Certains gardiens deviennent complices malgré eux. Me ou kone, ena enn ta gardien ki ena vis ousi. Ena zougader. Ena kontan enn ta madam. Ena inn pran enn ta loan labank ek Mutual Aid ek zot pa pe kapav peye. Apre ena gard kontan gagn gro kas dan lame pou aste bel bel loto ek bel lakaz dan morselman. Sa ousi ena ! Lerla zot prefer travay pou kondane pou gagn larzan fasil. »
Cette même source explique que l’argent sale est remis en main propre par les proches des prisonniers. Mais une fois qu’un gardien perçoit de l’argent de la part d’un prisonnier, poursuit-elle, il se retrouve lui-même emprisonné dans un cercle infernal. « Tou ti kiksoz ki arive dan prizon, gard la pou bizin res trankil ek li pou bizin fer travay sal touletan, parski linn fini vinn enn mayon », fait-on comprendre.
Failles
Si le trafic de téléphones portables est devenu une véritable gangrène, il permet surtout de révéler qu’il existe des failles dans le système carcéral. Il soulève aussi des questions sur l’intégrité des gardiens. Un bon nombre d’entre eux, qui ne sont pas mêlés au trafic, remettent en question la manière dont les exercices de fouille sont menés. Référence est ici faite au « rub-down search » et au « strip search ».
« Nous ne faisons nullement confiance aux fouilles. Tou dimoun kone ki ena enn ta gardien ki amen portab dan prizon pou kondane. Kifer bann gard 24/7 pa fer enn lalis bann gardien ki ena kontak ar kondane ek lerla vey zot ? Zour ki gagn soupson ki zot pe amen portab, lerla fer enn Strip Search ar zot », fait ressortir un des officiers du département General Duties basés à la prison centrale de Beau-Bassin. Raison pour laquelle il propose que toutes les prisons (Beau-Bassin, New Wing, Phœnix, Melrose, GRNO, Richelieu, Petit-Verger et la prison des femmes ; NdlR) soient dotées de scanneurs à rayons X.
Dans son rapport publié en 2018, la commission d’enquête, présidée par l’ancien juge Paul Lam Shang Leen, avait elle-même fait état de la connivence existant entre des trafiquants de drogue incarcérés et des gardiens de prison. « The Commission’s Investigation Team investigated on 102 prisons officers but the Commission has heard only a few of them who have been in unlawful telephone communication with prisoners and those whose bank accounts show that there have been deposits in their bank accounts which calls for explanation. Their provenance is so suspect and some tried to explain that the money comes from a side business but most of them embarrassingly have explained that the moneys are gains (…) », est-il stipulé dans le rapport.
Un ex-haut gradé des prisons : « Il faut mieux rémunérer les gardiens pour réduire la tentation »
Sollicité pour une déclaration sur ce qu’il pense de la connivence entre certains gardiens et les prisonniers, un ancien haut gradé de la prison centrale de Beau-Bassin fait comprendre que la lutte contre ce problème ne se limite pas aux mesures répressives. « Il est crucial d’améliorer les conditions de travail et la rémunération des gardiens afin de réduire les tentations de corruption. La formation continue et la sensibilisation à l’importance de l’intégrité professionnelle sont essentielles pour créer une culture de responsabilité au sein du personnel pénitentiaire », dit-il.
L’administration carcérale : «Des mesures sont prises pour renforcer la sécurité»
L’administration pénitentiaire affirme que des initiatives ont été enclenchées afin de renforcer la sécurité au sein de toutes les prisons. « Nous adoptons des stratégies afin de renforcer la sécurité de nos prisons. De grands défis nous attendent. La sécurité est en train d’être renforcée dans toutes nos prisons », assure-t-elle.
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