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Arnaques en ligne : la face cachée de l’e-commerce à Maurice

Les achats en ligne ont connu un véritable essor à Maurice ces dernières années. Vêtements, articles ménagers, gadgets, jouets, produits de beauté… Les réseaux sociaux, notamment Facebook, Instagram et TikTok, regorgent d’offres alléchantes à des prix défiant toute concurrence. Mais derrière cette tendance se cachent aussi de nombreux pièges.

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Selon le dernier rapport du CERT-MU, 5 219 incidents liés à la cybersécurité ont été recensés en 2024. Parmi eux, plus de 900 concernent directement le commerce en ligne. Une hausse préoccupante, qui témoigne d’un phénomène grandissant : les escroqueries sur les réseaux sociaux.

Des vendeurs fantômes 

Kevin, 34 ans, habitant à Curepipe, a été victime d’une arnaque alors qu’il cherchait une PlayStation d’occasion sur Facebook Marketplace.« Le vendeur m’a demandé un acompte de Rs 5 000 pour réserver la console. Il avait l’air sérieux, il m’a même envoyé une photo de sa carte d’identité », raconte-t-il.

Confiant, Kevin effectue le transfert via une application bancaire mobile. Mais dès que l’argent est envoyé, le « vendeur » le bloque et disparaît. « J’ai compris trop tard qu’il s’agissait d’un faux profil et d’une fausse carte d’identité. J’ai signalé le cas à la police, mais on m’a dit que ce genre d’arnaque est difficile à retracer », se désole Kevin.

Jessica, la trentaine, domiciliée à Vacoas, a, elle aussi, été dupée. Mère de famille et souvent pressée, elle privilégie les achats en ligne pour gagner du temps. En fin d’année, elle tombe sur une page vendant de jolies robes à prix cassés. Séduite, elle contacte le vendeur par message privé.

« Il m’a demandé Rs 1 500 pour trois robes. J’ai fait un virement bancaire et donné mon adresse et numéro de téléphone pour la livraison. Le vendeur m’ a même envoyé une preuve que le colis a été posté », raconte-t-elle. Mais les jours passent, puis les semaines, sans que le colis n’arrive. Le vendeur continue à promettre une livraison, avant de supprimer son compte.

 « J’ai compris que j’avais été arnaquée. En cherchant son nom sur les réseaux sociaux, j’ai vu que d’autres femmes avaient signalé la même personne. Mais il était trop tard », soupire Jessica.

Nalini R. souhaitait, elle, acheter des produits pour sa voiture via une plateforme en ligne. Séduite par une offre, elle effectue le paiement… mais ne reçoit jamais les articles commandés. « J’ai attendu, espérant une livraison, mais en vain. Je me suis rendu compte trop tard qu’il s’agissait d’une arnaque », confie-t-elle.

Depuis, elle est sur ses gardes. Récemment, Nalini a reçu un courriel l’informant qu’elle avait remporté une loterie. « J’ai tout de suite bloqué l’expéditeur. Je savais que c’était faux. Il faut être vigilant, car ces gens cherchent constamment de nouvelles cibles. »

Nausheen, dans la trentaine, tire la sonnette d’alarme sur une autre forme d’arnaque, plus insidieuse : les fausses opportunités de business en ligne, souvent liées à des réseaux comme Qnet. « Ce type de système piège de plus en plus de personnes à Maurice. Ce qui est le plus troublant, c’est que ce sont parfois des proches, voire des membres de la famille, qui incitent leurs proches à s’y engager », explique-t-elle. Elle appelle à une prise de conscience collective et recommande de se renseigner avant de s’impliquer dans ce genre d’activités.

Tina, elle, alerte sur une tentative d’escroquerie impliquant son mari. « Mon mari avait posté une annonce sur Facebook pour vendre son camion. Quelqu’un a récupéré la photo de notre véhicule et l’a utilisée dans une fausse annonce, avec un autre numéro et un prix plus bas, en prétendant que le camion était vendu par un département gouvernemental ! », raconte-t-elle. 

Elle ne sait pas quelles étaient les intentions de l’escroc, mais elle invite le public à rester prudent. « Ce genre de manipulation peut nuire à beaucoup de gens. Il ne faut jamais faire confiance aveuglément à ce qu’on voit en ligne », conseille l’intervenante.

En chiffres

Le chiffre d’affaires du marché du commerce électronique à Maurice est estimé à USD 387,43 millions (environ Rs 17,43 milliards) en 2025.

Une croissance annuelle moyenne de 7,15 % est prévue de 2025 à 2029.

Le marché atteindrait un volume estimé à USD 510,73 millions (environ Rs 22,98 milliards) d’ici à 2029.

À l’échelle mondiale, la Chine reste le plus grand générateur de revenus, avec un volume de marché projeté de USD 1,38 billion (environ Rs 62,1 trillions) en 2025.

Le nombre d’utilisateurs du commerce électronique à Maurice devrait atteindre 324 900 en 2029.

Le taux de pénétration des utilisateurs sera de 23,3 % en 2025, avec une hausse de 26,9 % prévue en 2029.

Le revenu moyen par utilisateur est estimé à USD 1 610 (environ Rs 72 450).

Logan Velvindron : « Choisir le paiement à la livraison, surtout si le vendeur est local » 

À l’heure où les achats en ligne explosent, les arnaques se multiplient et il devient urgent d’éduquer les consommateurs sur les bons réflexes à adopter. Logan Velvindron, membre du groupe cyberstrom.global, tire la sonnette d’alarme et partage des conseils essentiels pour éviter de tomber dans les pièges du commerce frauduleux sur Internet.

« La première chose à faire, c’est de vérifier si le business est légitime », souligne-t-il. Pour cela, Logan Velvindron affirme qu’il est indispensable de s’assurer que l’entreprise soit enregistrée, possède un Business Registration Number (BRN) et est active. Une simple recherche sur les plateformes officielles permet souvent d’éviter bien des ennuis.

Autre point crucial: ne jamais effectuer de paiement avant de recevoir le produit, même si l'on vous demande un acompte de 25 %, 50 % ou de 100 %. « Il vaut mieux opter pour le paiement à la livraison, surtout si le vendeur est local », ajoute-t-il. 

Logan Velvindron insiste également sur l’importance de consulter les avis clients. « Si les retours sont nombreux et négatifs, notamment sur la non-livraison des produits, c’est un signal d’alerte clair », explique-t-il.
Il déplore un paradoxe inquiétant. « Quand il s’agit de transactions en face-à-face, les gens sont méfiants, ils ne donnent pas leur argent tout de suite. Mais dès qu’il s’agit d’un site avec un joli design et des prix attrayants, la vigilance disparaît », met-il en avant. Pour lui, cette situation est avant tout une question d’éducation à la culture numérique.

Dans ce contexte, il encourage les vendeurs à s’enregistrer comme entreprise : « Beaucoup profitent du système pour se faire de l’argent facile sans être en règle. Ce n’est pas juste pour les consommateurs ni pour les commerçants honnêtes », indique Logan Velvindron. 

Types d’arnaques les plus fréquentes 

Faux sites ou pages Facebook vendant des produits à bas prix.
Le client paie, mais ne reçoit jamais le produit (ou c’est une contrefaçon).

Hameçonnage (phishing)
Faux e-mails ou SMS prétendant venir de banques, de la Mauritius Revenue Authority ou de la poste, demandant des informations personnelles ou bancaires.

Arnaques sur les réseaux sociaux
Faux profils envoyant des messages sentimentaux ou de promesse de mariage/d’argent (arnaques sentimentales).
Jeux-concours ou « giveaways » frauduleux.
Investissements frauduleux/crypto/forex
Promesse de rendements rapides et élevés, souvent sous forme de pyramides de Ponzi.
Plateformes sans régulation.

Arnaques à la loterie ou héritage
Vous recevez un message disant que vous avez gagné de l’argent ou que vous avez hérité d’un inconnu, mais qu’il faut payer des frais pour recevoir l’argent.

Escroqueries par usurpation d’identité
Quelqu’un utilise vos informations pour escroquer d’autres personnes ou ouvrir des comptes frauduleux. 

Claude Cannabady, président de la Consumers’ Eye Association : « Les arnaqueurs savent jouer avec la psychologie des gens »

Est-ce que la Consumers. Eye Association (CEA) reçoit plus de plaintes concernant des arnaques en ligne ?
Oui, nous recevons régulièrement des plaintes liées à des arnaques, surtout sur les réseaux sociaux. Ce sont souvent des offres très alléchantes, pour des produits à des prix dérisoires. Beaucoup de gens tombent dans le piège parce qu’ils ne se rendent pas compte qu’il s’agit d’une arnaque. Le problème, c’est que ces escrocs savent jouer avec la psychologie : ils demandent de petites sommes, ce qui n’éveille pas tout de suite les soupçons.

Que fait la CEA pour sensibiliser les consommateurs ?
Nous avons déjà conçu un pamphlet informatif que nous distribuons gratuitement à ceux qui en font la demande. Il explique comment repérer une arnaque, donne des conseils pratiques et des exemples concrets. Nous publions aussi régulièrement des conseils dans la presse, sur notre site Internet et nos réseaux sociaux. Il est essentiel d’éduquer les consommateurs, surtout ceux qui ne sont pas familiers avec les pièges en ligne.

Pensez-vous que les autorités en font assez ?
Il y a encore beaucoup à faire. Il faut que les autorités mettent en place des règles plus strictes et qu’il y ait une réelle volonté de sensibiliser la population. Pourquoi ne pas instaurer une chronique hebdomadaire dans les journaux ou à la télévision ? Un petit coin « conseils aux consommateurs » pour aider les gens à y voir plus clair. Aujourd’hui, à Maurice, notre plus gros problème, c’est le manque d’information claire, concise et accessible.

Que conseillez-vous aux consommateurs ?
Il faut être vigilant. Si une offre paraît trop belle pour être vraie, c’est probablement une arnaque. Il ne faut jamais envoyer d’argent à des inconnus, surtout via des applications bancaires mobiles ou un virement bancaire. Et il est important de rapporter tous les cas, même si la somme est petite. C’est la seule façon de faire bouger les choses. La sensibilisation régulière est notre seule arme contre ces escrocs bien organisés.


Jayen Chellum (Acim) : « Il est temps de mettre de l’ordre dans le commerce en ligne »

Avec l’explosion du commerce en ligne à Maurice, les plaintes se multiplient. Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (Acim), tire la sonnette d’alarme depuis plusieurs années. Il estime qu’il faut un encadrement légal pour protéger les consommateurs face aux dérives du commerce en ligne.

« Nous recevons de plus en plus de plaintes concernant des arnaques en ligne. Que les transactions soient locales ou internationales, les consommateurs perdent souvent de l’argent », explique Jayen Chellum.
Mais les arnaques ne sont qu’une facette du problème. Il met aussi en avant des pratiques trompeuses. Les produits ne correspondent pas à leur description. La qualité est médiocre. Il n’y a pas de garantie ou de possibilité de retour. « Au-delà des arnaques, il y a aussi les écarts entre ce qui est proposé et ce qui est réellement livré. » 

Jayen Chellum rappelle que l’Acim milite depuis longtemps pour une législation adaptée. « Dès avant 2014, nous avons demandé une loi sur le commerce en ligne. Lors de la Journée mondiale des droits des consommateurs, nous avions déjà évoqué ce sujet. Malheureusement, aucune loi n’a été adoptée et le marché est resté livré à lui-même. »

Selon lui, la crise de la covid-19 a mis en lumière le caractère chaotique du secteur. « C’était la pagaille. Il y a eu de nombreux abus et les consommateurs se retrouvaient sans protection. »

Aujourd’hui, l’Acim salue l’initiative du ministre du Commerce, Michael Sik Yuen, qui a engagé une collaboration étroite avec l’association. « Le ministre nous a contactés dès le départ. Nous avons eu une longue session de travail avec le ministère, en présence du secteur privé. Il nous a présenté le draft de la loi et a pris en compte nos avis. Nous avons pu faire des suggestions d’amendements, ce qui est très positif. Il y a une réelle valorisation de notre rôle, contrairement au passé. »

La future loi prévoit l’obligation d’un permis pour le commerce en ligne, avec des amendes prévues en cas de non-respect. « C’est une avancée importante. Cette loi va définitivement mettre de l’ordre. Elle est bénéfique pour les consommateurs, mais aussi pour les opérateurs honnêtes, qui souffrent de la concurrence déloyale de vendeurs peu scrupuleux. »

Selon Jayen Chellum, cette législation arrive à point nommé. « Il y a trop d’abus, et certains opérateurs causent du tort sans assumer leur responsabilité. Avec cette loi, les droits des consommateurs seront enfin mieux protégés. » 

Comment éviter les arnaques en ligne ?

• Vérifiez si l’entreprise est enregistrée (BRN actif)
•  Ne payez jamais à l’avance sans garantie
• Lisez les avis des clients en ligne
• Utilisez des paiements sécurisés (Juice, Paypal, etc.)
• Achetez uniquement sur des sites avec https et un cadenas
•  Contactez le vendeur avant de commander
•  Méfiez-vous des prix trop bas ou trop alléchants
•  Demandez toujours une preuve de paiement
• Signalez les arnaques aux autorités compétentes 

La Covid-19 a provoqué l’essor du commerce en ligne

Selon l’International Trade Administration, le commerce en ligne à Maurice est encore limité. Mais sa popularité a augmenté à la suite de l’épidémie de covid-19, qui a entraîné des confinements.

Le plus grand segment du marché du commerce en ligne mauricien en 2020 était la mode. Le volume du marché était de 48,6 millions de dollars. Le marché de l’électronique et des médias suivait avec 27,4 millions de dollars. Il y avait ensuite les aliments et les soins personnels (14,3 millions de dollars), les meubles et les appareils (7,3 millions de dollars). Les jouets, les loisirs et le bricolage représentaient 5,5 millions de dollars. Le rapport 2021 de Statista sur Maurice prévoit que les revenus du commerce en ligne connaîtront une croissance annuelle moyenne de 16,5 % jusqu’en 2025, et que la valeur totale des transactions FinTech augmentera de 24,2 % jusqu’en 2025. En 2020, la valeur des transactions au sein du marché FinTech s’élevait à 459,7 millions de dollars, et le plus grand segment était celui des paiements numériques, avec un volume de 395 millions de dollars.

Commerce en ligne : une loi est en préparation

Le ministère du Commerce et de la Protection des consommateurs s’apprête à présenter une nouvelle législation au Conseil des ministres. Elle vise à encadrer le commerce en ligne à Maurice. Ce texte de loi, actuellement en cours de finalisation, imposera notamment l’obtention d’un permis pour tout vendeur en ligne, ainsi que des obligations claires en matière de garantie et de droit de retour.

Ces dernières années, le commerce en ligne a connu un essor notable dans le pays. Cependant, cette croissance rapide s’est faite en l’absence d’un cadre réglementaire solide, exposant les consommateurs à des pratiques commerciales douteuses, voire abusives. Pour remédier à cette situation, le gouvernement entend mettre en place une loi qui permettra de mieux protéger les acheteurs en ligne.

Il y a eu récemment une réunion consultative qui a réuni plusieurs acteurs clés du secteur. L’Association pour la protection des consommateurs de Maurice, la Chambre de commerce et d’industrie et la General Retailers Association ont participé à cette consultation. Ensemble, ils ont posé les bases d’un projet de loi pour réguler le commerce électronique.

Derrière la promesse de rapidité et d’abondance de choix, les plateformes de vente en ligne sont devenues omniprésentes dans le quotidien des Mauriciens. Mais cette accessibilité s’est souvent faite au détriment des droits des consommateurs. Les produits ne sont pas toujours livrés, il n’y a pas de garanties, il est impossible de retourner un article et les prix fluctuent. Ces situations laissent les acheteurs sans recours.

Le ministre Michael Sik Yuen se veut rassurant. « Il ne s’agit pas de freiner le développement du commerce en ligne. Bien au contraire, notre objectif est de professionnaliser ce secteur en plein essor et d’assurer une meilleure protection des droits des consommateurs. »

La pièce maîtresse de cette réforme sera l’introduction d’un permis e-commerce, obligatoire pour toute activité commerciale en ligne. Les entreprises établies et les particuliers qui proposent des produits à la vente sur les réseaux sociaux devront détenir ce permis. Cette mesure vise à instaurer plus de transparence, de responsabilité et surtout, de sécurité pour le consommateur mauricien.


 

 

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