
Londres temporise face aux pressions politiques concernant la rétrocession des Chagos, tandis que Port-Louis reste confiante. Malgré les garanties sur Diego Garcia, les tensions au Royaume-Uni et les craintes d’un rapprochement sino-mauricien freinent un accord imminent.
Si plusieurs titres de la presse britannique affirment que l’accord de rétrocession des Chagos à Maurice aurait été mis en attente par le gouvernement britannique, du côté de Maurice, l’on confie que les discussions avec le Royaume-Uni progressent favorablement. À Port-Louis, on assure que les voyants sont toujours au vert pour la signature d’un accord, avec une possibilité que cela se fasse dans les prochains jours, malgré les vents contraires qui soufflent depuis Londres.
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Selon une source proche du dossier, contactée vendredi soir, « as far as we are concerned, the deal is on ». Les échanges avec le Foreign Office britannique demeurent positifs, en dépit de fortes pressions exercées par certains lobbies britanniques pour faire échouer le processus. Rappelons que le gouvernement mauricien a déjà donné plusieurs garanties, notamment quant à l’exploitation de la base militaire américaine de Diego Garcia, qui pourra continuer à fonctionner sans ingérence pendant une période de 99 ans, renouvelable pour 40 ans supplémentaires. Mais aussi qu’aucune autre force étrangère ne pourra s’installer sur une autre île de l’archipel.
Une pression politique croissante au Royaume-Uni
Côté britannique, le ton semble plus réservé, du moins dans la presse. Vendredi, The Times avançait que Downing Street aurait décidé de mettre le projet en pause, redoutant une « réaction toxique » sur le plan politique. L’accord, qui impliquerait une compensation financière estimée à environ neuf milliards de livres sterling (somme qui n’a jamais été confirmée par Maurice ou le Royaume-Uni) ainsi que la location à long terme de Diego Garcia, suscite des divisions au sein du parti travailliste, mais aussi et surtout dans les rangs des conservateurs et du parti Reform.
Selon The Express, le Premier ministre Keir Starmer serait réticent à présenter le texte à la Chambre des communes dans le contexte actuel, marqué par des tensions internes et un projet de coupes budgétaires controversées dans les aides aux personnes handicapées. « Il sait qu’il serait attaqué par les Tories et Reform pour avoir cédé la souveraineté des îles Chagos, mais ce serait encore pire si la fronde venait aussi de son propre camp », confiait un proche du gouvernement au journal.
L’opposition britannique, notamment au sein du Parti conservateur, intensifie également ses critiques sur la scène sécuritaire. The Telegraph rapportait vendredi des inquiétudes croissantes après une rencontre entre le Premier ministre Navin Ramgoolam, et Huang Shifang, la nouvelle ambassadrice de Chine à Maurice. Celle-ci a appelé à un renforcement des relations bilatérales, alimentant les craintes d’un rapprochement stratégique entre Port-Louis et Pékin, du côté de ceux au Royaume-Uni qui s’opposent à un deal sur les Chagos.
L’ancienne ministre de l’Intérieur et actuelle porte-parole conservatrice aux affaires étrangères, Priti Patel, n’a pas tardé à réagir : « C’est exactement ce que nous redoutions depuis le début. » Elle a accusé le gouvernement Starmer de « brader la souveraineté britannique » par idéologie, en minimisant les risques d’ingérence chinoise sur une base militaire stratégique. Ces déclarations surviennent alors même que le Foreign Office affirme que l’accord inclura des clauses de sécurité suffisantes pour éviter toute influence étrangère.
Un enjeu diplomatique et symbolique
Le dossier des Chagos demeure l’un des plus sensibles du contentieux post-colonial entre Maurice et le Royaume-Uni. En 2019, la Cour internationale de Justice avait estimé que le Royaume-Uni devait mettre fin à son administration de l’archipel, jugée illégale. Depuis, Port-Louis multiplie les efforts diplomatiques pour faire appliquer cette décision, tout en garantissant aux partenaires occidentaux la continuité des opérations militaires sur Diego Garcia.
Si l'accord devait finalement être signé, il marquerait une étape majeure dans le processus de décolonisation entamé depuis plusieurs décennies. Pour l’heure, le gouvernement mauricien reste prudent mais optimiste. À Londres, cependant, la décision finale semble suspendue à un équilibre politique fragile, dans un climat où les considérations stratégiques et budgétaires prennent le pas sur les impératifs juridiques et historiques.

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