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Accumulations d’eau dans le Nord : le business de location de bungalows en berne

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Le nord du pays est confronté à des accumulations constantes d’eau depuis les récentes inondations. C’est un inconvénient à la fois pour les résidents et les propriétaires de bungalow. Des touristes décommandent leur réservation à l’arrivée face à ce constat. Les propriétaires de bungalow parlent d’une baisse de 60 % de leurs chiffres d’affaires.

Un rude coup aux affaires. C’est le cas notamment pour un groupe de propriétaires de bungalows de Pereybère. Une « Prime Tourist Business Area sise juste en face de la plage publique de Pereybère et qui fait vivre de nombreux propriétaires. Certains de ces bungalows se trouvent dans des zones inondables et à chaque grosse averse, l’eau de pluie s’accumule et monte à plusieurs dizaines de centimètres. C’est d’ailleurs ce que Le Défi Plus a pu constater mercredi.  

Ajay Aubeelauck affirme que les habitants vivent difficilement cette situation au quotidien
Ajay Aubeelauck affirme que les habitants vivent difficilement cette situation au quotidien

Une situation qui n’est pas sans conséquences pour les affaires de ces petits opérateurs touristiques. « Avec ces accumulations d’eau, les touristes ne veulent plus venir ici, car ceux qui se déplacent à pied ont eu des démangeaisons et ont préféré partir. Dans ce bungalow (il nous montre un campement, ndlr), une touriste est venue la semaine dernière. Elle y est restée une heure et elle est repartie aussitôt avec ses valises. Ainsi, de nombreux touristes ont annulé leurs réservations et sont partis ailleurs. Nous n’osons même plus prendre de réservations », indique Ajay Aubeelauck qui se fait le porte-parole d’un groupe de propriétaires de bungalows. Il estime les pertes encourues à plus de 60 %. « C’est un manque à gagner énorme pour ceux qui dépendent financièrement de ce business », dit-il.

Frais annuels de Rs 75 000 à 125 000

Cette situation perdure depuis au moins deux décennies, selon Shenaz Auhammud
Cette situation perdure depuis au moins deux décennies,
selon Shenaz Auhammud

Raffick Kootbally, également copropriétaire de plusieurs appartements, soutient que les opérateurs comme lui ne travaillent que la moitié de l’année. « La saison touristique pour nous s’étend d’octobre à mars. Nous enregistrons 90 % de nos chiffres d’affaires durant ces six mois. Après, c’est la traversée du désert en attendant la prochaine saison touristique », souligne-t-il.

Siddick doit retrousser son pantalon pour sortir de chez lui.
Siddick doit retrousser son pantalon pour sortir de chez lui.

Les opérateurs mettent en avant les nombreux frais qu’ils doivent s’acquitter chaque année, comprenant notamment l’enregistrement auprès de la Tourism Authority (Tourist Accomodation Certificate) qui coute entre Rs 10 000 et Rs 30 000 par an, dépendant du nombre de chambres. Ajouté à cela, une assurance de Public Liability et de Fire & Burglary qui, au cumul, revient entre Rs 15 000 et Rs 20 000 par an. Entre Rs 3 500 à Rs 4 500 pour un service de sécurité 24/7 obligatoire. « Comme les compagnies de sécurité ne veulent pas faire de contrat pour 5 à 6 mois, il faut donc s’abonner à l’année. Il y a l’installation des caméras, l’entretien du bungalow – jardin, piscine, femmes de ménage, etc. - et sans compter les impôts sur le revenu », poursuivent nos interlocuteurs.

Le port de bottes est devenu nécessaire pour aller faire ses courses
Le port de bottes est devenu nécessaire pour aller faire ses courses

Outre les pertes économiques, ces habitants font aussi ressortir les risques sanitaires auxquels sont exposés les touristes et les propriétaires qui habitent sur place. Selon leurs dires, cette eau peut prendre 4 à 5 semaines pour s’évaporer. « Ce qui donne lieu à la prolifération des moustiques. Aussi, la région étant dépourvue du système de tout-à-l’égout, lorsque les fosses septiques débordent, l’eau contenant des excréments se mélange à cette eau accumulée dans les rues », poursuit Ajay Aubeelauck.

Présence de bœufs

Sylvio Thomas habite la région depuis 11 ans.
Sylvio Thomas habite la région depuis 11 ans.

Sylvio Thomas, qui habite la région depuis 11 ans, indique qu’une quarantaine de bœufs viennent brouter l’herbe dans les alentours. « Zot fer zot malang dan sa delo la et nou bizin mars ladan mem », déplore-t-il.  « Nous pe bizin viv dan pouritir ! », fulmine pour sa part Ajay Aubeelauck. Ce serait d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles, selon notre interlocuteur, bon nombre d’habitants ont préféré abandonner leur maison.

Une idée à laquelle le couple mauricien Dasin et Nargis Ramasamy, propriétaire d’un bungalow à Beach Lane, songe sérieusement depuis leur arrivée de France le 12 avril dernier. « Nous ne sommes restés qu’une nuit. Nous avons préféré partir dès le lendemain en louant un campement à proximité. Pa kapav reste. Latet fatige. Bizin ale », indique Nargis Ramasamy.

Dasin Ramasamy, son époux, trouve  dommage de ne pas pouvoir profiter de son bien et indique qu’il songe sérieusemente à vendre son campement si la situation ne s’améliore guère. « Mem perdi [kass] pa fer nanye. Mo nepli anvi vinn la », dit-il.

Rs 52 millions pour la construction de drains

Une bonne partie des travaux est déjà complétée.
Une bonne partie des travaux est déjà complétée.

Des travaux pour la construction de drains sont actuellement en cours à Beach Lane. Il s’agit d’un projet de la National Development Unit (NDU) au coût de Rs 52 millions. C’est la société SCL Safety Construction Ltd qui a décroché le contrat pour la construction d’un « Stormwater Drainage works at Pereybere ». Une aubaine pour les habitants de la région qui, disent-ils, attendaient ce projet avec impatience. Raffick Kootbally, propriétaire de bungalow et aussi secrétaire de Grand Baie Crime Watch souligne, cependant, que les travaux avancent lentement, se heurtant à des problèmes de « wayleave ».

Et pour ne pas arranger les choses, Raffick Kootbally craint qu’un projet de la WasteWater Management  Authority (WMA) ne vienne retarder davantage la fin des travaux. « La WMA a l’intention d’implémenter un système de tout-à-l’égout dans la région. L’asphaltage des rues ne pourra donc pas se faire sachant qu’il va y avoir des travaux d’excavation et nul ne sait quand la WMA compte entamer ces travaux. Le député Sudesh Rughoobur a toutefois donné l’assurance qu’il va se pencher sur le problème », affirme le secrétaire de Grand Baie Crime Watch.

Allo... les pompiers ?

Hunsha Nunkoo déplore l’inaction des pompiers.
Hunsha Nunkoo déplore l’inaction des pompiers.

Pourquoi les pompiers tardent-ils à extraire l’eau ? C’est la question que se pose Hunsha Husnoo, propriétaire de bungalow.

À mercredi, fait ressortir ce sexagénaire qui vit en France, cela faisait exactement huit jours que Beach Lane était sous les eaux. Il déplore l’inaction des pompiers, bien qu’ils soient présents dans la région.

D’ailleurs, alors que nous nous trouvions sur place, une équipe de la Swift Water Rescue Unit, une unité du Mauritius Fire & Rescue Service, est arrivée à Beach Lane. Les officiers faisaient, semble-t-il, un repérage des lieux, avant qu’ils ne soient abordés, sur le chemin du retour, par le groupe de propriétaires et d’habitants que Le Défi Plus a rencontré sur place. L’un des officiers a alors fait une révélation pour le moins étonnante. « Delo la pou bizin al zet dan la mer, me ena dimoun, acoz la li laplaz, zot pas le gagn sa delo sal la kot zot », a-t-il déclaré tout en donnant l’assurance que « enn gro masinn pou vini la » en vue d’extraire l’eau accumulée.

Un touriste : « On en a marre »

Des touristes sont excédés  par la situation.
Des touristes sont excédés par la situation.

« On en a marre qu’il y a toujours cette eau ici », tempête un touriste français que Le Défi Plus a rencontré sur place. Celui-ci rentrait de la plage avec une chaise rétractable dans les mains et… des bottes aux pieds. « Ça fait maintenant deux semaines que cela dure. On ne peut pas aller à la plage, au restaurant ou tout simplement se promener si on n’a pas de bottes, car l’eau est dégueulasse. Nous venons ici régulièrement, mais là, cela commence à bien faire. Je m’en vais ce samedi, mais cette situation ne m’encourage guère à revenir. Je ne pense pas recommander à mes amis de venir à Maurice », dit-il.

Jacky Ritter, un étranger marié à une Mauricienne, est d’avis que cette situation fait fuir les touristes. « Il y a beaucoup de touristes que je connaissais qui ne reviendront plus ici. Après, les autorités concernées s’étonnent qu’il y ait une baisse dans les arrivées touristiques ?! Chaque année, c’est la même chose. Pereybère est un bel endroit avec une belle plage, mais quand on voit tout ce qui s’y passe, cela donne moins envie. J’ai des amis qui viennent depuis des années, mais qui ne reviendront plus. Ou alors ils iront dans le Sud, mais pas ici », soutient-il.

Intervention sélective ?

Politique de deux poids deux mesures. C’est ce que déplorent des habitants de Beach Lane, en évoquant ce qu’ils considèrent d’intervention « sélective » de la part des sapeurs-pompiers. Ces derniers, selon eux, interviennent souvent dans une ruelle où habite un proche d’une haute personnalité politique du pays. Une ruelle qui porte d’ailleurs le nom de cette dernière. « La-bas, kuma dilo vinn 10 centimet ou trouv pompier galouper vine tirer », martèlent un des habitants. 

 

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