
L’accord historique entre Maurice et le Royaume-Uni sur l’archipel des Chagos, signé le 22 mai 2025, devrait être ratifié vers la fin du mois de mai 2026. C’est ce qu’a indiqué l’Attorney General Gavin Glover. Selon lui, le premier paiement de la Grande-Bretagne est attendu dans le sillage de cette ratification.
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Le 22 mai 2025 restera une date mémorable dans l’histoire mauricienne. Comme l’a souligné le président de la République, Dharam Gokhool, lors de l’émission Au cœur de l’info, cette journée marque un succès diplomatique et politique majeur. « Maurice n’a pas fait grand bruit, mais a misé sur la carte diplomatique pour faire face à deux grandes puissances, et c’est le soft power diplomacy qui l’a emporté », a-t-il déclaré.
L’accord confirme que Maurice retrouve sa pleine souveraineté sur l’archipel des Chagos, territoire qui avait été « confisqué » lors de l’accession du pays à l’indépendance, selon l’Attorney General Gavin Glover. Le président a souligné que cette réussite transcende les clivages politiques, tous les gouvernements successifs ayant contribué à cette victoire. « La solidarité mauricienne doit primer et tous les Mauriciens doivent être fiers, car c’est un événement mémorable », a-t-il insisté, ajoutant que le 22 mai 2025 constitue « un tournant de l’histoire du pays ».
Nouvel accord
L’Attorney General Gavin Glover, qui a mené les négociations depuis l’installation du nouveau gouvernement en novembre 2024, considère cette réussite comme « une mission accomplie ». Il partage « une grande fierté avec les Chagossiens, qui sont des Mauriciens à part entière ».
Il a expliqué que la différence fondamentale avec l’accord politique d’octobre 2024, sous l’ancien gouvernement, réside dans la nature de la souveraineté accordée. Le nouvel accord garantit une souveraineté complète à Maurice. « Ce n’est pas un bail, mais un droit d’occupation », a précisé Me Gavin Glover, expliquant que Maurice autorise désormais la Grande-Bretagne à occuper Diego Garcia contre paiement d’un loyer.
L’Attorney General a soutenu que, plutôt que de se précipiter, le nouveau gouvernement, en place depuis novembre de l’année dernière, a pris le temps de faire un état des lieux complet. Il a expliqué que, pour le Premier ministre Navin Ramgoolam, l’accord précédent ne pouvait être signé, car la souveraineté n’était pas complète.
Le document devrait être ratifié vers mars ou avril 2026, avec un premier paiement prévu fin mai 2026. L’influence du président Donald Trump a également joué un rôle, celui-ci ayant « compris qu’il avait besoin de la base militaire de Diego Garcia et approuvé que les Britanniques signent l’accord », selon Me Robin Mardemootoo, qui a aussi participé à l’émission.
Au cœur de cette victoire se trouve Olivier Bancoult, responsable du Groupe Réfugiés Chagos (GRC) et figure emblématique du combat chagossien depuis plus de trente ans. Il a rendu hommage aux femmes qui ont initié cette lutte, notamment Lisette Talatte et Charlesia Alexis, qui sont décédées. « C’est par elles que la lutte a commencé », a-t-il rappelé, se disant convaincu qu’elles doivent être heureuses là où elles sont.
Malgré les obstacles, notamment le comportement de certains journalistes britanniques qui ont été « one sided », les Chagossiens « n’ont pas baissé les bras », selon lui. Aujourd’hui, l’accord permet enfin aux Chagossiens de retourner sur Peros Banhos et Salomon, un droit qui leur avait été refusé jusqu’alors.
Le fonds destiné aux Chagossiens servira de compensation et financera des aides dans les domaines de la santé, de l’éducation et du développement culturel, a expliqué Olivier Bancoult. « On ne pouvait s’attendre à un meilleur deal », a affirmé le président du GRC.
Les défis de la réinstallation
La réinstallation soulève des défis considérables qu’Olivier Bancoult reconnaît. Le processus « ne se fera pas du jour au lendemain », a-t-il concédé. Selon lui, l’archipel recèle un potentiel économique considérable. Il a évoqué les milliers de cocotiers, les ressources halieutiques très demandées mondialement et les possibilités de développement de l’écotourisme. Des rencontres sont programmées pour mettre en place un plan de réinstallation détaillé.
L’observateur Jean-Claude de l’Estrac soulève néanmoins des questions pratiques, s’interrogeant sur les conditions de vie à Peros Banhos et à Salomon, comparées aux infrastructures existantes à Diego Garcia. « Qu’est-ce que les Chagossiens vont faire à Peros Banhos ou à Salomon sans les aménités nécessaires ? », demande-t-il.
Une dimension délicate concerne la présence continue de la base militaire américaine. Olivier Bancoult a adopté une position pragmatique, respectant « ceux qui disent qu’il faut enlever la base militaire », tout en estimant que « la communauté chagossienne pense que son droit fondamental est plus important ». Il envisage une cohabitation pacifique, car partout où il y a une base militaire, il y a eu cohabitation avec les habitants. Ce qui doit être possible pour les Chagossiens aussi, selon lui. Il imagine même des opportunités d’emploi pour les Chagossiens au sein de la base.
Me Robin Mardemootoo a expliqué que les Anglais « pouvaient être soit des occupants illégaux, soit accepter l’accord pour régulariser leur situation ». Face à la pression croissante, « ils n’ont pas eu le choix ».
Voix divergentes
L’accord ne fait pas l’unanimité. Jean François Nellan, de Chagossian Voices, annonce que son groupe « va tenter par tous les moyens de renverser cette décision ». Il a déploré que l’accord « ne parle pas de compensation pour les Chagossiens ni de plan pour la réinstallation ». Jean François Nellan a revendiqué un droit à l’autodétermination, estimant que « les Chagossiens auraient dû pouvoir décider sous quel gouvernement ils veulent se placer ». Selon lui, les droits humains des Chagossiens ne sont pas protégés.
Olivier Bancoult maintient, lui, une position respectueuse, mais ferme, soulignant qu’il fallait faire un choix pragmatique entre accepter ou refuser l’accord. Pour lui, l’accord correspond « au vœu de la majorité des Chagossiens ».
Héritage historique
Lindsay Rivière a exprimé son « immense fierté que Maurice ait obtenu la souveraineté des Chagos ». Il a rappelé que « la déportation des Chagossiens a été une grande tragédie humaine, et que c’est un combat qui a abouti après soixante ans ». Il évoque avec émotion le moment de la signature, qui lui a rappelé l’arrivée dramatique des Chagossiens à Maurice.
Jean-Claude de l’Estrac a souligné que les premiers combats ont été menés par Silvio Michel, avant que le Mouvement militant mauricien et la General Workers Federation ne créent « une chaîne de solidarité avec les ‘Ilois’ le nom donné aux Chagossiens à l’époque ». Cette victoire transcende les considérations politiques et représente un succès de toute la nation. L’accord ouvre des perspectives concrètes pour Maurice. L’argent reçu « va aider le pays de différentes façons pour son développement », selon lui.
Selon Lindsay Rivière, le combat de Bancoult est « une leçon pour les jeunes : ne jamais baisser les bras ». L’accord du 22 mai 2025 marque ainsi bien plus qu’une victoire diplomatique : il répare une injustice historique et ouvre la voie au retour des Chagossiens sur leurs terres ancestrales. Le Trust Fund, géré conjointement par les Chagossiens, le gouvernement mauricien et un représentant britannique, devra maintenant définir les modalités concrètes de cette nouvelle ère, selon Olivier Bancoult.

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