
Suspecté d’avoir foncé en voiture sur un policier et un enfant de cinq ans, Nyjel Beerjeraz, 21 ans, a été violemment interpellé mercredi à Roche-Bois. Si les circonstances de son arrestation inquiètent en raison des images montrant l’usage apparent de violences policières, elles relancent le débat sur la proportionnalité de la force et le respect des droits en situation d’intervention.
C’est une scène qui choque autant qu’elle interroge. Un jeune homme à demi nu, inerte sur l’asphalte de Karo Kalyptis, battu à coups de matraque et de pieds par des policiers en civil, casqués. La scène a été filmée à Roche-Bois, cette semaine, lors de l’interpellation de Nyjel Jésus Valentin Beerjeraz, 21 ans, déjà fiché pour plusieurs délits et suspecté d’avoir tenté de foncer sur un policier ainsi qu’un enfant de cinq ans à bord d’une voiture volée à son grand-père.
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Une arrestation menée par la Division Crime Intelligence Unit (DCIU) de Metro North… mais dont la violence a fait basculer le débat vers un autre champ : celui de la légalité et de l’éthique policière. L’indignation est immédiate.
L’organisation Droits Humains Océan Indien (DIS-MOI) a réagi avec fermeté. Dans un communiqué, elle se dit « profondément préoccupée » par les images, et exige « l’ouverture immédiate d’une enquête indépendante ». Elle affirme que l’usage de la force, tel que visible sur la vidéo, constitue une « grave violation des droits humains », porte atteinte à l’État de droit et érode la confiance du public envers les forces de l’ordre.
Pour DIS-MOI, la brutalité policière n’est pas une bavure isolée : c’est un symptôme. Celui d’un État de droit en tension, où l’usage de la force se déploie parfois en dehors des balises constitutionnelles. « Un criminel a des droits, même lorsqu’il est interpellé », martèle l’organisation dans son communiqué. Or, selon elle, ce n’est pas la présomption d’innocence qui a dominé l’opération policière le mercredi 30 avril 2025 ; c’est la loi du talion, filmée à ciel ouvert.
Un cadre légal pourtant clair
L’organisation rappelle que Maurice est signataire de la Convention de l’Organisation des Nations unies contre la torture et de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples. Elle ajoute que l’article 77 du Code pénal mauricien interdit explicitement les actes de torture ainsi que les traitements inhumains et dégradants par des agents de l’État. DIS-MOI précise que la législation est là et les engagements internationaux aussi, mais elle regrette que sur le terrain, la pratique semble s’en affranchir. Dans son communiqué, DIS-MOI réclame « l’ouverture immédiate d’une enquête indépendante ».
La police avance, pour sa part, que « la version des faits des policiers a été recueillie ». Quid de l’enquête réclamée ? « Nous le ferons en temps et lieu », a-t-elle répondu. Du côté de l’Independent Police Complaints Commission (IPCC), on confirme que l’enquête n’est pas encore enclenchée.
« Les proches de la victime ne sont pas encore venus déposer », explique-t-on. L’IPCC affirme qu’une fois la plainte enregistrée, une enquête sera immédiatement lancée. « Les proches peuvent également faire leur déposition au poste de police. Ensuite, la police transmettra le dossier à l’IPCC dans un délai de 48 heures », fait-on comprendre.
Un attentisme que dénoncent certains, à l’instar de Jean Marie Richard. Ce militant des droits humains, qui affirme avoir été lui-même victime de violences policières en 2009, se dit indigné : « C’est comme ça que la police agit dans un pays civilisé ? Avec des casques et des gourdins ? Fallait-il défoncer le pare-brise de la voiture et continuer à taper le prévenu alors qu’il était inconscient au sol ? » Pour lui, « la ligne rouge a été franchie ». Il exige, lui aussi, une enquête immédiate, transparente et indépendante.
Un traitement à deux vitesses
Sur la page de son groupe Facebook, Bruneau Laurette remet en question les méthodes de la DCIU. « Ti kav atann li sorti dan Residential Area apre fer kours pourswit », a-t-il souligné. Il dénonce les violences infligées au suspect ainsi que la détérioration volontaire de la voiture, accusant les agents de « damaging property ».
Bruneau Laurette critique un système à deux vitesses car, selon lui, ce sont les policiers qui sont fautifs et ceux-ci n’ont, jusqu’à présent, pas été inquiétés. Il lance un appel au commissaire de police pour que les sanctions appropriées soient prises à l’encontre de ceux qui ont fauté.
« Breakdown du Law and Order »
Choqué par la vidéo, l’avocat Neil Pillay parle de « breakdown du Law & Order au sein de la police ». Il évoque des délits possibles commis par des membres des forces de l’ordre. Selon lui, les policiers concernés peuvent être poursuivis pour violences caractérisées et agression au vu des images de la vidéo.
L’avocat précise que, peu importe le délit qu’aurait commis le suspect, l’usage de la violence à son égard n’était pas justifié. Il rappelle que, même en cas de délit grave, les policiers n’ont pas le droit de frapper un suspect sans nécessité absolue. S’exprimant sur l’éventualité où les forces de l’ordre se retrouveraient en position de faiblesse sur le terrain, il concède qu’ils peuvent utiliser la force pour se défendre, sans pour autant s’acharner sur leur cible.
Selon lui, cette situation traduit une chose : une crise de leadership à plusieurs niveaux. « On a beau faire de jolis discours, mais il est important de prendre des mesures appropriées pour éviter que la marmite n’explose. » Il s’interroge sur l’impact de cet événement sur l’image de la force policière auprès du public.
Nygel Beerjeraz hospitalisé sous surveillance policière
Placé sous surveillance policière à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo depuis le mercredi 30 avril 2025, Nygel Beerjeraz récupère progressivement de ses blessures. Vendredi, ses médecins traitants jugeaient son état de santé stable, disant qu’il était hors de danger. Il est encore en observation médicale.
Il devrait quitter l’établissement hospitalier à partir de la semaine prochaine, avant d’être présenté devant la justice. Initialement admis en salle de traitement pour soigner ses blessures, il a ensuite été transféré en salle d’observation. Depuis, un agent de police l’accompagne en permanence.
D’après des informations émanant de sources proches du dossier, les enquêteurs considèrent Nygel Beerjeraz comme suspect dans une affaire de tentative de meurtre. Il lui est reproché d’avoir notamment tenté de foncer sur des policiers au volant d’une voiture volée appartenant à son grand-père. En outre, le suspect faisait l’objet de recherches pour divers délits antérieurs. Parmi ceux-ci figurent des vols, dont certains avec violence, visant parfois ses propres proches. Les victimes présumées ont déjà déposé plusieurs plaintes à cet égard.

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