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Anil Gayan : «Les lobbies gangrènent le secteur de la santé»

L’ancien ministre de la Santé, Anil Gayan, estime qu’il est essentiel d’avoir des gestionnaires pour s’occuper de l’administration des hôpitaux.

Face aux divers problèmes d’insalubrité constatés dans certains établissements hospitaliers du service public, l’ancien ministre de la Santé Anil Gayan évoque un manque de « bonne gestion » et de professionnalisme. Il est également d’avis qu’il y a une prédominance de lobbies qui gangrènent le secteur.

«Je crois que le problème réside au niveau de l’administration. Il semble qu’il n'y ait pas de ‘bonne gestion’. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé que l’administration des hôpitaux soit confiée à un gestionnaire et que la gestion clinique soit assurée par un médecin, comme c’est le cas actuellement », dit Anil Gayan, ancien ministre de la Santé. Pour lui, il est essentiel d’établir cette distinction, car les médecins sont souvent très occupés à d’autres tâches et n’ont pas suffisamment de temps pour gérer un établissement de santé. Il fait remarquer que cette idée n’est pas nouvelle, mais c’est quelque chose qu’il voulait mettre en place en son temps. Cependant, cela n’a pas fonctionné en raison de divers lobbies, selon lui.

Hospitalité et hôpital

Sans remettre en cause les compétences des Regional Health Directors (RHD), Anil Gayan souligne qu’en plaçant des gestionnaires à la tête des hôpitaux, ceux-ci pourront mieux veiller à la gestion des établissements de santé. « Comme je l’ai toujours dit, un hôpital est similaire à un hôtel. ‘Hospitalité et hôpital’, ont la même racine. Il faut que ceux qui gèrent un hôpital accordent la même importance à la qualité des repas servis aux patients, à l’accueil, aux soins et aux soins post-opératoires, comme ils le feraient dans un hôtel », plaide Anil Gayan.

Si chacun faisait honnêtement et professionnellement son travail en échange de son salaire, nous ne serions pas dans la situation actuelle»

L’ancien ministre de la Santé estime également qu’il y a beaucoup d’incompétence, de manque de volonté des personnes concernées, ainsi qu’une absence de professionnalisme latent. « Chacun est censé s’acquitter de tâches spécifiques. Par exemple, en ce qui concerne les médicaments périmés, il existe un protocole pour s’en débarrasser, mais on ne le suit pas. Il faut se demander pourquoi. Quelles sont ces raisons cachées qui entravent le bon fonctionnement de l'administration ? », s’interroge l’ancien ministre de la Santé.

« Lorsque j’étais ministre, j’organisais régulièrement des réunions avec l’ensemble des cadres pour veiller à ce qu’il n’y ait pas de problèmes de ce genre. Cependant, lorsqu’on tente d’instaurer de l’ordre, il y a toujours des résistances », déplore-t-il. Il cite en exemple le problème des spécialistes qui quittaient leur poste pour aller exercer dans des cliniques, alors qu'ils étaient censés rester à l’hôpital. Le combat qu’il a mené contre cela serait l’une des raisons pour lesquelles il a été évincé du ministère de la Santé pour rejoindre celui du Tourisme. « Je crois qu’il existe de nombreux lobbies à Maurice qu’il faut démanteler. Si nous y parvenons, tout fonctionnera correctement. Les lobbies sont présents partout, parmi les médecins, les spécialistes, dans le domaine des achats, et au sein de l’administration », pense Anil Gayan.

Sabotage délibéré ?

Alors que certains évoquent le manque de personnel pour « justifier » certaines lacunes, Anil Gayan n’y croit pas vraiment. « Si chacun faisait honnêtement et professionnellement son travail en échange de son salaire, nous ne serions pas dans la situation actuelle », souligne-t-il. Il déplore également l’absence de contrôle et de supervision de la part des responsables pour s’assurer que les subalternes exécutent correctement leur travail.

Il faut que ceux qui gèrent un hôpital accordent la même importance à la qualité des repas servis aux patients, à l’accueil, aux soins et aux soins post-opératoires, comme ils le feraient dans un hôtel»

Jetant un pavé dans la mare, Anil Gayan se demande si ce qui se passe dans les hôpitaux n’est pas délibéré afin de ternir l’image des établissements de santé du service public au profit de ceux du secteur privé. « J’ai posé la question, mais je n’ai pas la réponse », déclare-t-il. Il étaye ses propos en faisant référence à la prolifération de cliniques privées dans le pays. « Pour une population de 1,2 million d’habitants, y a-t-il vraiment autant de travail pour les cliniques ? », s’interroge-t-il. Pour Anil Gayan, la réalité brutale est que si une personne malade découvre la qualité des prestations que nous avons vue dans les vidéos et les photos qui ont circulé, elle préférera se rendre dans une clinique où elle recevra de meilleurs soins, si elle en a les moyens, plutôt que d’aller à l'hôpital.

Financement des soins

Pour Anil Gayan, il est évident que les cliniques privées sont des entreprises, ce qui est leur droit. Lorsqu’il était ministre de la Santé, son objectif était que chaque patient mauricien qui se rend à l’hôpital bénéficie du même traitement, des mêmes soins et de la même attention qu’il aurait reçus dans une clinique privée. Il insiste sur la nécessité d’une équité entre les services publics et privés, tant en termes de traitement que de tarification.

Il déplore également les appels à la solidarité pour collecter des fonds afin que les patients qui ne peuvent être soignés à Maurice puissent recevoir des traitements à l’étranger, en particulier en Inde. Anil Gayan rappelle qu’il avait mis en place un système pour faire venir des spécialistes étrangers à Maurice afin de prendre en charge les cas difficiles, de sorte que les patients n’aient pas à voyager. Il regrette que cette pratique semble avoir été suspendue en raison de l’influence des lobbies qui envoient les patients en Inde pour y être traités. « C’est dramatique, mais c’est ainsi », conclut-il.
Quant à la politique de financement des patients qui ne peuvent être traités dans les hôpitaux du service public et qui doivent recevoir des soins dans des cliniques privées disposant des installations nécessaires, Anil Gayan se demande si les institutions bancaires et les cliniques concernées ont réellement accepté cet accord de manière désintéressée, ou s’il existe des raisons occultes derrière cela. « Est-ce réellement par altruisme ou y a-t-il d’autres motivations cachées ? », se demande-t-il.

C’est une erreur d’avoir un médecin comme ministre de la Santé 

« Placer un médecin à la tête du ministère de la Santé est la plus grande erreur que nous ayons pu commettre », affirme-t-il. Selon lui, ce ministère doit être dirigé par une personne neutre, dévouée, et courageuse pour prendre des décisions sérieuses dans l’intérêt des patients et de la population. Il insiste également que pour améliorer la situation dans le service de santé publique, il est essentiel d’avoir des gestionnaires pour s’occuper de l’administration des hôpitaux.

Privatisation de certains services

Diverses mesures sont proposées pour améliorer la qualité des repas servis aux patients et aux membres du personnel. Parmi, la privatisation du service est évoquée. Cependant, cela ne semble pas être la solution, car les employés des cuisines ont été formés pour la préparation de repas adaptés aux patients, conformément aux recommandations des nutritionnistes, affirme le responsable d’un des établissements.

Ceux que nous avons sollicités s’accordent toutefois à dire qu’un effort devrait être fait en ce qui concerne la salubrité des lieux et que des améliorations doivent être apportées au niveau des équipements. Le département devrait disposer de plus de main-d’œuvre et d’une équipe dédiée au nettoyage après le service.

Par ailleurs, si des mesures ont été prises pour faire appel au privé pour l’éradication « plus rapide et efficace » de la présence de rongeurs et de punaises dans certains établissements, il sera difficile d’en venir à bout de ces dernières, selon un employé des urgences. « Ces bestioles sont partout, et ce sont souvent les patients qui les ramènent, que ce soit de chez eux ou des transports en commun », affirme-t-il. Selon lui, malgré tous les efforts consentis, le problème va persister. 

 

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