Rajendra Prasad Dassruth, aussi connu comme Swami Paramananda, a essuyé un revers le vendredi 16 décembre 2022 devant la Cour suprême. Cette instance a rejeté la motion d’outrage à la cour qu’il avait déposée contre Le Défi Media Group. Il avait avancé que le directeur du groupe de presse, Ehshan Kodarbux, et l’ancien journaliste, de ce groupe, Abhi Ramsahaye n’avaient pas respecté la règle du « sub judice ».
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Le verdict dans l’affaire opposant Rajendra Prasad Dassruth et Le Défi Media Group est tombé. La juge Rita Teelock a statué, le vendredi 16 décembre 2022, que « Le Défi Media Group n’a commis aucun outrage à la cour ». D’un côté, il y a la liberté d’expression qui est un principe fondamental dans une démocratie. De l’autre, il y a l’autorité et l’impartialité de la justice qui s’avèrent nécessaires dans une telle société. Pour la juge, la cour doit prendre en considération ces deux points dans le respect du principe de la proportionnalité.
Dans cette affaire, il y a eu la publication de deux articles (voir encadré). Pour la juge, la question est de déterminer si les défendeurs (en l’occurrence le directeur du Défi Media Group Ehshan Kodarbux et l’ancien journaliste Abhi Ramsahaye ; NdlR) étaient soumis à l’interdiction de publier des contenus faisant l’objet d’une plainte en diffamation à leur encontre devant la Cour suprême.
Dans sa motion, le plaignant (c’est-à-dire Rajendra Prasad Dassruth ; NdlR) avait avancé que les défendeurs avaient commis un outrage à la cour. Cette motion avait été déposée le 26 juillet 2013 devant la Cour suprême. Pour la juge, il est important de déterminer si le temps que cette plainte a pris empêche les défendeurs ou tout autre média de faire référence aux incidents rapportés dans le premier article publié par Le Défi Plus dans son édition du 25 février au 2 mars 2012. Autre point soulevé par la juge : la plainte en diffamation déposée par le plaignant ne peut être utilisée comme une entrave contre les défendeurs. Elle est d’avis que «toute couverture médiatique est une question de degré et de spécificité. Ici, le deuxième article ne commentait en aucune façon l’action en justice intentée par le plaignant et une tentative d’influencer la décision de l’instance. Il est évident que les deux articles étaient des événements à l’attention du public».
Attentifs à ne pas être biasés
La juge estime qu’il n’y a aucune règle selon laquelle il ne peut y avoir de publication ou de commentaire simplement parce que l’affaire est devant un tribunal. Pour elle, c’est le contenu du commentaire et la publication qui sont cruciaux et ils ne doivent pas dépasser certaines limites.
La proportionnalité de toute interdiction de publication est un exercice qui doit être effectué en mettant en balance les droits dans une société démocratique, le droit à un procès équitable et la liberté d'expression…"
« La proportionnalité de toute interdiction de publication est un exercice qui doit être effectué en mettant en balance les droits dans une société démocratique, le droit à un procès équitable et la liberté d'expression… le contenu qui s’y trouve et le fait qu’une entreprise de médias procède à une analyse oblique systématique d’une campagne de longue haleine. Ce sont tous des facteurs dont un tribunal doit tenir compte pour déterminer s’il y eu outrage », écrit-elle dans son jugement.
Rita Teelock fait cependant ressortir que « lorsqu’il s’agit d’une affaire judiciaire, les reportages de la presse doivent être corrects, précis, factuels et attentifs à ne pas être biaisés. C’est parce que le public s’y fie généralement et croit ce qui est rapporté ». Toutefois, la juge a dit être d’avis que lorsque les médias présentent une affaire relevant du domaine public, l’interprétation par le public est nécessairement plus fluide, émotionnelle et moins précise. Si l’affaire est présentée de telle manière par les médias qu’elle façonne l’opinion publique, cela peut ébranler la confiance dans la cour ; D’autant plus si celle-ci arrive à une conclusion qui va à l’encontre de la façon dont elle a été présentée au public initialement par les médias. La juge a ainsi statué : « I find that there is no clear order given by any court that the respondents (les défendeurs ; NdlR) have contravened. This is a case brought under the umbrella of civil contempt and the applicant (le plaignant ; NdlR) is very far from proving beyond reasonable doubt that there has been any breach of any order. I also find nothing in the second article which would undermine the administration of justice or which would even attempt to influence the court which will ultimately hear the plaint with summons in question. » D’où sa conclusion que la règle du « sub judice » n’a pas été bafouée et qu’aucun outrage à la cour n’a été commis.
Les articles concernés
Deux articles avaient été publiés. Le premier par Le Défi Plus dans son édition du 25 février au 2 mars 2012. Il était intitulé : « Parfum de scandale à la SAGA : Sexe, argent et religion ». ( Voir la photo)
Le deuxième article avait été publié par Le Dimanche/L’Hebdo dans son édition du 14 au 20 octobre 2012. Il s’intitulait : «Escroquerie alléguée : Le swami Paramananda dans le collimateur du CCID».
Les arguments des deux parties
Me Jacques Tsang Man Kin, avocat de Rajendra Prasad Dassruth, avait argué que si le deuxième article avait été publié par une autre personne, cela n’aurait pas constitué un outrage à la cour. Il avait attiré l’attention sur le fait que dans les deux articles, la photo du plaignant avait été publiée. Il avait concédé que le deuxième article titré « escroquerie alléguée » n’avait rien à voir avec le premier article. Mais il avait précisé qu’il y avait un lien entre les deux articles par rapport aux mots « immoraux » utilisés. Dans son argumentaire, l’homme de loi n’avait fait qu’une référence générale à la Constitution et à la liberté d’expression qui avait été restreinte par la règle du « sub judice ».
Or, selon Mes Ravind Chetty, Senior Counsel et Yashley Reesaul, les avocats des défendeurs, la Cour doit, dans ce cas présent, déterminer si c’est un outrage civil ou criminel. Ils s’étaient référé à l’affaire « Beekarry M v Mauritius Revenue Authority ». Ils avaient aussi attiré l’attention de la Cour sur le fait que l’avocat du plaignant ne cherchait pas un « gagging order » interdisant la publication d’un autre article.
La règle du « sub judice » fait débat
L’utilisation de la règle du " sub judice" est imposée par la loi sur l’outrage. La juge est d’avis que si une personne fait l’objet d’un procès au pénal, il est clair que la période de « sub judice » a commencé. Selon elle, dans ce contexte, les médias doivent alors être prudents dans leurs commentaires. Bien que ces derniers soient en mesure de rapporter et de commenter un procès en cours, ils sont soumis à certaines limites. « If the comments are too strong, the media faces the danger of defamation claims as well as the possibility of criminal liability under common-law contempt », soutient-elle.
Ci-dessous le jugement dans son intégralité :
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