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Agaléga : les raisons de la convoitise indienne

L’intérêt de l’Inde pour Agaléga est au centre des spéculations, tant à Maurice que dans la Grande péninsule. Pourquoi l’Inde injecte-t-elle autant d’argent dans cette île de 300 habitants ? Quelques éléments de réponse.

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■ Ressources marines : Arvin Boolell évoque les ressources pétrolières

Jusqu’à la semaine dernière, plus d’un croyait que l’intérêt indien pour Agaléga était principalement de nature militaire. La Grande péninsule souhaiterait marquer sa présence au sud de l’océan Indien pour faire obstacle aux Chinois. L’ancien ministre des Affaires étrangères, Arvin Boolell, a versé un élément au dossier, apportant un éclairage nouveau à ce débat.

Il est persuadé que toute cette région indianocéanique est riche en ressources naturelles et regorge de pétrole et de gaz naturel. Arvin Boolell se base sur des rapports rédigés par les Américains. « Il est indéniable que l’océan Indien dispose d’un potentiel énorme », clame-t-il.
Selon des recoupements, certaines voix à l’Hôtel du gouvernement n’excluent pas une telle possibilité. Elles préfèrent, toutefois, jouer la carte de la discrétion. Si tel est le cas, l’Inde se positionnerait pour exploiter ces ressources marines.

La République de Maurice dispose d’une vaste zone économique exclusive (ZEE) maritime de 1,9 million de km2. Si l’on y ajoute l’extension du plateau continental de 400 000 km2, cogéré avec les Seychelles, cela représente un territoire maritime de 2,3 millions de km2.

En 2010, la France avait signé avec Maurice un accord de cogestion sur Tromelin dont la ZEE de 280 000 km2 est très riche en poisson, particulièrement en thon. Au sud de l’océan Indien, la France est présente aux îles Kerguelen, où l’on trouve des ressources non négligeables de poissons pélagiques (légine). La ZEE mauricienne se trouve donc au centre de cette zone économiquement importante.

■ Développements d’infrastructures : fin des travaux avant 2019

Le ministre des Collectivités locales, Mahen Jhugroo, est de ceux qui accueillent favorablement les engagements pris par la Grande péninsule pour développer l’archipel d’Agaléga. Notamment avec la construction d’une jetée moderne, qui permettra aux bateaux de croisière d’accoster, et la construction d’une nouvelle piste d’atterrissage. Lors d’un point de presse tenu samedi avec des membres de la majorité gouvernementale, Mahen Jhugroo a dit espérer que ces travaux de développement soient finalisés d’ici 2019. Pour le porte-parole du gouvernement, Étienne Sinatambou, la piste d’atterrissage actuelle se trouve dans un état déplorable. « Cette piste avait été construite en 84/85, sous un gouvernement majoritairement MSM. Elle faisait 1,3 km de long. Elle a été abîmée et dans les années 90, la situation s’est nettement détériorée », a-t-il expliqué.

Aéroports de Paris avait, en 1999, recommandé que Maurice procède à des travaux de réparation. Ils ont, en effet, été entrepris, « mais le bitume  utilisé pour la piste n’a pas tenu. Depuis 2003, plusieurs initiatives pour améliorer cette piste d’atterrissage se sont avérées vaines ».  Pour le ministre de l’Environnement et de la Sécurité sociale, Maurice et l’Inde ont des intérêts communs pour le développement paisible de l’océan Indien. Le Premier ministre Pravind Jugnauth a abondé dans le même sens, lundi dernier. « Les infrastructures comprennent une piste d’atterrissage et une nouvelle jetée. Le Dornier atterrit aujourd’hui avec un élément de risque. Ces aménagements corrigeront la donne », avait-il laissé entendre.

■ Présence militaire indienne : la porte est ouverte

L’intérêt manifesté par l’Inde pour Agaléga est associé à la création d’une base militaire sur l’archipel. Interrogé sur une telle éventualité, Pravind Jugnauth a affirmé que son gouvernement savait dans quelle direction il se dirigeait. « Je sais ce que nous voulons faire. Il y a un rapprochement encore plus grand entre Maurice et l’Inde. Les gens verront si nous avons cédé notre territoire pour en faire une base militaire. » Le Premier ministre n’a, toutefois, pas fermé la porte à d’éventuelles installations militaires. « Nous n’avons pas les moyens de surveiller cette zone. Des pirates somaliens attaquent les bateaux. C’est pourquoi l’Inde, pays ami, est prête à nous donner ce coup de main », a-t-il fait ressortir. Samedi, Étienne Sinatambou a abondé dans le même sens. « La région océan Indien est exposée à diverses menaces : terrorisme, trafic humain et trafic de drogue, entre autres. Ce sont des réalités auxquelles nous devons faire face. Nous n’avons pas les moyens de surveiller notre zone économique exclusive », a-t-il insisté.

Transparence

Si l’ex-ministre Arvin Boolell dit accueillir favorablement ces développements d’infra-structures, il invite le gouvernement à être davantage transparent « Selon mes informations, l’Inde a transmis son intention de construire un port militaire sur Agaléga. Cette proposition a atterri au Conseil des ministres, mais le gouvernement ne s’est pas encore prononcé sur la question, et s’est contenté de mettre la proposition de côté », dit-il. Arvin Boollell souhaite que les différents accords signés entre l’Inde et Maurice concernant Agaléga soient rendus publics. Le Premier ministre, lui, laisse planer le doute quant à la publication de ces rapports.

L’éternelle visée indienne

L’inde est un des États qui ne manquent pas de s’intéresser à l’océan Indien, selon un ancien diplomate. « Cette région porte son nom et la Grande péninsule ne peut y être inactive », ajoute-t-il. Cette présence marquée vient aussi d’une nécessité politique. Elle prend sa source dans l’équilibre des forces avec sa grande et puissante rivale voisine, la Chine.

Souveraineté en jeu

La souveraineté de Maurice sur Agaléga fait de nouveau débat ces derniers jours, avec la récente mission officielle du Premier ministre en Inde. Conscients des visées de la Grande péninsule sur ce territoire mauricien, beaucoup d’observateurs s’accordent à dire que les services rendus par l’Inde à Maurice, notamment en matière de développement des infrastructures, auront un coût. Face à ces spéculations, le chef du gouvernement veut mettre les points sur les i : « Maurice ne cédera pas sa souveraineté aux Indiens. » Pour le Pravind Jugnauth, une telle éventualité ne tient pas la route, surtout compte tenu du combat dans lequel Port-Louis s’est engagé sur le plan international pour faire valoir sa souveraineté sur l’archipel des Chagos.

 

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